Entre Vaucluse et Alpes-de-Haute-Provence, cette montagne verdoyante déploie sur ses piémonts nord et sud des villages de charme célébrés au delà des frontières. Images d’une Provence chic, ils cohabitent avec une terre agricole contrainte où des acteurs multiplient les initiatives durables.

Vu de Paris, Londres ou Bruxelles, le Luberon pourrait se résumer à ça : une région de cocagne aux villages éblouissants, sorte de Provence mythifiée pour happy few quand l’été rayonne de festivals à partager entre initiés. Il faut dire que les people ont beaucoup contribué à cette image : Michel Leeb, John Malkovitch, Renaud, Dave, Ridley Scott, Pierre Lescure… ont élu domicile, en saison ou à l’année, en Luberon.

Entre-soi provençal…

Dans le sillage d’un Jack Lang épris de Bonnieux depuis toujours, les « années Mitterrand » ont drainé ici l’élite politique et intello parisienne.

Champ de sauge clarée à Oppedette. Crédit Philippe Bourget (Photo de Une : La ligne de crête du Grand Luberon, vue depuis le village de Montjustin – Crédit Philippe Bourget)

Qu’y avait-il de mieux que cet entre soi provençal pour préparer sous le soleil la rentrée de septembre, entre déjeuners-terrasses rafraîchies au vin rosé et sorties culturelles au festival d’Avignon ? Depuis, le « mode » n’a pas faibli. L’arrivée du TGV en 2001 à Avignon, à 2h30 de Paris, a rendu le territoire plus accessible. Et les Britanniques, Allemands, Belges, Néerlandais… continuent de vénérer cette région, synonyme d’art de vivre et d’excellence.

Ligne verte et douce

On comprend l’engouement. Géographiquement, le Luberon (sans é, s’il vous plait, prononcez Lubeuron) est une montagne. Une splendide ligne verte et douce étendue d’ouest en est, depuis les faubourgs de Cavaillon jusqu’à ceux de Manosque.

Le village de Viens, perché à l’est d’Apt. Crédit Philippe Bourget

Relativement modeste, son altitude maximale grimpe à 1 125 m au Mourre Nègre. Mais allez au sommet un jour d’hiver et de mistral et vous comprendrez mieux le sens de l’expression « bain de froid » !

« Seuil de Lourmarin »

Couverte de garrigues, de chênaies et de pelouses sommitales, cette barre montagneuse est difficile à franchir. Le « seuil de Lourmarin », corridor naturel entre « rives » nord et sud, est le seul passage à la traverser. Il sépare le Petit Luberon à l’ouest du Grand Luberon à l’est.

Le village d’Oppedette est caché dans les collines du nord Luberon. Crédit Philippe Bourget

Très rares sont les villages à s’agripper sur ses pentes. L’immense majorité se trouve sur les piémonts, tissu de basses collines d’où la vue s’ouvre, magnifique, sur la ligne de crête.

Gordes, Bonnieux, Roussillon, Ménerbes, Oppède, le « quinté magique »…

Ces villages, vous les connaissez. Gordes, Bonnieux, Roussillon, Ménerbes et Oppède, coté nord, forment le quinté magique du tourisme luberonnais. Ils côtoient des sites de premier ordre : village de bories de Gordes, abbaye de Sénanque, carrières d’ocre de Roussillon… Au sud, tourné vers le pays d’Aix-en-Provence, Lourmarin est le village-star, beauté des vieilles pierres et mémoire d’Albert Camus obligent.

Le village de Cucuron se tasse sur le versant sud du Luberon, au pied du Mourre Nègre. Crédit Philippe Bourget

A l’est un Luberon « virginal »

Moins célèbre que le nord, le piémont sud aligne un chapelet de villages remarquables d’harmonie et de qualité patrimoniale : Cucuron, Mérindol, Lauris, Grambois, Vaugines, Ansouis, Cadenet… Globalement, quel que soit le versant, plus on va vers l’est, plus le Luberon retrouve des accents virginaux. Allez donc vous perdre au nord du côté de Viens, Oppedette, Simiane-la-Rotonde, Reillanne, Limans, Montfuron… Même au cœur de l’été, surprise de voir à quel point les routes sont peu fréquentées…

Ecosystème paysan fécond

Mais si pays de cocagne il y a, c’est surtout à l’agriculture que le Luberon le doit. Tout ce que le sud compte de produits de la terre jaillit ici avec une apparente facilité. Cerises, vigne, lavande, olives, blé, plantes aromatiques, tournesol, asperges, légumes maraîchers… fondent un écosystème agricole fécond. Deux appellations récompensent d’ailleurs le travail de la vigne, les AOC Luberon et Pierrevert (près de Manosque).

Le bassin de Cucuron (sud Luberon), magnifique ouvrage entouré de platanes. Crédit Philippe Bourget

Parc naturel régional du Luberon, 77 communes

La quasi totalité du territoire est inclus dans le périmètre du Parc naturel régional du Luberon (178 000 hab. ; 77 communes ; 185 145 ha ; deux départements), créé en 1977. Parmi ses missions, le maintien de l’agriculture et la mise en réseau d’acteurs pour favoriser une alimentation locale et durable est l’une des plus stratégiques.

Agriculture menacée

Car il y a urgence. Sans action volontariste, l’agriculture – et donc l’autonomie alimentaire du territoire – est menacée. Pression foncière et vieillissement des actifs agricoles se conjuguent pour diminuer la part de ce secteur, en dépit de l’installation de néo-ruraux aux intentions vertueuses (cultures bios, élevages extensifs, vente directe…).

Les jardins du château de Lauris, en terrasses au dessus de la vallée de la Durance. Crédit Philippe Bourget

Favoriser proximité et qualité

Le parc agit pour favoriser cette proximité. Magasins de producteurs, marchés paysans, développement des filières locales, restauration collective bio (écoles…), relance de variétés anciennes… sont autant d’initiatives impulsées depuis 10 ans pour permettre aux Luberonnais et aux touristes de profiter d’une alimentation saine et locale. Vu sa beauté, le territoire aurait tout à gagner à ce que son agriculture soit encore plus exemplaire, histoire de fortifier son image de « pays » de cocagne. Mais le chemin est encore long…