Désherbage pour les apprentis maraîchers

A Cavaillon, une association produit et vend ses légumes bios grâce à un atelier maraîchage. Des personnes en précarité y découvrent ou retrouvent le goût des produits et du travail de la terre.

Ce matin d’avril, Sylvie, Bruno, Alexandra et Emeline sont à quatre pattes sous un tunnel de plastique, occupés à désherber la bordure où seront  plantés poivrons et tomates. Rires et gentils chahuts accompagnent le travail. Ceux-là au moins –qui ont presque tous découvert ici l’agriculture et ses exigences- apprécient ce contrat de 6 mois, renouvelable une fois. Sylvie qui a déjà travaillé dans le secteur « aime le maraîchage et le travail en plein air ». Alexandra a une expérience dans la restauration mais elle préfère la terre : « Ici j’ai pas l’impression de travailler » plaisante-t-elle, tandis que Bruno qui s’est employé dans la mise en rayon « achète parfois bio ». Emeline en est sûre : « c’est mieux pour la santé d’éviter les pesticides ! ». A l’issue de son contrat, elle va peut-être chercher une formation dans le secteur. Tous les quatre disent apprécier ce travail parce que c’est « varié… dehors… apaisant… »…

De la graine au fruit

Laurent Mülheim lui travaille pour l’association Le Village depuis 17 ans. Il est éducateur technique et dirige 12 à 15 salariés en chantier d’insertion. Ils sont envoyés par le Pôle Emploi ou les travailleurs sociaux. Jeunes ou pas, tous ont un parcours difficile, des ruptures, des échecs, et sont dans la précarité. Bien sûr, tous ne trouvent pas le bonheur dans l’agriculture, mais pour Laurent, « l’important est qu’ils arrivent le matin avec le sourire ».

L’agriculture, oui, mais bio

Sur un hectare en conversion bio, Laurent, nanti d’une formation d’écologue et sensibilisé à l’agro-écologie,  enseigne patiemment à ses équipes les rudiments du maraîchage. « On essaie de les faire changer d’habitudes d’achat et de façon de se nourrir, qu’ils partent en sachant qu’ils peuvent avoir une meilleure qualité alimentaire et protéger leur santé ».  Mais son rôle va au-delà. « Le plus important, c’est la rencontre quotidienne avec des personnes stigmatisées, qui en fait, ont plein de ressources. Des tas de belles choses arrivent ici ».

la butte permacole, technique innovante de culture

Sur la butte permacole, tout pousse

Des techniques innovantes

Côté champs, Laurent se tourne de plus en plus vers la permaculture. Si le désherbage à la main est encore nécessaire, il souhaite travailler de moins en moins le sol, grâce à la technique du couvert végétal et des buttes permacoles. Lui et l’équipe en ont élevé une à titre expérimental. Ils l’ont constituée de rondins, de branches, feuilles, compost, fumier et paille, et y ont planté épinards, courgettes et betteraves. Aux dernières nouvelles, tout le monde pousse bien, et les épinards font des étincelles ! Cette technique sensée rétablir l’équilibre des sols et la biodiversité ne demande qu’un peu de désherbage.

L’INRA partenaire

Pour lutter contre les maladies et la présence un peu trop pesante de nématodes dans le sol, Laurent travaille avec l’INRA. Il étudie aussi avec intérêt le phénomène de mycorhize (l’association plante-champignon),  dans le but d’améliorer le système racinaire des plantes, afin qu’elles se développent mieux.

Les légumes produits au Village – une trentaine de variétés-sont vendus directement au restaurant sur place mais aussi sous forme de paniers, à des permanents et des ouvriers de l’association. Mais les ¾ sont achetés par des particuliers qui souhaitent soutenir le projet, aider les circuits courts et adopter une alimentation saine.

Isabelle et Mehdi désherbent avec plaisir

Isabelle et Mehdi travaillent avec plaisir

Quand la bio remet en selle

Dos courbé sur une parcelle, Isabelle et Mehdi désherbent sans une plainte et dans la bonne humeur. Cette mère de famille a bien envie de se lancer – son contrat ici achevé – dans l’agriculture bio. Même si elle reconnait dans un sourire qu’elle ne mangeait pas de légumes et ne sait pas trop les cuisiner : « Mais je vais m’y mettre ». Mehdi, paysagiste, envisage de travailler pour quelques clients tout en cultivant une petite exploitation. Hébergé au Village à son arrivée dans la région, il a trouvé un logement, passe son permis et marche pas à pas vers un avenir plus stable.

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Pour aller plus loin

L’association le Village

-Créée en 1993, elle avait au départ la volonté d’héberger des personnes en grande précarité, en construisant des pavillons à partir des matériaux trouvés sur place, grâce à des chantiers d’insertion. Aujourd’hui, 28 personnes sont hébergées et 36 sont au travail dans les différents ateliers. Outre le maraîchage, l’association propose la construction et la vente d’éco-matériaux, leur mise en œuvre, et un atelier « vie quotidienne », avec cuisine, ménage et lingerie : un restaurant sur place permet de nourrir tout ce petit monde.

Les tunnels du site maraîcher du Village

Près de Cavaillon et de la Durance, le site du Village

-Le Village est une Maison relais, située à la sortie de Cavaillon en direction d’Avignon.

-Pour les chantiers d’insertion, elle reçoit un financement du Conseil Départemental et des fonds européen. Contribution aussi de l’Etat et de la Région.

-Elle développe aussi un volet culturel en participant au festival « ‘C’est pas du luxe », produit par le réseau de la Fondation Abbé Pierre. Le Village de Cavaillon a sa fanfare, qui a enregistré un CD, et a produit un livre de photos.