Réunis aux Orres les 10 et 11 mai dernier, les acteurs de la montagne des régions Sud, Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté et leurs homologues des pays frontaliers, ont présenté trois ans de réalisations du programme SMART ALTITUDE pour mener les territoires alpins sur le chemin de la transition.

Sept pays, partageant le massif alpin et des intérêts communs, sont impliqués dans la Stratégie de l’Union Européenne pour la Région Alpine (SUERA) : France, Autriche, Allemagne, Italie, Slovénie, Suisse et Liechtenstein. Présidée en 2020/21 par la France, ce programme donne un coup d’accélérateur pour faire du massif alpin un laboratoire d’innovation et d’expérimentation, au service des acteurs locaux.

Ce territoire à la fois unique et multiple concentre des défis majeurs révélés par cette année 2020, consacrée au diagnostic et frappée de plein fouet par les conséquences de la pandémie. « Agir dès maintenant devient une nécessité, nous n’avons plus le choix. Mais nous ne partons pas de rien. » indique Pierre Vollaire, maire des Orres. La crise sanitaire aurait pu avoir des effets catastrophiques sans le soutien de l’Etat Français. Mais elle a permis de se serrer les coudes, de rapprocher les acteurs de la filière, pour trouver des voies de résilience.

La « rando douce » autour de lacs de montagne, une façon d’appréhender l’espace alpin de manière respectueuse – Crédit Philippe Bourget (Photo de Une : Hameau de la commune de La Grave, dans les Hautes-Alpes. Crédit Ph. B)

7 pays, 7 défis pour l’avenir

Le refuge de montagne, au coeur d’une nature inviolée. Crédit Ph. b

La destination alpine est à la fois un espace de vie, de travail et de loisirs pour 80 millions d’habitants et 120 millions de touristes, dans lequel des environnements fragiles, rares et soumis à des risques naturels forts, se conjuguent. Vitrine du monde de la montagne et patrimoine naturel emblématique, au dynamisme économique important, le massif fait face à des défis majeurs : érosion de la biodiversité, risques naturels, impacts écologiques des activités et des déplacements. La diversification touristique, la promotion des produits locaux en circuit court, la participation de la jeunesse aux solutions de demain et la gouvernance des états et territoires sont au cœur du sujet.

Ski or not ski ?

Une question brûle les lèvres. La montagne de demain offrira-t-elle encore du ski tous azimuts aux amateurs de glisse ? Tous s’accordent à dire que l’innovation passera par la mise en œuvre de procédés plus durables dans l’économie hivernale et par la diversification des activités en toutes saisons. Et il faudra des moyens pour modifier les pratiques, former les acteurs, investir dans les infrastructures. Mais il faut surtout des programmes ambitieux. Le milieu naturel évolue, le réchauffement climatique menace et la transition du modèle économique est inéluctable, qu’on le veuille ou non. Si le ski représente encore 90% du chiffre d’affaires des stations, il n’est pas question d’abandonner son économie, qui fait vivre aujourd’hui les territoires. Son empreinte écologique doit toutefois être réinterrogée.

Les Alpes du Sud offrent des espaces vierges d’une totale beauté. Crédit Ph. B

Les nouveaux modes de glisse (snowkite, paraski, airboard, snowscoot inspiré du BMX ou yooner dérivée de la luge savoyarde) sont des pistes « plus douces » à développer. Plusieurs stations expérimentent des ascenseurs valléens pour réguler les flux de visiteurs. Des dameuses à hydrogène sont en cours de prototypage pour une utilisation dès 2023. Des navettes électriques autonomes sont testées à Val Thorens et Chamonix. Les Orres, station sans voiture et engagée pour un tourisme hivernal bas-carbone, a réduit ses coûts énergétiques, (- 20% de consommation et -25% sur la facture). Dans les Alpes-de-Haute-Provence, le Syndicat de l’Energie s’engage sur des projets de production photovoltaïque autonome pour équiper les refuges de montagne, par exemple. Véhicules électriques et bornes de recharge, véhicules à hydrogène, diagnostic des réseaux d’éclairage public, réseaux intelligents… autant de pistes pour réduire l’empreinte carbone des activités hivernales.

L’élevage bovin extensif permet de goûter à des produits locaux élaborés sainement (fromages d’alpage, viandes…). Crédit Ph. B

Transmettre l’amour de la montagne

Les autres saisons, jusque là un peu délaissées, vont être les atouts complémentaires sur lesquels miser. Pour fidéliser les clientèles et en attirer de nouvelles. Non il n’y a pas que le ski à vivre en montagne ! C’est tout l’enjeu des décennies à venir. Que la montagne soit moins dépendante de la glisse, en développant des offres expérientielles autour de la gastronomie, du patrimoine naturel et culturel. Qu’elle soit plus inclusive, pour accueillir des publics éloignés de ces pratiques et les accompagner dans la découverte. Le Queyras par exemple, comme les autres Parcs Naturels Régionaux de la Région Sud, a inscrit l’écotourisme et le slow tourisme au cœur de sa stratégie. Les Chemins des Parcs sont une des déclinaisons douces et respectueuses de ces principes.

La montagne de demain sera moins binaire, plus hybride. A tous ses acteurs de l’inventer pour durer. Du massif des Bauges, à Chamonix, des Orres à Val Thorens, les solutions ne seront pas les mêmes, les attentes des visiteurs non plus. D’une logique de consommation pure, il faudra tendre vers une stratégie d’immersion et de transmission. Pour que tous, visiteurs comme habitants prennent part à ce grand chantier. Car partager c’est déjà aimer et donc préserver.

Vallée au naturel dans le Parc national des Ecrins. Crédit Ph. B

Et demain, les jeunes

Si la route de la transition est tracée, elle prendra plusieurs années. Les jeunes sont ainsi au cœur du processus. Pour prendre leur place et faire vivre la montagne de demain. L’Union Européenne l’a bien compris, après la génération actuelle, viendra une nouvelle, qui doit être impliquée dès maintenant. En juillet 2021, se réunira le premier « Conseil de la Jeunesse » du massif alpin. Gageons que l’énergie et la motivation sera au rendez-vous pour concrétiser vraiment ces intentions !