les acteurs du programme Life Alpilles

Protéger 13 espèces d’oiseaux menacées tout en confortant l’activité économique du territoire. C’était le projet conduit par le Parc Naturel Régional des Alpilles, financé par l’Union Européenne. Le bilan de Life Alpilles vient d’être présenté.

Ce jour de février à Saint-Rémy-de-Provence, c’est un public nombreux et attentif qui assiste au Séminaire de restitution du Programme Life Alpilles. Responsables et agents du Parc, élus des collectivités, techniciens des associations et agences partenaires… Toutes et tous ont œuvré pendant 6 ans pour mener à bien cette belle aventure !

le public du séminaire Life des Alpilles

le Séminaire de restitution du programme Life Alpilles a rassemblé un public fourni

Un programme ambitieux

2.4 millions d’euros, financés aux  ¾ par l’Europe et pour le reste par la Région, le département, les communes et le Parc. Pour quel usage ? Gagner un pari qui ressemble à un paradoxe : préserver une biodiversité exceptionnelle, notamment l’avifaune, tout en soutenant l’économie du territoire. Un beau challenge, à l’heure où les dernières études montrent qu’un tiers de la population des oiseaux a disparu en France en 15 ans.

l'Aigle de Bonelli présent dans les Alpilles

L’Aigle de Bonelli, l’un des oiseaux les plus emblématiques des Alpilles

Jean Mangion, le président du Parc naturel régional des Alpilles explique ainsi la démarche. « Life Alpilles est un programme emblématique pour nous car nous sommes dans un territoire exceptionnel où des hommes travaillent et d’autres essaient de le protéger. Nous voulons une nature au service de l’homme, et l’homme au service de la nature. L’objectif est que les hommes poursuivent leurs activités mais sans détruire ».

Une avifaune exceptionnelle

Il aura fallu pas moins de 2 ans de préparation avant de lancer le Programme Life. Au total, 40 actions très détaillées, dans leur objet, leur coût, et le résultat attendu… L’Europe –à juste titre peut-être-  surveille tout ça de très près.

le séminaire Life Alpilles à St Rémy de Provence

Pas moins de 40 actions engagées dans le cadre du Programme Life Alpilles

Quatre couples d’Aigles de Bonelli, 2 couples de Vautours percnoptères, une douzaine de couples de Circaètes Jean-le-Blanc font partie des merveilles des Alpilles, avec l’Alouette lulu, la Fauvette pitchou et encore le Pipit rousseline. Tous sont plus ou moins menacés de disparition.

Rouvrir la garrigue

Pour les préserver, des opérations de «réouverture des milieux » ont été menées à bien, sur 170 hectares. De façon très précise, pour former avec la forêt, une mosaïque d’espaces couverts et découverts, propices à la nidification, à la reproduction et à la chasse…

pour l'agroécologie, le programme LIfe Alpilles

Dans ces espaces rouverts, grâce aux conventions passées entre propriétaires et bergers,  le pastoralisme reprend ses droits. Lui aussi est gage de biodiversité, de lutte contre l’incendie et véritable activité économique. Tout comme l’exploitation du bois de pin d’Alep, permise par les coupes.

Planter des haies

Autre action bénéfique, la réduction du « dérangement », grâce à la modification de certains sentiers ou l’interdiction de certaines zones aux promeneurs.

Pour le Rollier d’Europe, qui niche dans les haies, il a fallu en replanter -6 km- et y installer 72 nichoirs. L’efficacité de ces actions ne peut être encore mesurée. Et les responsables auraient souhaité en installer davantage. « Mais c’est difficile, souligne Eric Blot, le directeur du PNR Alpilles, il faut trouver du foncier disponible, et donc des propriétaires qui s’engagent pour 30 ans sur l’arrosage, l’entretien, le maintien »…

Tourisme durable

L’écotourisme a également fait l’objet de mesures…. Avec l’objectif de développer un tourisme durable et tourné vers l’ornithologie.  40 acteurs reçoivent une formation pour cette offre spécifique.

Un volet « sensibilisation et éducation » auprès de 500 scolaires et du grand public à la richesse et à la fragilité du patrimoine naturel des Alpilles a été mis en place.

Une agriculture alternative pour préserver la biodiversité

Pour l’agriculture, le programme prévoyait la réduction des pesticides

Un autre axe important du programme a été de favoriser chez les agriculteurs de pratiques alternatives à l’utilisation des pesticides. L’enherbement des vignes ou l’utilisation d’un pulvérisateur d’argile sur les oliviers pour lutter contre la mouche ont été notamment expérimentés (voir article ci-dessous).

