Histoire d’eau sur le Ventoux 

Photos du territoire du Ventoux

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Photos du territoire du Ventoux

À l’heure du dérèglement climatique, la question de l’eau se pose partout dans la région. Sur le territoire du Géant de Provence, une initiative réunit acteurs et citoyens. Objectif ? Partager les connaissances et tracer des pistes d’action. Bleu Tomate a suivi le premier temps fort de cette démarche.

Mazan accueille ce 25 septembre, le rendez-vous de professionnels, suivi d’une conférence. Dans l’assistance, des agriculteurs, des chefs d’entreprise ou responsables d’association. Tous ont soif de mieux connaître pour mieux agir. « Je m’inquiète pour l’eau, pas seulement pour mon activité mais aussi pour la prochaine génération, j’ai des enfants… »

Guillaume Liardet cultive des plantes aromatiques non irriguées en bio sur le plateau de Valensole, et fabrique des cosmétiques. Il a déjà été confronté au manque d’eau, dans sa distillerie. Il vient chercher des solutions techniques et financières, afin de poursuivre son activité tout en préservant la ressource.

Un auditoire à la recherche de solutions vertueuses

« Je trouve qu’on ne parle pas assez de la question de l’eau, et de l’importance de la préserver », affirme Jean-Robert Roux, bénévole à la NEF. La banque, partenaire de la manifestation, soutient des projets écologiques.

assistance rencontre sur les enjeux de l'eau à Mazan
Une assistance fournie et avide de connaissances sur la question de l’eau ©JB

 

« Notre réflexion sur l’agriculture doit changer, si les sols retiennent l’eau, alors les arbres poussent, poursuit le militant. Nous devons enlever du béton et planter des arbres. Pour moi, les cultures couvertes sont aussi importantes que la réduction des GES. Si les citoyens sont conscients du problème, les politiques suivront ».

« Les pieds dans l’eau », pour informer et sensibiliser

Maître d’œuvre de la manifestation, le média Sans Transition !, « engagé du local au global». La SCOP installée à Malaucène est coutumière de l’organisation de telles initiatives. « Avec le changement climatique et les bouleversements qu’il apporte, qu’est-ce qu’on fait ? S’adapter ne suffira pas », expose Julien Dezécot, directeur de publication.

les intervenants à la rencontre sur les enjeux de l'eau à Mazan
Julien Dezécot et Charlène Descollonges à la tribune de la rencontre pro sur les enjeux de l’eau sur le territoire du Ventoux ©JB

Alors, avec le soutien du Groupe d’Action Locale Ventoux, chargé des fonds européens LEADER, le media met en place un cycle de quatre rencontres. Intitulé « Les pieds dans l’eau », il se poursuivra jusqu’au printemps prochain. Scolaires, professionnels, élus, syndicats, associations, tous les publics sont visés. « On a déjà travaillé sur le thème de l’eau, précise Julien Dezécot, il est plus que jamais d’actualité. On a l’espoir que des choses se mettent en place derrière, on fait monter en connaissance l’ensemble des acteurs ».

« Notre région est riche en eau », mais…

Et d’abord, le constat, dressé sans concession par Antoine Nicault, écologue et paléoclimatologue, animateur du GREC SUD. « La hausse des températures est déjà à 1.2° et le bassin méditerranéen est un hotspot du changement climatique et parmi les régions les plus affectées, en particulier pour les cycles hydrologiques », pose le scientifique. Et le vrai moteur des bouleversements de ces cycles (sècheresses plus longues et plus intenses, hausse de l’intensité des précipitations), c’est l’élévation de la température.

Présentation de l'état de l'eau sur le territoire du Ventoux
Karine Viciana, directrice de la Maison Régionale de l’Eau durant sa présentation de l’état de l’eau sur le territoire du Ventoux©JB

« Notre région est riche en eau » déclare Karine Viciana, en préambule de son intervention. Problème, rappelle la directrice de la Maison Régionale de l’Eau, elle se trouve en quantité dans les territoires peu habités, et inversement ! D’où la culture ancestrale du transfert d’eau. Les retenues de Serre-Ponçon (1.2 Mm3 de capacité stockage) et du Verdon (770 Mm3), et tout un réseau de canaux y pourvoient…

L’eau victime du réchauffement climatique

Aujourd’hui cependant, plusieurs bassins versants, dont le Lez, l’Ouvèze ou l’Eygues sont en déficit de façon chronique. La réduction des prélèvements y est indispensable.

