Alimentation méditerranéenne au menu du Forum PNR Luberon

Le 5e Forum Alimentation du Parc du Luberon s’est tenu aux Taillades (84) le 30 octobre. Denis Lairon, chercheur à l’INSERM y a plaidé pour l’alimentation méditerranéenne, victime d’un paradoxe. Reconnue mondialement pour ses qualités, elle est en voie de disparition !

Denis Lairon, chercheur à l'INSERM, spécialiste de l'alimentation méditerranéenne

Denis Lairon spécialiste de l’alimentation méditerranéenne à l’INSERM

Il y a bien longtemps que Denis Lairon travaille sur l’alimentation méditerranéenne. Ce que l’on a nommé « le régime crétois », ou la « diète méditerranéenne » est basé sur un apport énergétique modéré, beaucoup de légumes et de légumes secs, de fruits, ainsi que des céréales – peu raffinées- peu de viande et de poisson, encore moins de viande rouge, du vin modérément, et très peu de sucreries.
Un régime qui a prouvé ses qualités pour les humains : plus grande longévité, moins d’obésité, de maladies cardio-vasculaires et de cancers. Mais aussi pour l’environnement et ses ressources. « C’est clair que cette alimentation méditerranéenne, basée sur une production locale, à base de végétaux et peu transformée  a moins d’impact sur l’environnement », explique le chercheur.

Reconnaissance mondiale

A tel point d’ailleurs qu’elle a été inscrite en 2013 au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO, qui a reconnu ses bienfaits. Quant à l’ONU, qui a déterminé 17 objectifs pour lutter contre les fléaux mondiaux, elle a noté dans son 12e objectif : la consommation et la production durables.
Pour Denis Lairon, le bilan de l’alimentation mondiale aujourd’hui est sans appel. Faim et malnutrition, inégalités, carences, gaspillage, obésité, maladies, pressions sur les ressources et le climat : voilà la réalité alimentaire.

Pyramide alimentation méditerranéenne

Pyramide pour l’alimentation méditerranéenne du consensus international de 2011, ( d’après Public Health Nutrition, 2011)

Un vrai-savoir vivre

Avec l’alimentation méditerranéenne, basée sur des produits locaux, de saison et dans le respect de l’environnement, se conjuguent le repos et l’activité physique et l’aspect convivial du moment du repas. Sans oublier la nécessité de transmettre les connaissances culinaires et leur importance aux nouvelles générations.
Et justement en PACA, le territoire se caractérise par une multiplicité de producteurs et de produits locaux. Mais aussi une riche biodiversité, ainsi que le désir de tenir compte de la nature. Et les surfaces en bio sont deux à trois fois plus nombreuses que dans le reste de la France. Un atout supplémentaire pour une bonne alimentation.

l'alimentation méditerranéenneLes bienfaits des produits bio

En effet, Denis Lairon a participé à l’étude Nutrinet-Santé dont certains résultats viennent d’être publiés. Cette étude est conduite depuis 2009 sur 100 000 personnes. Et la dernière parution démontre que les consommateurs réguliers de produits bio ont un risque de cancer réduit de 25%. Alors tout va bien pour les provençaux, avec l’alimentation méditerranéenne et bio ? Pas vraiment…
Car entre les années 60 et les années 2000, elle se perd, en Provence mais aussi sur tout le pourtour méditerranéen ! Elle est même en voie de disparition… au profit du modèle standard, trop riche, trop gras, trop salé, trop sucré ! Et les champions de l’obésité en Europe sont aujourd’hui… les Grecs !
« Je suis chercheur et provençal, au plan international, on organise des colloques, on informe, on pousse, on tire… Mais l’agro-alimentaire a de gros moyens. Les medias ne sont pas très intéressés par la pédagogie et l’éducation », se désole Denis Lairon.

Manque de soutien régional

C’est pourtant par là qu’il faudrait commencer. Et le chercheur ne cache pas sa déception, voire son indignation face à l’abandon d’un projet ambitieux qu’il a conduit avec la précédente mandature de la région PACA. Quatre ans de travail collectif pour mettre sur pied un important projet pilote auprès des lycéens et étudiants de la région, avec la mise au point d’outils et de matériel pédagogique. Le tout réalisé dans la plus grande rigueur scientifique. «Si nous ne sommes pas capables de défendre l’alimentation méditerranéenne en Provence, qui le fera ? » conclut-il, un rien désabusé.