Un tremplin pour l’avenir

A l’heure du bilan, les engagements des 40 actions ont été tenus, en quantité et en budget, l’Union Européenne devrait saluer le sérieux du travail ! Mais surtout, chacun s’est réjoui que le programme Life Alpilles ait permis de fédérer autour de lui l’ensemble des acteurs, y compris ceux qui se rencontrent rarement. Chasseurs et militants de la Ligue de Protection des Oiseaux, par exemple, ont ainsi siégé de concert et uni leurs efforts vers le même but.

Le séminaire Life Alpilles à l'Alpilium à St Rémy de Provence

Le programme Life Alpilles a mobilisé tous les acteurs

Des pratiques que tous les acteurs entendent bien poursuivre, même après la fin du programme, dans quelques mois. La plupart des actions doit se poursuivre, grâce au « Plan de conservation », qui suit le Programme Life Alpilles. Mais il sera plus difficile de trouver des financements. Et puis la Charte du Parc pour les 20 prochaines années est en cours d’écriture. C’est une dynamique exemplaire que le Parc des Alpilles a su mettre en œuvre. Et tout le monde souhaite qu’elle se poursuive.

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3 questions à Sylvain Della Torre, chargé de mission Agriculture auprès du PNR Alpilles.

S. Della Torre est chargé de mission auprès du PNR Alpilles

Sylvain Della Torre a suivi le volet agriculture

Bleu Tomate : Tous les agriculteurs du Parc ont-ils participé au Programme sur les alternatives ?

Non, la démarche était expérimentale. Nous avons identifié pour les 4 filières concernées (viticulture-oléïculture-grandes cultures-arboriculture) 3 acteurs volontaires. Ils ont défini les pratiques qu’ils souhaitaient mettre en œuvre. L’enherbement pour les vignes, la pulvérisation d’argile pour les oliviers. Ou le piégeage des mouches, ou encore la plantation de plantes auxiliaires… Sur les grandes cultures, l’expérimentation a porté sur les cultures intermédiaires, associées, la rotation, afin de réduire les pesticides, notamment le glyphosate… « L’objectif était de montrer que la biodiversité est plutôt une alliée sur le plan économique » souligne Sylvain.

BT : Quel bilan tirez-vous de ces actions ?

Deux années d’expérimentation, c’est un peu court pour tirer des conclusions, surtout qu’elles ont été compliquées : 2017, sècheresse, 2018, pluies en abondance. Les protocoles prévus ont été malmenés. Mais tous ont envie de poursuivre l’expérimentation, et certaines actions vont être poursuivies. Mais il est vrai qu’il faut du temps pour trouver l’équilibre, quand on change ses pratiques.

Logo du programme Life Alpilles

BT : Ces changements intéressent-ils l’ensemble des agriculteurs du Parc ?

Nous avons organisé près d’une vingtaine de  journées techniques d’échanges et d’information où les agriculteurs volontaires venaient raconter leur vécu. 250 personnes y ont participé. Cela leur a permis d’envisager de nouvelles pratiques, et même  d’autres projets. Grâce au Programme Life Alpilles, nous avons amorcé des réflexions et des comportements nouveaux.

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Pour aller plus loin

Le Parc Naturel Régional des Alpilles :

-Situé dans les Bouches-du-Rhône, il couvre 51 000 hectares, de Fontvielle à  Sénas, de Saint-Rémy-de-Provence à Mouriès. Au total, 16 communes.
25 000 ha sont des terres agricoles, 21 212 ha sont des espaces naturels dont 64% de forêt. 5 % du territoire concerne villes, routes et industrie.
50 000 habitants, principalement occupés dans les services, et pour 10% à l’agriculture.
-Composé de forêts, de garrigues et de falaises.
120 espèces animales rares ou à protéger, dont 13 espèces d’oiseaux rares.
-Un film a été tourné sur le PNR Alpilles. Intitulé « Des oiseaux, des paysages et des hommes», il témoigne de la richesse naturelle du territoire mais aussi de sa fragilité. On peut le voir en cliquant ici.
-Tout au long de 2019, la future Charte du Parc est en construction, sur le thème « Quelles Alpilles voulons-nous en 2037 » ? Le document, toujours tourné vers la protection du patrimoine naturel intègrera la question de l’eau et du changement climatique.