Au bord du Rhône et au pied du Palais des Papes

La ferme la Reboule, sur l’île de la Barthelasse à Avignon, appartient à la même famille depuis 1911. Aujourd’hui 3 frères y produisent fruits et légumes. Mais depuis toujours, il a fallu compter avec les crues du fleuve. Ils s’y préparent au quotidien.

2 mètres 50 d’eau dans la maison… La dernière crue du Rhône date de 2003. Elle a été terrible,  l’eau circulait au milieu de l’île ! Les vergers à noyaux ont été perdus. Mais l’inondation n’a pas dissuadé les fils de Bernard Cappeau de reprendre la ferme en 2007, avec la culture maraîchère sur une quinzaine d’hectares, et 2 autres plantés de pommiers. Ils cultivent 180 variétés de légumes et en produisent aujourd’hui 150 T par an, entièrement vendues à la ferme à des particuliers.

Le respect de la terre

Pas de label, mais une certaine éthique : « Notre idée principale, c’est le respect de la vie dans nos champs, explique Numa à ses visiteurs du jour. Nous cherchons à produire sans toxicité pour la terre et pour la santé ». Alors la ferme a des airs de nature en liberté, avec ses nombreuses haies qui abritent les insectes auxiliaires et ses herbes hautes.

Le Rhône et la Barthelasse

2 km de haies pour favoriser la biodiversité et protéger les cultures ©J.B.

Ici le désherbage est manuel ou mécanique.  Les plastiques de protection sont biodégradables, sauf les 4 200  clips en plastique qui sont patiemment ramassés à la main chaque année. Et la prochaine serre sera sous un voile d’ombrage. Sous les tunnels, les cultures sont paillées pour conserver l’humidité, et dans les champs, on pratique la rotation des cultures, et notamment les engrais verts dont certains fixent l’azote nécessaire.

Une île inondable et inondée

Bref, une ferme où il fait bon travailler, sous la protection du Palais des Papes, et à quelques encablures de l’ancienne cité papale. On connait décor plus terne. Et puis plantée au milieu du Rhône, la ferme bénéficie d’une terre particulièrement fertile. Mais la médaille a bien sûr son revers. A chaque automne, la menace de l’inondation pointe son nez. Alors ici, on prend toutes les précautions possibles.

la ferme la Reboule sur l'île de la Barthelasse, dans les bras du Rhône

Numa Cappeau reçoit les visiteurs et présente les atouts et les faiblesses de la ferme ©J.B.

Par exemple, les gros tuyaux d’arrosage sont enterrés à la fin de l’été. La cuve de fuel a été surélevée et arrimée solidement. Côté matériel d’arrosage,  la pompe est immergée et le tableau électrique se retire en 3 minutes, au lieu de 45 auparavant… Gagner du temps, c’est essentiel. Quand l’alerte crue est donnée, les maraîchers ont 6 heures pour mettre leurs installations et leur matériel à l’abri. « On sait qu’on est en zone inondable, mais si on peut éviter les conséquences des petites crues, c’est bien », philosophe Numa Cappeau.

Des plans de prévention et de remise en route

Sur l’île de la Barthelasse, une zone refuge haute est déterminée. Les agriculteurs y amènent leurs tracteurs et matériels. En projet, la création d’une plate-forme rehaussée, pour y entreposer le petit matériel. Et aussi la construction d’un hangar de 550 m2, surélevé à 3m80. Il permettra de stocker les productions, notamment les pommes. Et sera recouvert de panneaux photovoltaïques.

Le plan Rhône au soutien

Cet équipement  sera financé à 80% par le Plan Rhône (voir ci-dessous). Car comme la famille Cappeau, ils sont environ 120 agriculteurs des bords du fleuve sous la menace des crues, dans le département, et une dizaine sur l’île. Alors après les inondations de 2003,  la Chambre d’agriculture du Vaucluse a mis en place ce plan d’aide au diagnostic et aux mesures préventives.

Vue sur le Pont d'Avignon au bord du Rhône

Travailler au pied du Palais des papes et du Pont d’Avignon, une chance…©J.B.

Car sur ces zones inondables, seule l’agriculture peut exercer une activité économique et paysagère. Au prix de beaucoup d’adaptations. « L’inondation reste une malédiction, remarque Numa Cappeau, et elle est coûteuse. Mais sa menace seule a empêché qu’ici tout soit construit ». Une bénédiction pour les centaines de clients de la ferme la Reboule !

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Pour aller plus loin
mezzanine pour ranger le matériel

Mezzanine en béton dans un hangar pour le matériel, exemple d’investissement aidé
© C.A. 84

-Le plan Rhône dans le Vaucluse

La Chambre d’agriculture accompagne les exploitations concernées par le risque d’inondation. Les 1ers diagnostics ont été établis en 2008/2009 et le premier dossier bouclé en 2010. A ce jour, 86 diagnostics de vulnérabilité, et 40 dossiers de financement ont abouti. La Chambre apporte une aide à la réalisation d’un plan d’urgence et de remise en route.  Ainsi une trentaine de pompes immergées ont été financées. Mais aussi les mesures de sécurisation sur les cuves à fuel. Elles sont arrimées, surélevées et à double paroi.
Certaines adaptations ou matériels reçoivent le financement de l’Europe et de la Compagnie Nationale du Rhône.
Ces dispositifs de réduction de la vulnérabilité agricole aux inondations le long du Rhône existent également dans la Drôme, l’Ardèche, le Gard et les Bouches-du-Rhône.

Dans les bras du Rhône

Pour redécouvrir le Rhône d‘Avignon à la mer, jusqu‘au 13 octobre ©J.B.

-« Dans les bras du Rhône »

La visite de la ferme la Reboule a pris place dans l’agenda de cette manifestation. Pour sa 3e édition, cette invitation à découvrir le fleuve de Tarascon à Arles,  s’est élargie jusqu’à Avignon. Elle s’adresse au grand public et veut mettre en valeur toutes les richesses du Rhône : naturelles, culturelles, mais aussi économiques et même industrielles.  Les différentes animations et visites peuvent se faire à pied, à vélo, en kayak et bien sûr en bateau. Elles sont entièrement gratuites. C’est le CPIE Rhône-Pays d’Arles qui porte ce projet avec de nombreux partenaires.
L’an dernier, près d’un millier de personnes ont participé à l’opération « Dans les bras du Rhône ».