
L’avocat n’a pas nécessairement bonne presse d’un point de vue environnemental. Il serait gourmand en eau, il vient de loin donc affiche un mauvais bilan carbone, il est riche en graisses (environ 160 calories pour 100 gr) et son prix n’est pas toujours très attractif. Mais nous avons rencontré un passionné qui propose un autre discours, et en a fait un objet de recherche depuis 1992. En forêt, la culture s’expérimente.
Au coeur de la forêt aixoise
Il nous a fallu tout d’abord retrouver sa trace. Jean-Denis est là, quelque part, dans cette petite forêt proche d’Aix-en-Provence. Ses lieux de ses plantations sont tenus secrets. Dans ce dédale de végétation foisonnante et sauvage, il nous a donné rendez- vous non loin d’un premier plant d’avocatier. Les racines bien ancrées en pleine terre, ce dernier érige fièrement sa tige verdoyante au milieu d’un tas d’autres espèces végétales souvent bien plus hautes que lui. « Ne vous étonnez pas de voir mes avocatiers à l’ombre. Ce n’est pas le seul fruit à s’adapter à cette situation, beaucoup d’arbres fruitiers croissent favorablement sans ensoleillement. »


L’agro-foresterie s’expérimente
Jean Denis Poulain un adepte de l’agro-foresterie qu’il définit comme “la réconciliation entre l’agriculture et la forêt.” Passionné par la culture d’avocats depuis 2014, il étudie les variétés existantes, sélectionne, collecte et partage ses recherches avec une communauté d’une centaine de personnes aux quatre coins du monde. Après de nombreuses expérimentations pour trouver la variété la plus adaptée au climat méditerranéen, il passe aujourd’hui à la commercialisation tout en poursuivant ses recherches. « Les avocatiers produisent sans labour et sans serre. Et je m’aperçois que le voisinage des arbres leur est plutôt favorable. Cela pourrait peut-être même devenir une alternative pour les forestiers, dont les surfaces boisées sont de moins en moins rentables. De même que les agriculteurs, dès lors qu’ils aménagent des zones d’ombrages. »


L’arrosage adapté, la clé de la réussite
Il affirme qu’un arbre donne dès la 3ème ou 4ème année, et que l’on peut ramasser 20 à 50 kg d’avocat par an, voire 200 kg à partir de 15 ans d’âge. A la question de l’eau nécessaire à sa pousse, l’avocat se comporte selon lui comme un figuier : “Ses racines seront traçantes ou pivotantes selon la manière dont il aura été arrosé. Comme tous les arbres, c’est l’arrosage de la première année qui sera le plus important et qui conditionnera la réussite de la plantation.” En espaçant des arrosages plus abondants et rares les années suivantes, encourageant ainsi les racines à descendre là où l’humidité est constante, il assure, sans hésitation, que les avocatiers qu’il exploite ne sont aucunement gourmands en eau.
Sélectionner la bonne variété
C’est dans sa « hutte », une moustiquaire géante, qu’il fait ses tests et analyses gustatifs. Tandis que nous nous prêtons à l’expérience de la dégustation, Jean-Denis vante les mérites de son fruit : « l’avocat contient des protéines présentant un parfait équilibre des acides aminés essentiels aux besoins humains, tout en consommant moins d’eau qu’un kilo de protéines issues de l’élevage et de leur alimentation. Plutôt intéressant comme culture, non ? »


De nombreuses expérimentations lui permettent déjà de conseiller et vendre quelques variétés, notamment américaines qui fructifient en Suisse. Et pour la première fois ces variétés « championnes de résistance » sont vendues en France et en Europe via son site internet.
Jean-Denis anime également un site web où le néophyte peut trouver des conseils et avertissements ou consulter les résultats obtenus pour chaque variété. De par ses besoins limités en eau et en surface utile, ses apports nutritionnels qui en font un aliment santé, son empreinte carbone réduite lorsque sans transport, l’avocat est sans conteste un fruit à explorer. Pour Jean-Denis, c’est une plante d’avenir : « Lorsque je greffe, je pense aux enfants qui grimperont dans l’arbre monumental, et s’en régaleront. »


Tout savoir sur l’avocat
Ce fruit est originaire des forêts tropicales du Mexique, il fait partie de la famille des lauriers. Au XVIIème siècle, il était qualifié comme un beurre, et « vanté pour son goût délicat et crémeux ». Il a été introduit en Europe à cette période par les conquistadors. D’abord importés pour la Cour d’Espagne, sa culture s’est par la suite développée dans diverses régions du Monde.
En Europe, la culture de l’avocatier est plus récente : les premiers avocatiers greffés ont été plantés en Corse en 1956. En Espagne la culture ne s’est développée qu’à partir de 1970, avec des variétés californiennes. Ces dates marquent le début de la culture de l’avocatier en Europe, bien que sa consommation ait commencé bien avant.
En France la culture de l’avocat est marginale, limitée à la Côte d’Azur et en Corse, où le climat méditerranéen permet une production très locale et saisonnière : c’est un arbre qui n’aime pas les températures trop basses. Ce qui ouvre les portes aux importations d’Amérique du Sud et d’Afrique pendant l’hiver. 8 millions de tonnes sont produites chaque année, et la France est le premier pays européen importateur d’avocats, notamment en provenance du Pérou.
D’un point de vue santé, il est riche en lipides, contient des bonnes graisses. Les acides gras mono-insaturés qui le composent jouent un rôle important dans la diminution du taux du mauvais cholestérol. L’avocat fait partie des aliments recommandés dans la prévention des maladies cardiovasculaires