Les hauteurs du petit Luberon offrent un paysage inhabituel en Provence. Des cèdres étendent majestueusement leur ombrage, apprécié des promeneurs. Migrants venus de l’Atlas nord-africain, ils ont ici trouvé leur place y compris dans l’économie locale.
Le rendez-vous est au parking de la forêt de cèdres de Bonnieux. L’endroit est frais et reposant, le terrain plat, un mur de pierre permet de s’asseoir et d’attendre patiemment Georges Ducos. Le garde de L’ONF a prévenu au téléphone, « je serai en forêt avec des enfants ». Et en forêt, Georges perd un peu la notion du temps. C’est qu’il la parcourt depuis des années, la forêt de cèdres, « son paradis ! ». Et il en connait non seulement les moindres recoins mais aussi toute l’histoire.
Une forêt venue d’Afrique du Nord
En 1860, géomètres et forestiers font un triste constat : pâturages et coupes de bois intensives mettent à mal les massifs de Provence. Les sols sont érodés et la désertification en cours. Décision est prise de reboiser.
Ici intervient François Tichadou, un inspecteur des Eaux et Forêts fraichement rentré d’Afrique du nord. Il préconise d’installer des cèdres de l’Atlas, qui poussent très bien là-bas autour de 700 m d’altitude. « La légende raconte même que les provençaux ont envoyé là-bas des barriques de vin qui sont revenues pleines de graines », sourit Georges Ducos.
Sur les hauteurs de Bonnieux, paysans et bergers locaux réalisent les semis. « 40 ans plus tard, les arbres de 1ère génération donnent des fruits, qui donnent des arbres… La 2e génération a aujourd’hui une bonne centaine d’années, et la forêt s’étend sur les communes de Bonnieux, mais aussi Ménerbes et Lacoste. » Les cèdres couvrent 350 ha, sur les 3500 ha de forêt que gère le technicien de l’ONF.
Un atout touristique
Ce matin-là, la forêt résonne de temps à autre de voix enfantines. Plusieurs groupes scolaires sont en visite. Et aussi des promeneurs. La forêt de cèdres a une vocation d’accueil du public. Un accueil assuré par l’aménagement du sentier de découverte accessible aux personnes ayant un handicap moteur ou sensoriel. Il propose plusieurs stations d’information sur les espèces végétales du Luberon. Le parking est gratuit, l’accès facile, la fraicheur au rendez-vous, et le spectacle original. Chaque année, des milliers de visiteurs parcourent la cédraie.
Et un atout écologique
« Le bois de cèdre est imputrescible. On peut donc l’utiliser sans traitement, ce qui en fait aujourd’hui un bois très attractif. Il aime les sols nus. Ce qui réduit les risques d’incendie, notamment par rapport au pin d’Alep », constate Georges Ducos. Le bois de cèdre est-il ce dévoreur de biodiversité que l’on décrit parfois ? « Certes, à ses pieds, on constate qu’il y a moins de végétation, mais on trouve de nombreux champignons par exemple. Et une avifaune très riche ».
De plus, « le cèdre semble moins souffrir de la sècheresse, mieux que les chênes verts », constate le garde forestier.
Enfin, un atout économique
Aujourd’hui, explique Georges Ducos, « les arbres de 1ère génération sont reconnaissables à leurs nombreuses branches ». Ces témoins de l’époque fondatrice sont sauvegardés pour leur valeur patrimoniale. Un cèdre peut vivre 1000 ans et atteindre 40 m de haut. En-dessous, la 2e génération tente de se frayer un chemin vers le soleil, les troncs sont plus droits, moins branchus. Et donc plus profitable pour l’exploitation du bois. Car comme toute forêt gérée par l’Office National des Forêts, celle-ci alimente la filière bois. L’exploitation a débuté dans les années 2000.
Chaque année, en moyenne, 250 m3 de bois de cèdres sont coupés, sous l’autorité de l’ONF. Des coupes d’éclaircissement ou d’amélioration, pour favoriser la pousse des autres ou régénérer les parcelles… Le bois est vendu de 30 à 150€ le m3, selon sa qualité et le mode d’exploitation (sur pied ou en bord de route).
Un revenu non négligeable pour l’ONF mais aussi pour les professionnels locaux. Aussi bien les entreprises de bûcheronnage et menuiserie que la petite scierie qui a ouvert ses portes à Villars, petite commune du Parc Naturel, entre Monts de Vaucluse et Luberon.
Les menuisiers et ébénistes apprécient le bois de cèdre. Il fournit aussi des poutres de charpente, du matériel pour l’élevage et l’agriculture et enfin les déchets, des plaquettes de chauffage.
Le cèdre de Bonnieux a un bel avenir
Outre le bois, on récolte les graines pour alimenter les pépinières. A cause du réchauffement climatique, les Vosges, le Centre ou le Nord de la France en réclament de plus en plus.
Enfin, le cèdre fournit aussi des huiles essentielles appréciées.
Fier de « son territoire », Georges Ducos est confiant dans l’avenir de la cédraie de Bonnieux. « Elle s’étend tranquillement et naturellement. Autour d’elle, si on coupe les taillis, le cèdre occupe la place. Mais elle reste très limitée. »
Une forêt qui se régénère toute seule et avec vigueur. Qui démontre qu’une espèce exotique peut s’acclimater et former une forêt non seulement stable mais aussi productive.
Pour aller plus loin
Si la forêt de Bonnieux est la plus connue, on trouve aussi des cèdres sur les pentes du Mt Ventoux (600ha), à Oppède-le-Vieux, autour de Digne, ou encore dans la région de Limoux, vers Carcassonne ou Lamalou-les-Bains.
L’âge d’exploitabilité serait de 120 ans… Sur le Petit Luberon, on coupe les cèdres à 40 ou 60 ans.
La France est le 1er producteur mondial de bois de cèdre, et le Vaucluse le 1er département français. (source ONF).