le PNR Sainte-Baume et les tomates

Si vous parlez de ce fruit à Bruno Fournier, président de l’association internationale de tomatophilie, vous êtes parti pour un long voyage… Ce breton solide à la barbe de Père Noël, installé dans le Var, vous conduira dans le passé des variétés les plus anciennes ou vers l’avenir… des tomates bleues !

Et il vous fera visiter son jardin extraordinaire. Ici, à la Cadière d’Azur (83), dans le Parc naturel régional de la Sainte-Baume, des centaines de  variétés de tomates poussent tranquillement à l’ombre et sous la protection de fleurs, arbustes et plantes diverses, dans un fouillis apparent, odorant et magnifique…

Ainsi, les planches de tomates sont bordées d’œillets  et de basilic qui protègent contre les agresseurs. Les tournesols attirent oiseaux et pollinisateurs. Les cultures sont sans intrants chimiques mais avec  des engrais organiques et des soins par les plantes en suivant le calendrier lunaire.

L’amour des plantes

Horticulteur de formation (passé par la prestigieuse Ecole du Breuil, dans le bois de Vincennes à Paris), débarqué sur la côte varoise dans les années 90, Bruno Fournier s’est habitué à l’idée d’y rester –sa famille s’y enracine- même si sa Bretagne lui manque.

Mélange de plantes de couleurs et d'odeurs

Légumes, arbustes et plantes aromatiques poussent dans un joyeux désordre apparent et se rendent des services mutuels ©JB

Diplômé en botanique dès l’âge de 12 ans, dans son équipe de scouts, il est passionné par toutes les plantes. Tomates bien sûr, mais aussi courges, melons, pommes de terre, aubergines, « pour le goût, la couleur, la beauté, explique-t-il. L’un de mes objectifs, c’est de créer un conservatoire des légumes méditerranéens. Mais il faut du monde et de la place ».

Créateur de tomates…

Au début des années 90, notre breton « provençalisé » rencontre Daniel Vuillon, un maraîcher d’Ollioules passionné de tomates. Un contact fécond ! Ils lancent ensemble la fête de la tomate qui fera des petits dans le monde entier. Les années 90 sont aussi celles des menaces sur les semences anciennes.

Alors Bruno se lance et multiplie les variétés. L’association internationale de tomatophilie qu’il préside compte une collection de 7 000 variétés, dont 2 600 à titre personnel. Près de 80 horticulteurs et amateurs spécialisés s’échangent des graines sur tous les continents.

… Mais aussi chercheur et pédago

Aujourd’hui Bruno a installé son riche potager sur 7 000 m2, au domaine de l’Hôtellerie Bérard, à la Cadière d’Azur. Il fournit ainsi légumes et fleurs comestibles au restaurant la Bastide des Saveurs.

au pied de la Ste-Baume

Le jardin pédagogique accueille les jeunes et les volontaires ©JB

 « Depuis 10 ans, je fais de la recherche. Avec le réchauffement climatique, des plantes tropicales sont capables de s’adapter ici », explique le botaniste, qui fournit aussi des plants aux Musées et Conservatoires nationaux.

Son amour des tomates, Bruno tient à le partager. « J’ai envie de faire connaître la tomate, celle qui a un bon goût mais aussi un bel aspect esthétique. » Et il n’est pas avare de bons conseils à destination des consommateurs non avertis. « La tomate ne se met pas au frigo. Et selon la variété, elle ne se mange pas au même niveau de maturité, certaines doivent être consommées bien mûres, d’autres sont au mieux lorsqu’elles sont vertes ».

Acteur dans le Parc Naturel Régional de la Sainte-Baume

S’il a longtemps travaillé sur la biodiversité dans son coin, Bruno a été rattrapé par le jeune PNR de la Sainte-Baume, lui aussi intéressé à la question. A travers l’opération « Découvre ton parc », des lycéens sont invités à mettre la main à la terre, lors d’ateliers et de visites du jardin pédagogique. Manière directe de découvrir les bienfaits de la biodiversité et de la permaculture. L’horticulteur travaille aussi avec le Parc sur la question de l’agroforesterie.

les framboises de la Ste-Baume

Au détour d’un carré, les prometteuses framboises ©JB

Au fil de ses créations, Bruno Fournier propose également aux maraîchers locaux intéressés des variétés de fruits et légumes venus du Pérou ou du Mexique. L’occasion pour eux de diversifier leur production et de vendre partout en France.

Ecolo depuis toujours

Son engagement ne date pas d’hier. Bruno Fournier fait partie des 1,32% de citoyens à avoir  voté pour le premier candidat écologiste René Dumont à la présidentielle de 1974 ! Alors, il peut se permettre quelques exigences. « Je suis écolo pour la défense de la biodiversité, mais je me méfie des papes numériques de la permaculture », résume ce défenseur de l’agroforesterie.

les tomates bleues du parc de la Ste-Baume

Elles tirent encore vers la couleur aubergine, mais les tomates seront bientôt bleues… ©JB

Et quand il regarde ce territoire de la Sainte-Baume qu’il défriche depuis tant d’années, son analyse est mesurée. « Ici les choses s’arrangent un peu, il y a beaucoup de jeunes maraîchers qui s’installent en bio à Gémenos, au Beausset… La vente à la ferme et les circuits courts se développent. Des viticulteurs aussi passent en bio et biodynamie… Mais il existe aussi des résistances. »

L’avenir en bleu tomate

Et parmi toute cette abondance, Bleu Tomate a découvert avec plaisir que Bruno Fournier possède 300 variétés de tomates… BLEUES ! Dans le métier, on dit plutôt « indigo » et il est vrai que la couleur tend  vers l’aubergine… Mais notre homme travaille d’arrache-pied à des croisements et des sélections, et se fait fort de proposer un jour une tomate bleue… layette !

Quant à savoir quelle est la meilleure tomate au monde, sans hésiter Bruno Fournier désigne la Marinda, qui pousse en Sicile dans les marais salants. Il la déguste nature, ou juste avec un filet d’huile d’olive !

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La culture des tomates

L’association cultive une certaine forme de rebellion ©JB

Pour aller plus loin

L’association internationale de tomatophilie a vu le jour en 2013. Les passionnés qui la composent ont pour objectif de sauver des variétés anciennes et d’en créer de nouvelles. Et bien sûr de partager leurs connaissances au travers de fêtes, expositions et autres manifestations un peu partout dans le monde.

Cultive ta rue

Bruno Fournier est aussi membre de cette association « soeur ». Objectif ? La promotion de la tomate et plus largement de la biodiversité, mais avec un plus, et de taille : ce réseau vend des semences. Sur ce point, la loi française ne cesse d’évoluer, tantôt interdisant tantôt autorisant cette vente de variétés non inscrites au catalogue national. Sans parler de la législation européenne…
Alors les Mousquetaires de la tomate, qui se revendiquent « jardiniers hors-la-loi » travaillent à leur manière pour que la loi évolue dans le sens de la biodiversité.