Friches en Vaucluse

Le mouvement ne date pas d’hier et il serait ralenti… N’empêche, le mitage des terres agricoles, le renoncement aux cultures dessinent de drôles de paysages plus gris que verts dans le Vaucluse qui fut « le jardin de la France ». Une aubaine pour les candidats à l’installation ? Pas si simple.

Du plus loin qu’elle se souvienne, Céline Reyre a toujours voulu travailler avec les animaux. Une passion qui l’a conduite un temps à s’occuper dans les refuges de la SPA, et aujourd’hui à créer un élevage de poulets. A  30 ans, mère de 5 enfants de 3 à 12 ans, dure au travail et avec une volonté bien trempée, Céline -comme tous les jeunes candidats à l’installation- s’est lancée dans un  parcours tout sauf facile.

Un projet bien pensé

300 poulets achetés à l’âge d’un jour, élevés pendant 4 mois sur parcours libres et nourris aux céréales bio, seront vendus sur le marché de Coustellet et à l’épicerie de producteurs, Naturellement Paysan.Céline Reyre et un poulet 150 poules pondeuses et des lapins compléteront le cheptel. Investissement : 60 000 à 70 000 € empruntés auprès de la Nef. Céline s’est démenée pour trouver du matériel d’occasion, quitte à aller chercher pondoirs, perchoirs et mangeoires à quelques centaines de km.

Problème : la location des terres. A Oppède où elle habite, la jeune agricultrice, entourée de 7 à 8 ha de friches agricoles s’est heurtée au refus de 3 propriétaires. Elle a dû louer provisoirement les 3 ha nécessaires dans un village voisin. Un éloignement qui complique la vie de l’élevage et induit des coûts supplémentaires.

« Pourquoi on empêche des jeunes de s’installer ? »

C’est la question de Céline qui avoue son incompréhension. Certains propriétaires refusent de vendre ou de louer en espérant que leurs terres deviendront constructibles et qu’ils feront une belle plus value. « Mais si le terrain devenait constructible, en tant que locataire,  je devrais partir », ajoute-t-elle, ce que beaucoup semblent ignorer.

Sur le parcours fermé les poulaillersAlors Céline Reyre qui a suivi une formation « Parcours Paysan » auprès de l’ADEAR a décidé de se servir de la loi : l’art. L125-1 du Code Rural prévoit en effet une priorité à la mise en culture des friches agricoles, une procédure encore peu utilisée en Vaucluse mais qui l’est régulièrement dans d’autres départements.

En attendant la décision des tribunaux et de la Préfecture, Céline travaille à l’installation de son élevage. Si tout va bien, en avril prochain, les premiers poulets estampillés « la Ferme du Luberon » seront en vente. Il en faudra 4000 par an pour atteindre la rentabilité.


Pour aller plus loin :

Vaucluse : la perte de terres agricoles

Entre 2000 et 2010, l’agriculture a perdu 10% de terres en moyenne, soit 12 000 ha, mais jusqu’à 50% dans le Luberon.

L’arboriculture a perdu 24% de ses surfaces, soit 3 000 ha, les légumes frais 19%, soit 860 ha, la vigne 12%, soit 7000 ha.

La surface agricole est aujourd’hui de 119 729 ha, soit un tiers du département. Une exploitation sur quatre a disparu en 10 ans, on en compte aujourd’hui 5710.

Entre 1945 et 2005, la surface occupée par l’urbanisation a été multipliée par 5 au détriment des espaces agricoles et naturels.

Sources :

http://www.vaucluse.gouv.fr/recensement-agricole-2010-a8348.html

http://agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf_D8411A01.pdf

http://fr.calameo.com/read/002048680534b000be753

http://agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/R9315C01.pdf


Ce qu’en dit la Confédération Paysanne :

Pour l’organisation, très active sur la question de l’accès aux terres, le paradoxe n’est qu’apparent.  Qu’ils arrêtent à cause de l’âge ou de l’endettement, les anciens peinent à transmettre leurs terres à des jeunes. En cause la plupart du temps, le prix du terrain et la concurrence avec  les autres usages : logement, commerce, urbanisation.

Entre spéculation et peur de ne pouvoir vendre après un bail locatif (ce qui en fait est une erreur, si un terrain passe en constructible, le bail peut être résilié), les nouveaux agriculteurs souvent non issus du milieu agricole ont beaucoup de mal à s’installer.

La Loi prévoit pourtant la priorité à la remise en culture en cas de projet agricole. La Confédération Paysanne aide donc  les jeunes à conduire ces procédures, et travaille auprès des élus communaux afin qu’ils rachètent du foncier pour favoriser la remise en exploitation des terres, notamment le maraîchage autour des villes et villages.