Retrouver le goût du vivant passe souvent … par le retour à la terre. C’est le choix effectué par une cinquantaine d’habitants locataires des parcelles d’un jardin potager créé par la commune. Derrière cette dynamique citoyenne, pointe le plaisir de mieux manger mais aussi le besoin de liens.

On passerait devant presque sans l’apercevoir. A la sortie de la zone commerciale de Venelles, sur la route de  Puyricard, il trône sur la gauche, rectangle maraîcher propret posé au bord de la Touloubre. C’est ici, depuis 2017, qu’a élu domicile le jardin potager partagé de Venelles. Une cinquantaine de parcelles de 20 m² à plus de 30 m² sont louées à des habitants qui y cultivent tomates, oignons, courgettes, salades, aubergines…

Marie-Noëlle Camaro, Thierry David et (à d.), Jean-Charles Nicolas, président de l’association Le Potager partagé de Venelles. Crédit Philippe Bourget (Photo de Une : Jean-Charles Nicolas devant une parcelle, installant un piège à taupes. Crédit Ph. B.).

Un jardin maraicher comme un autre ? Pas tout à fait. Celui-ci est né de la concertation citoyenne autour de l’Agenda 21. Conduite par la commune en 2011, il a émergé parmi une trentaine de propositions d’habitants pour un avenir plus durable. Retenu par la municipalité, le jardin potager a vu le jour six ans plus tard. Une évidence pour des citoyens désireux de retrouver le goût de la terre et de la nature.

Se réapproprier des gestes oubliés

« Mon grand-père était agriculteur à Pertuis. J’ai grandi avec cette habitude de manger des bons produits du jardin. Mon parcours a fait que je me suis retrouvée à vivre en appartement. J’avais perdu ce lien avec la terre. Et sauf à les acheter très cher, difficile de trouver des aliments avec du goût. Ici, je fais pousser des tomates, des courgettes, des aubergines, des poivrons, des radis, des salades… C’est mon grand bonheur ! », explique Marie-Noëlle Camaro, membre de l’association depuis l’ouverture du jardin.

Le jardin dispose d’un point central d’arrivée d’eau, de carrés jardiniers rehaussés pour l’accueil des PMR, d’un cabanon de rangement et d’un espace commun avec comptoir de bar et tables pour les moments de partage. Crédit Ph. B.

Pour Thierry David, autre locataire historique d’une parcelle – 50 € par an, plus une participation pour la consommation d’eau – l’évidence s’est aussi imposée. « Après une carrière dans un domaine viticole puis en commerce international, je voulais revenir aux sources. Sortir de mon appartement. Créer du lien », dit ce jeune retraité. Si l’envie de se réapproprier des gestes oubliés de jardinier et manger ce que l’on produit sont les motivations de base, d’autres sont en effet sous-jacentes.

Echange de savoirs 

Pour Marie-Noëlle, la transmission a joué un rôle clef. « Ce fut un beau rêve au départ avec mon fils, avec qui je venais jardiner ici. Désormais ado, il n’est plus trop intéressé, même s’il est resté sensible au goût », dit-elle. Thierry David, lui, vante les mérites de la convivialité. « On peut discuter, confronter nos idées, il y a entre nous de l’échange de savoir ». Apéritifs, repas en commun et animations y contribuent. Autre conséquence : une redécouverte du vivant. « On a beaucoup appris sur la faune. Car pour faire vivre un verger bio – aucun intrant chimique ni engin motorisé ne sont autorisés, ndlr -, on a besoin d’insectes et de biodiversité », rappelle Marie-Noëlle, qui a suivi depuis une formation spécifique. Elle s’est aussi amusée, chez elle, à transformer sa terrasse en petit refuge pour oiseaux.

Marie-Noëlle Camaro sur sa parcelle. La structure en osier va lui permettre de faire grimper des pieds de haricots. Crédit Ph.B.

Etre plus proche de la nature, c’est aussi le mantra de Jean-Charles Nicolas, le président de l’association le « Potager partagé de Venelles ». Même s’il a fait carrière… dans le nucléaire, il est toujours resté lié à la campagne, souvenir de ses années de jeunesse dans les collines de Martigues. « J’avais besoin d’espace », confirme celui dont le rôle est d’animer la cinquantaine d’adhérents, « une petite société », dit-il. Des choix individuels de chacun à vouloir cultiver une parcelle sont nés aussi des projets communs. Comme ceux, actuellement dans l’air, de construire un abri pour faire des semis, ou d’installer une serre solaire… L’association vient même de proposer de réserver la parcelle pédagogique du jardin à de futurs réfugiés ukrainiens, au cas où la commune déciderait d’en accueillir.

Co-construction entre collectivité publique et habitants

Depuis cinq ans que le potager existe, la demande a-t-elle évoluée ? « Le profil des adhérents est toujours très éclectique. Cela va de l’informaticien à l’écolo pur et dur. Les plus jeunes ont 25 ans, les plus âgés autour de 70 ans. Parmi eux nous avons un italien, un grec, une portugaise… », illustre Thierry David. Les parcelles sont attribuées par un comité de gestion associant des représentants de la mairie et de l’association. Elles sont réservées en priorité aux habitants vivant en appartements.

Les membres de l’association en discussion avec Magdalena Potz (au centre), étudiante autrichienne de l’Institut de Management Public et de Gouvernance Territoriale (IMPGT), à Aix-en-Provence. La jeune femme prépare une thèse sur la co-création des politiques publiques au niveau local et s’intéresse à l’expérience de la commune, à travers son programme Venelles en Transition. Crédit Ph. B.

L’impulsion née autour de l’Agenda 21 a rendu le projet faisable. Cette co-construction entre collectivité publique et habitants a permis de concrétiser une envie, sans quoi l’élan citoyen autour de la naturalité n’aurait pu s’agréger. « Au-delà du dynamisme de l’association, nécessaire pour entrainer les adhérents à effectuer les tâches collectives, une des conditions du succès est aussi d’offrir des aménagements le plus pratiques possibles, afin de limiter la pénibilité », éclaire Elise Reynier, chargée de projet développement durable à la mairie de Venelles. Car pour certains adhérents, l’envie de départ s’est aussi transformée en « galère »… au point d’abandonner la parcelle. Le jardin soigne donc ses membres, avec une cabane de rangement pour les outils, un point d’eau sur chaque parcelle, des toilettes sèches…

Demain un second jardin ?

Le potager reste toutefois quasi complet. Ce qui n’empêche visiblement pas la commune de relancer ces prochaines semaines une campagne de communication pour le faire connaître. « Si d’autres demandes émergent, peut-être faudra-t-il en créer un second », imagine déjà Elise Reynier. Pour les périurbains que sont les habitants de Venelles, aux portes d’Aix-en-Provence, le goût du vivant et du « retour à la terre » semble pour l’heure tenace.

Le maire de Venelles, Arnaud Mercier (à d., au micro), lors de l’inauguration du jardin en 2018. Crédit Mairie de Venelles.

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potagerpartagevenelles@gmail.com                                                                                                                                                                                                                                 Mairie de Venelles, Elise Reynier, dév. durable : 04 42 54 95 81.   e.reynier@venelles.fr