Légumes Filière Paysanne

Côté vitrine, Filière Paysanne c’est deux épiceries à Marseille et une autre à Aix qui fournissent en produits locaux et bio une clientèle croissante. Mais de façon moins visible, l’association umarseillaise présidée par Jean-Christophe Robert a su s’imposer en quelques années comme une force active de proposition. Aujourd’hui, les initiatives qu’elle soutient sont fragilisées par les récents changements de majorités.

 Que l’approche soit écologique, sanitaire ou éthique, il est désormais admis par beaucoup que l’état des filières alimentaires justifie la recherche d’équilibres plus sains. En promouvant les circuits courts, Filière Paysanne s’inscrit dans cette démarche. Mais Jean-Christophe Robert ne veut pas s’en tenir là et prône l’anticipation des crises futures qui ne manqueront pas de frapper nos sociétés. « L’un n’empêche pas l’autre », explique-t-il. « Il est important d’agir dans le présent. C’est ce que nous faisons avec les épiceries ou en soutenant la Plateforme Paysanne Locale (PPL). Elles répondent à une réelle demande du moment et c’est la raison pour laquelle, économiquement, ça fonctionne. Et il est tout aussi important de préparer l’avenir ».JC Robert de Filière Paysanne

Nourrir des modèles pour l’avenir

Ce travail de prospective, l’association le mène auprès des citoyens mais aussi et surtout des collectivités auxquelles elle présente des projets ambitieux. En lien avec le M.I.N.* elle soutient la future création d’un Marché d’Intérêt Local pour le développement du semi-gros. À l’ancienne majorité socialiste de la région PACA elle avait aussi proposé un plan de souveraineté alimentaire régional pour une transition profonde du modèle agricole et alimentaire sur 30 ans. Devant des projets aussi ambitieux, l’arrivée aux affaires d’une droite traditionnellement proche de l’agriculture dite conventionnelle sonne comme une menace même si JC Robert ne veut pas d’emblée insulter l’avenir : « Il ne faut pas faire de procès d’intention et je n’imagine pas que la nouvelle équipe jette à l’eau l’ensemble des actions qui ont été initiées. Mais on voit bien que les territoires qui passent à droite ont plutôt la culture du partenariat avec les grandes entreprises ».

C’est bien ce qui est en train d’arriver à Aubagne – vieux bastion communiste ravi par la droite aux dernières municipales – qui s’apprête à confier la gestion de sa cuisine centrale à Sodexo. Or c’était justement là un des principaux lieux d’implication concrète de Filière Paysanne, à travers son soutien à la PPL. Depuis 2013 celle-ci fournissait une part de produits bio à l’ensemble des cantines scolaires de l’Agglo du Pays d’Aubagne et de l’Étoile. Déjà mise en difficulté par des problèmes de calibrage pas assez conventionnel pour ce marché, la structure – qui n’a encore pour seuls autres clients que quelques restaurants et Filière Paysanne elle-même – risque fort de ne pas survivre à la perte de son premier passeur de commandes.

Aléas des politiques locales

D’autre part, aucune transition vers un modèle local ne se fera sans terres cultivables disponibles. Filière Paysanne a donc fait de leur préservation l’un de ses principaux combats. Et sur ce plan, l’arrivée de Christian Estrosi à la tête de la Région PACA – alors que les pouvoirs des régions en matière d’aménagement du territoire on été élargis – peut poser question. En tant que président de la métropole niçoise, il porte en effet depuis des années un gigantesque projet impliquant 10 000 hectares baptisé « éco-vallée ». Un cas exemplaire de greenwashing qui aura pour conséquence l’artificialisation de la dernière plaine cultivable des Alpes Maritimes. « Il ne s’agirait pas d’étendre au reste de la Provence la culture d’aménagement de la Côte d’Azur. Mais je crois que depuis les inondations de ces dernières années et quel que soit le bord politique, il est maintenant clair pour chacun que le béton tue. On peut donc espérer des inflexions dans les politiques d’aménagement afin d’éviter de revivre des drames humains, ce qui irait également dans le sens de la préservation des terres agricoles ».

chou filière paysanne

 En décembre dernier, l’association prenait la tête d’un collectif national pour lancer un Manifeste pour la sauvegarde des terres agricoles en voie d’épuisement, de bétonnage et d’accaparement. « C’est un enjeu fondamental. Un peu partout le bétonnage est réalisé à un rythme quotidien et continu. Sans aucune prise en compte de la qualité des sols concernés ». Dans ce sens, Filière Paysanne soutient la dynamique des ZAD. Et s’il reconnaît que le principe d’occupation, la logique d’affrontement et le caractère « folklorique » peuvent parfois nuire au message, JC Robert rappelle qu’il s’agit de combats indispensables et se refuse à critiquer les formes du militantisme.

Sauvegarde des terres arables

Si des petites ZAD sont actuellement connues en PACA, comme à Allauch aux portes de Marseille ou à la Voguette près de Cavaillon, c’est à la ZAD Sainte-Colombe-en-Bruilhois près d’Agen que l’association a récemment apporté sa force de persuasion. Aujourd’hui, les 600 hectares de terre arable et irriguée menacés par un projet de zone commerciale semblent en passe d’être sauvés. « Nous avons le sens de l’utopie active et pensons pouvoir faire évoluer le « zadisme » dans le sens d’un dialogue avec les agriculteurs. À Agen, c’est un agriculteur qui a accueilli les zadistes chez lui et nous avons été en contact étroit avec les principales autorités régionales ».

D’une manière générale, JC Robert tient donc à rester positif : « Les décideurs politiques sont des gens comme vous et moi dotés de conscience. Même s’ils sont sujets à des pressions ou craignent pour leur mandat, ils ne peuvent pas toujours ignorer l’évidence quand elle se présente. Surtout si on leur apporte des solutions ». C’est ainsi qu’en bonne entente avec des collectivités pourtant bien à droite, Filière Paysanne à déposé le 15 novembre auprès du ministère de l’agriculture un projet alimentaire territorial pour la future métropole Aix-Marseille-Provence. Verdict du ministère à la mi-janvier.

*Marché d’Intérêt National situé aux Arnavaux-Marseille


Pour aller plus loin

Les épiceries du réseau Filière Paysanne

  • L’Épicerie Paysanne de l’association Adèle : ouverte en août 2013, 51 Bd Chave 13005 Marseille
  • L’Épicerie du Coing de l’association Pays’en Ville: ouverte en février 2014, 32 Av de l’Europe, quartier Encagnane, Aix en Provence
  • L’Épicerie Paysanne les pissenlits: ouverte en août 2015, 147 rue Sainte 13007 MArseille