Que s’est-il passé dans la nature durant deux mois sans public ? En Camargue et dans le Mercantour, la faune a pris ses aises, profitant de l’absence de fréquentation. Pas de révolution toutefois mais un risque : que ce petit monde animal soit trop vite dérangé à la réouverture.

Connaissez-vous le « gravelot à collier interrompu » ? A moins d’être un spécialiste de l’avifaune, sans doute pas, c’est pourtant l’oiseau qui semble avoir le mieux profité de l’absence d’humains en Camargue ces deux derniers mois. « Nous avons constaté qu’il avait pondu beaucoup plus souvent que d’habitude sur la plage, ainsi que sur les chemins et les pistes sablonneuses empruntés en temps normal par les visiteurs », remarque Emmanuel Vialet, technicien-animateur du Parc naturel régional de Camargue, au Domaine de la Palissade (Salin de Giraud).

Des hivernants migrateurs deviendront-ils nicheurs ?

Sur cet espace de 700 ha propriété du Conservatoire du Littoral, dernier témoin de l’évolution du delta à l’embouchure du Grand Rhône, cette petite espèce d’oiseau côtier n’est pas la seule à s’être épanouie.

Dans le Mercantour, l’absence de fréquentation a pu inciter les animaux à s’approcher des cabanes forestières. Crédit Parc Nat. du Mercantour (Photo de Une : Les flamands roses en Camargue. Crédit Philippe Bourget)

Les laro-limicoles (mouettes, sternes…) ont ainsi été vus beaucoup plus proches des routes. Quand à savoir si des hivernants, séduits par la nouvelle tranquillité des lieux, auront décidé de nicher cet été en Camargue plutôt que de repartir vers le Grand Nord, il faudra attendre un peu. « Nous le saurons en juin, notamment pour le canard souchet qui a l’habitude de migrer au nord de l’Europe ».

Pas de retour des passereaux

Les réserves naturelles du PNR de Camargue n’étant pas surfréquentées en temps normal, « il n’y a pas eu pendant le confinement de changements notables par rapport aux espèces, ni quantitatifs, ni qualitatifs », souligne Emmanuel Vialet. « On parle en France de l’effondrement de la population des petits passereaux mais ici, ce n’est quand même pas en deux mois que la donne a pu changer ! ».

La mouette, plus à l’aise dans un décor « débarrassé » des humains. Crédit Philippe Bourget

Les sangliers, eux, sont restés à leur place. On ne les a pas vus gambader dans les rues de Salin de Giraud, encore moins emprunter le bac du Barcarin ! « Ils sont restés dans les champs de blé ».

Une population de flamands presque doublée à Pont de Gau

S’il y a eu changement, c’est plutôt dans le Parc ornithologique de Pont de Gau qu’il s’est produit. Pour une raison simple : ce parc privé reçoit des dizaines de milliers de visiteurs chaque année. Et là, d’un coup, plus personne. En avril, plusieurs reportages ont montré la présence supplémentaire de nombreux oiseaux, notamment des flamands roses.

En bord de Méditerranée, des espaces déserts durant le confinement. Crédit Philippe Bourget

Le directeur du parc, Frédéric Lamouroux, révélait ainsi mi avril au journal La Provence qu’il avait compté près de 2 500 flamands, contre 1 500 à 1 600 en temps normal. L’ibis falcinelle, habituellement très discret, a montré aussi régulièrement le bout de son long bec, tout comme le héron.

En Mercantour, des bouquetins sur la route

Dans les zones « cœur » du Parc national du Mercantour, dans les Alpes-Maritimes, le confinement a eu des effets différents sur la faune selon les zones. « Depuis lundi 11 mai, nous avons effectué plusieurs veilles territoriales. Dans mon secteur de la Roya-Bévéra, je n’ai pas constaté de changement flagrant. Seulement quelques chamois étaient-ils présents en plus grand nombre au niveau des sentiers. Du côté de la vallée de la Gordolasque, en revanche, les bouquetins qui descendent à cette période chercher l’herbe fraiche ont été vus beaucoup plus bas, même sur la route de fond de vallon », témoigne Stéphane Combeaud, garde-moniteur au Parc national du Mercantour.

Le gypaète barbu, espèce emblématique du Parc national du Mercantour. Crédit Parc nat. du Mercantour.

Dès la réouverture au public des sentiers de randonnée, nul doute que ces ongulés remonteront se mettre à l’abri.

En Camargue, danger de destruction des nids

Car il y aura aussi un risque à ce moment là. « Quand le public va revenir, il existe un danger de destruction des nids de ponte par écrasement. C’est pour cela que nous avons lancé un programme de protection de ces zones, afin de sauvegarder les futurs poussins », indique Emmanuel Vialet, en Camargue. Plus que jamais, il faudra marcher à pas de velours dans les parcs si l’on veut avoir une chance d’observer la faune. Et ne pas stresser des espèces qui ont logiquement fait valoir leurs droits d’occupation durant le confinement.