2 100 ha risquent de perdre leur usage agricole dans les Bouches-du-Rhône. La fédération s’y oppose et soutient des projets alternatifs agraires. Un combat éclairant à l’heure où la crise du Covid-19 illustre la dépendance locale aux produits alimentaires extérieurs.

Un chiffre, un  seul, devrait faire réfléchir n’importe quel citoyen. En l’espace de 16 ans, de 1988 à 2014, les Bouches-du-Rhône ont perdu 22 000 ha de surfaces agricoles. Ce chiffre a été calculé par nos confrères de Mars Actu, selon des données issues du Centre Régional d’Information Géographique (CRIGE). Cela équivaut quasiment à la superficie de Marseille. Certains diront qu’il faut bien réserver de la place au logement, à l’activité économique, aux projets routiers.

D’autres, comme France Nature Environnement 13 (FNE 13), se battent pour que ces terres à vocation agricole le restent absolument. La crise du coronavirus illustre d’ailleurs d’un jour nouveau ce problème de fond. « Ce que l’on vit en ce moment rend encore plus criant le problème de la disparition des terres. Si demain les chauffeurs routiers faisaient valoir leur droit de retrait, on verrait à quel point nous dépendons ici d’un approvisionnement alimentaire extérieur. Sait-on aussi que 80% de la production agricole des Bouches-du-Rhône quitte le département ? », interroge Alain Goléa, administrateur de la FNE 13, délégué à l’agriculture.

Le Vallon des Douces, un coin de campagne intègre au cœur de Marseille, dans le 11ème arr. Crédit Sandie Lachouette.

Sanctuariser les terres

D’où l’ambition de sanctuariser ces terres menacées par des projets d’urbanisation. Avec un objectif : les maintenir en culture pour alimenter le marché local. Depuis mars 2019, elle a lancé un programme de veille sur les zones en tension. Des associations locales de défense de l’environnement font remonter les cas en proposant des projets alternatifs agricoles.

A ce jour, 54 zones ont été recensées sur 23 communes des Bouches-du-Rhône. « Sur les 2 100 ha, 900 ha concernent le projet de contournement autoroutier d’Arles. Il menace directement des terres agricoles de la Crau et de la Camargue. Les autres surfaces sont plutôt des espaces périurbains menacés par un futur projet immobilier ou de zone d’activités », indique Alain Goléa.

Des vignes en terrasses, un paysage provençal remarquable dans les collines d’Auriol. Crédit Alain Goléa.

A Marseille, le cas du Vallon des Douces

La FNE 13 publie sur son site une cartographie des espaces. 20 ha à Barbentane, 6 à Saint-Rémy-de-Provence, 10 à Mallemort, 55 à Grans, 23 aux Pennes-Mirabeau, 18 à Sainte-Zacharie… tous les territoires du département sont concernés. A Marseille, le cas du Vallon des Douces est révélateur du conflit d’intérêts entre agriculture et immobilier. Dans le 11ème arrondissement, cette « campagne marseillaise » de 12 ha abandonnée comprend des vignes, des oliviers, des arbres fruitiers et de nombreuses restanques.

Propriété de la Fondation de France et d’un privé, elle est menacée par deux permis d’aménager accordés en 2015. La modification du PLU de Marseille a rendu la zone constructible. Ce choix est contesté par l’association Terre de Liens, qui défend un projet alternatif d’agriculture urbaine de proximité. Avec des idées solides : exploiter à nouveau vignes, oliviers et arbres fruitiers ; introduire du maraîchage bio et du petit élevage ; créer des activités pédagogiques et de la vente directe ;  et accrocher l’initiative au wagon du Projet Alimentaire Territorial d’approvisionnement de la population locale en circuits courts.

Des restanques, des pins, des murets de pierre sèche… il serait dommage que ce paysage disparaisse. Crédit Sandie Lachouette.

ZAP, Zone Agricole Protégée

Autre exemple à Auriol, aux Adrechs. « 3 ha sont cultivés par un agriculteur. Sur 4 autres, la commune a fait voter en 2017 la révision du PLU qui ouvre la voie à un déclassement et un projet de lotissement. Nous défendons au contraire l’idée d’un potager communal et d’un espace de permaculture avec des ruches. Nous voulons aussi réserver des terres à des élèves du lycée agricole de Saint-Maximum qui cherchent des espaces-tests pour valider leurs projets agricoles », explique Alain Goléa. Ce choix est porté par l’association Terres Fertiles Provence, dont il est l’animateur. L’élection municipale du 15 mars a porté à la tête d’Auriol une liste favorable à la sanctuarisation de ces terres. Elles pourraient passer ainsi en Zone Agricole Protégée.

Auriol est réputée pour sa viticulture. L’association Terres Fertiles veut maintenir la vocation agricole de la commune en sanctuarisant le secteur des Adrechs. Crédit Alain Goléa.

Instruction « zéro artificialisation des terres »

Dans son combat, FNE 13 mise aussi sur une instruction prise par le gouvernement le 29 juillet 2019. Celle-ci appelle « au renforcement de la mobilisation de l’Etat local pour porter les enjeux de lutte contre l’artificialisation des sols (…) et mobiliser les acteurs locaux ». En clair, l’Etat demande « de  faciliter aujourd’hui et pour demain des projets de développement des territoires équilibrés, sobres en consommation d’espace, qui veillent à un meilleur usage des terres ».

Cette instruction permet entre autres « qu’une zone d’au moins 4 000 m² déclassée et présentant un intérêt agricole puisse redevenir agricole », dit Alain Goléa. Une façon de remettre aussi en jeu la SAFER et son droit de préemption, chose impossible lorsqu’une terre n’est plus agricole. « Nous veillerons à ce que la Préfecture respecte cette instruction », prévient Alain Goléa.