les collectivités territoriales s'équipent pour le zéro phyto

Sauf exceptions, la loi Labbé interdit depuis 2017 les produits phytosanitaires dans les espaces verts. Un changement parfois difficile pour les élus mais aussi un marché porteur pour les fabricants de matériel et les sociétés-conseil. A Med’Agri, à Avignon, nous avons rencontré les acteurs du secteur.

Nul n’est censé ignorer la loi. Depuis le 1er janvier 2017 et l’entrée en application de la loi Labbé, les collectivités territoriales (communes, agglos, métropoles…) n’ont plus le droit d’utiliser des produits phytosanitaires pour traiter leurs espaces verts. Fini le glyphosate dans nos jardins publics, sur les pelouses des stades, les promenades herbacées, les bas-côtés de routes départementales… Enfin, fini, pas tout à fait. Car la loi a été amendée et accepte des dérogations hélas nombreuses.

équipement pour les collectivités territoriales

Florence Aliberti avec la tête coupeuse qui ne projette pas l’herbe

Ainsi la lutte contre certains organismes « nuisibles » réglementés reste autorisée à l’aide de produits « phytos ». La loi Potier de mars 2017 (art. 8) a même élargi ces exceptions. Notamment dans le cas de lutte « contre des dangers sanitaires graves menaçant la pérennité du patrimoine historique ou biologique ». A croire que la chimie peut encore empêcher les drames… alors que souvent, c’est elle qui les provoque.

Engagement à géométrie variable

Pour les collectivités, en tout cas, ce changement législatif est vécu différemment. « On peut distinguer trois catégories d’acteurs. Celle que j’appelle les early adopters sont des municipalités qui n’utilisaient déjà plus de produits de synthèse. Elles sont en veille technologique et dans l’amélioration continue de leurs process. La seconde catégorie représente la majorité : ce sont les collectivités qui appliquent la loi depuis son entrée en vigueur. Elles sont accompagnées par des cabinets-conseils car le recours à leurs services détermine parfois l’accès à des subventions. La troisième catégorie est celle des réfractaires. Des élus qui pensent pouvoir passer outre ou s’équipent a minima », décrypte Florence Aliberti, market manager espaces verts chez Pellenc. Parmi les collectivités exemplaires, elle en cite deux, situées aux extrémités de l’échelle : la commune de Rognes (Bouches-du-Rhône, 4 800 habitants) et Lyon Métropole (1,4 million).

les entreprises conseillent les collectivités locales pour les espaces verts

Anne Mésas, présidente de Biova, cabinet-conseil basé près de Toulouse.

Solutions et propositions

L’entreprise, basée à Pertuis, a développé une gamme d’outils de désherbage mécanique et thermique pour répondre aux nouveaux besoins. Dont une tête innovante, qui coupe l’herbe mais ne la projette pas (voir photos). « Le désherbage mécanique, c’est du curatif. Mais nous encourageons aussi la tonte raisonnée », précise la responsable. Sur ce marché stratégique de primo-équipement, Pellenc, revendu par un réseau de distributeurs, réalise des croissances à deux chiffres. Et la société a étoffé récemment son équipe de promoteurs-démonstrateurs.

Adapter les espaces verts

Mais les mairies qui croyaient s’en sortir simplement en remplaçant le glyphosate par des rotofils en sont pour leurs frais. Car le passage du chimique au mécanique exige de repenser les espaces verts. « La vraie question est « comment on aménage ». Il faut que les zones vertes soient facilement accessibles aux outils mécaniques. Quand j’arrive dans une collectivité, je demande toujours à ce que l’on me promène en ville, pour voir les aménagements et comment on peut les adapter », témoigne Anne Mesas, à la tête du cabinet d’aménagement végétal et animal Biova.

Enlever les dalles entre lesquelles poussent des lignes d’herbe difficiles à couper, limiter l’usage du gravier, planter des parcelles assez grandes pour faciliter le passage des désherbeuses… ce travail de conseil est mené par Biova auprès des collectivités et de leurs services techniques, tenus de s’adapter.

les collectivités territoriales comme Fuveau sont très engagées

Lydia Reposi, et Aurélien Transon, respectivement chargés de mission Agenda 21 à la mairie de Fuveau et au Syndicat d’Aménagement Bassin de l’Arc

Expliquer, toujours expliquer

Le problème le plus important ne semble pourtant pas venir des mairies mais… des habitants. « Certains sont restés dans l’idée que l’herbe, c’est sale et que cela signe un défaut d’entretien », observe Florence Aliberti. « Avoir de l’herbe dans sa rue signifie pour quelques-uns que ce n’est pas nettoyé », confirme Anne Mesas. Et les mairies d’être assaillies de plaintes de riverains qui se demandent comment on peut bien laisser leur rue dans cet état, avec des pieds de murs ou des chaussées envahies de touffes d’herbe…

Certaines municipalités, prises par « l’urgence » de la loi ou par manque d’anticipation, n’ont probablement pas effectué le travail nécessaire de sensibilisation en amont auprès de leurs concitoyens. Dans les communes écolos-sensibles depuis longtemps, sans doute les choses se passent-elles un peu mieux…


Pour aller plus loin

Fuveau, pionnier du Val de l’Arc

Dotée d’un Agenda 21, la commune des Bouches-du-Rhône n’a pas attendu la loi Labbé pour se lancer. « Nous avons sensibilisé les services techniques, informé les élus. La commune et son maire ont décidé d’agir avant la loi », témoigne Lydia Reposi, chargée de mission Agenda 21 à la mairie. Depuis 2016, Fuveau est ainsi une commune « zéro pesticide », du moins pour les usages municipaux. « Pour le désherbage, nous utilisons des outils mécaniques et des brûleurs à gaz. Nous remplaçons aussi des plantes par des essences méditerranéennes pour consommer moins d’eau ». Mais la mairie n’échappe pas aux remontrances. « Nous avons beaucoup de plaintes de citoyens qui nous disent que c’est sale ! ». L’arrêt des pesticides a-t-il déjà eu un impact sur l’Arc, cette rivière du département soumise à une forte pollution ? « Il y a peut-être une tendance à la baisse de certaines molécules de pesticides mais le produit de dégradation du glyphosate est encore extrêmement présent », constate Aurélien Transon, chargé de mission au Syndicat d’Aménagement Bassin de l’Arc (SABA).

Légendes photos (Crédit : Philippe Bourget)