Du côté des eaux souterraines, la nappe du miocène, entre Valréas et Carpentras présente des couches de 30 000 ans. Mais elle est très exploitée et mérite une meilleure connaissance et une gouvernance organisée.

Côté qualité enfin, si les pollutions organiques anciennes sont combattues par les efforts des collectivités, « de nouvelles émergent tous les jours, comme les PFAS… » observe Karine Viciana.

La nécessité de l’hydrologie régénérative

Face à ces constats, Charlène Descollonges, hydrologue engagée propose des pistes : « On sait ce qu’il faut faire, on a les connaissances, on a fait l’effort d’informer, maintenant il faut faire des choix. Les méga-bassines et ouvrages de dérivation (comme le long du Rhône, par exemple) sont des aberrations. La réutilisation peut être un outil, mais pas une solution miracle ».

Histoire d’eau sur le Ventoux  Bleu Tomate
Il existe encore des rivières « sauvages » en basse Provence, comme ici l’Arc, à Coudoux. Crédit Philippe Bourget

La solution pour la jeune autrice et conférencière, est plutôt à chercher du côté de l’hydrologie régénérative, fondée sur la nature. « Il faut rétablir un hydrosystème. Reconnecter l’eau et son environnement : l’amont des cours d’eau avec l’aval, avec les nappes, les berges, les chenaux, le vivant autour, comme les castors et leur énorme potentiel ! ». L’ingénieure plaide pour une vision résiliente des sols, fondé sur le triptyque Eau/arbre/sol.

Réduire notre consommation

Autrement dit, redonner son espace à la rivière, et aussi la laisser travailler avec la forêt comme elle l’a fait pendant des millions d’années. Sans oublier la sobriété, foncière –nécessaire notamment dans les Espaces Naturels Sensibles, souligne Antoine Nicault, du GREC SUD– et le changement des modes de consommation des habitants. « Si on ne fait pas ça, on ne résout pas la question de l’eau, seul un scénario de rupture peut réduire la quantité d’eau consommée », argumente le scientifique.

« C’est d’intérêt public, ce qui se dit ici »

À l’issue de la rencontre, les participants sont plutôt satisfaits. « Je suis très intéressée par le concept d’hydrologie régénérative, que j’ai découvert l’an dernier à la « Convention Entreprise Climat », se réjouit Nina Lausacker, cocréatrice de Lökki. La petite entreprise fabrique des boissons fermentées bio et est aussi partenaire de l’événement. « Je voulais absolument participer à cette manifestation. J’ai découvert beaucoup de choses, c’est d’intérêt public, ce qui se dit ici.  À mon échelle, je peux améliorer l’embouteillage en travaillant en circuit fermé, et désartificialiser les abords de l’entreprise, planter des haies… Et puis il faut agir à l’échelle politique».

 

assec du lac de Serre-Ponçon en 2022
Assec du lac de Serre-Ponçon à l’été 2022 ©Bérengère Montagne

Gilles Savoillan est le gérant de la Biocoop de Cavaillon, également partenaire. Depuis plus de dix ans, il ne vend plus d’eau en bouteille et se sent en phase avec le sujet de l’eau. « Je viens ici pour écouter, pour échanger. Sensibiliser les politiques, les interpeler, car ils décident des actions, des budgets, c’est notre rôle. L’eau c’est un problème très large, par les multiples usages, par la géographie. Il faut que les élus se coordonnent. »

Après ce moment riche en échanges, place à la conférence de Charlène Descollonges, dédiée au grand public. La prochaine aura lieu le 11 décembre. L’occasion d’informer et de sensibiliser d’autres acteurs et citoyens. Ou de transformer un petit ruisseau en grande rivière…

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