Denis Lairon et Gilles Pérole, élu à Mouans-Sartoux, (06), commune championne du bio à la cantine

Malgré tout, Denis Lairon ne perd pas espoir et continue à agir auprès des instances nationales et internationales. Et justement, bonne nouvelle à l’horizon ? En tout cas, si elles ne changent pas dans leur version grand public, les prochaines recommandations du Haut Conseil de la Santé Publique pour le PNNS (le Programme National Nutrition Santé) devraient préconiser moins de charcuterie, de viande rouge et de produits laitiers, plus de fruits et légumes, des céréales non raffinées et des légumes secs… et non contaminés par des pesticides.
De quoi encourager toutes celles et ceux qui se battent au quotidien pour défendre une alimentation qui a fait ses preuves.


« Le Luberon, une montagne de santé »

Zoom sur le Projet Alimentaire Territorial  du Parc Naturel du Luberon

Le territoire du Parc (77 communes sur deux départements, le Vaucluse et les Alpes de Haute Provence) est à plus de 30% agricole. Il compte 14 AOP/IGP et 1900 agriculteurs dont 15% en bio. Toutes les productions de l’alimentation y sont représentées, et la vente directe y est très forte.
Côté consommateurs, la demande est solide avec 4 villes de plus de 10 000 habitants (Cavaillon, Pertuis, Apt et Manosque) et 1,6 millions de touristes qui dépensent chaque année 111 M€ pour se nourrir.

5e Forum Alimentation et Agriculture aux Taillades

5e Forum alimentation et agriculture du PNR Luberon

Ce patrimoine agricole exceptionnel a conduit les responsables du Parc à définir dans sa charte l’agriculture comme « un enjeu de développement durable ».
Le Projet Alimentaire Terrritorial se décline suivant plusieurs axes :

Dès 1981 les marchés paysans répondent à la demande conjointe des producteurs et des consommateurs. Aujourd’hui 150 lieux de vente collective existent sur le territoire et 8 magasins de producteurs.
Côté production de qualité, le Parc lance dans les années 2000 une filière panicole. Tous les acteurs recherchent et analysent les variétés anciennes. Aujourd’hui 10 paysans-boulangers y travaillent.

La Thomassine à Manosque

la Maison de la Biodiversité la Thomassine propose une promenade originale et pédagogique dans les vergers

La Thomassine

A Manosque, la Maison de la Biodiversité conserve, entretient et développe un verger ancien. Elle travaille avec un réseau de producteurs et d’associations qui plantent ces variétés, sous l’œil vigilant des chercheurs du GRAB et de l’INRA.

Le Parc n’oublie pas la question du foncier. Il coopère avec la SAFER, l’ADEAR, Terre de Liens  pour aider à la transmission des terres (la majorité des agriculteurs a plus de 50 ans et le prix du foncier est très élevé). Aujourd’hui un réseau de 7 sites propose des solutions différentes. Par exemple la ZAP (Zone Agricole Protégée) en projet à Manosque.

Marylène Maurel chargée de mission au Parc du Luberon

Mylène Maurel, chargée de mission au PNR décrit le PAT Luberon

Les scolaires

Autre axe d’actions d’importance, l’éducation et l’information. Depuis 2009, l’opération « de la ferme à ta cantine », mobilise différents acteurs. Aujourd’hui 30 communes sont impliquées, 800 000 repas servis chaque année et 6 000 enfants sensibilisés à l’alimentation locale si possible bio. Autre initiative, les classes vertes « de la fourche à la fourchette » et un programme de sensibilisation intitulé « s’engager dans la transition agricole et alimentaire ». Il concerne de 20 à 40 classes par an avec des cycles d’intervention de la part des animateurs du Parc.

l'alimentation au coeur des enjeux du PNR Luberon

le PNR Luberon a mis en place un Projet Alimentaire Territorial

Enfin, le Parc communique sur les atouts de son territoire grâce à la marque « Valeurs Parc », en faveur du développement éco-touristique. Elle porte sur le pain et le vin. Producteurs et restaurants s’en réclament.
Le PAT du Luberon atteindra sa pleine dimension quand l’ensemble des communes et intercommunalités intégreront cette thématique dans leur quotidien.

Infos recueillies auprès de Mylène Maurel,chargée de mission agriculture et tourisme au PNR Luberon