
Au pied des Dentelles de Montmirail, dans le Nord du Vaucluse, cinquante hectares de vignes. Le millésime 2025 sera bio. Le résultat du choix d’une certaine philosophie, mais aussi de beaucoup d’efforts et d’engagement. Bleu Tomate vous raconte l’histoire d’une conversion.
Découvrir le Domaine de Coyeux est un ravissement, mais cela se mérite. La petite route s’élève doucement entre vignes et bosquets sur plusieurs kilomètres. À l’arrivée, des bâtiments harmonieux récemment rénovés, dont le caveau, un vaste terre-plein et l’emplacement d’un futur grand parking. Au bout des vignes, les Dentelles.


C’est la beauté du site et du vignoble qui ont décidé Isabelle et Arnaud Strasser à acheter le Domaine de Coyeux en 2021. « Nous en sommes tombés amoureux mais c’est un vrai challenge, commente Arnaud Strasser. Il est très grand, il faut le faire connaître, faire venir les gens ». Déjà propriétaire de trois domaines dans le Luberon, à Tavel et à Châteauneuf-du-Pape, le couple a vu plus grand. Cent vingt hectares d’un seul tenant, c’est le plus vaste domaine de l’appellation Beaumes-de-Venise.
La conversion au bio, une question de philosophie
Comme leurs autres propriétés viticoles, ils ont décidé de le convertir en bio, après être passés par la case Haute Valeur Environnementale (HVE). « Traiter la terre, ça m’a interpelée, c’est une question de philosophie, explique Isabelle Strasser. Dans le Sud, on a des conditions favorables, notamment avec le Mistral, alors si on ne le fait pas ici… C’était évident pour moi, pour la santé et pour l’environnement ».
Ils ont depuis franchi toutes les étapes. Arrêt des pesticides de synthèse –seuls le soufre et le cuivre sont autorisés en bio–, désherbage mécanique, engrais verts, plantation de plantes mellifères et d’oliviers, en projet des nichoirs.


« On utilise aussi ponctuellement des tisanes, des décoctions de prêle notamment, précise Christophe Geneste, directeur du domaine. On n’invente rien, il faut beaucoup d’observation, j’ai appris avec mon grand-père, qui suivait les cycles de la lune ». Pour lui, il y a des choses intéressantes dans la biodynamie. Ces nouvelles pratiques montrent déjà leurs effets : retour des vers de terre, limitation de l’érosion des sols…
Un parcours pas si facile
Mais elles ont aussi leur revers. Notamment une hausse des coûts, de l’ordre de 15 % (plus de travail et de personnel nécessaires), et une baisse de rendement de 30, voire 50 % pour une année difficile, comme 2024 où adventices* et mildiou* ont causé des soucis. Et des prix dépendants du marché et donc pas forcément plus élevés, nous dit-on.


« Il faut se donner les moyens, poursuit la propriétaire qui ne se voit pas revenir en arrière malgré les difficultés. Respecter la terre, la planète, travailler en bonne intelligence avec elle, sans être extrémiste… Si le sol est respecté, le travail se fait. Un sol vivant donne un vin vivant » affirme cette ancienne professeure qui s’est reconvertie dans le vin et la gastronomie par passion il y a plus de dix ans, après une formation à l’École du Vin à Paris.
« Que le domaine de Coyeux redevienne l’un des phares de l’appellation »
2025 sera donc le 1er millésime bio au Domaine de Coyeux pour les Beaumes-de-Venise AOP Rouges Les Banquettes et les Jumelles. « On a fait les vins qu’on aime, élégants, fins, agréables à boire » confie Arnaud Strasser. Les vins rouges représentent 70 % de la production annuelle de 100 000 bouteilles, et les Muscats 30 %, avec le vin blanc sec Premières Fleurs, et le Muscat Solera qui a reçu l’an dernier la médaille d’or au Palmarès des Meilleurs Muscats du Monde. Le couple de propriétaires s’est attaché à restructurer ses gammes.
Outre la conversion en bio, ils multiplient les initiatives pour promouvoir leurs vins et attirer la clientèle sur la propriété. En plus des activités d’œnotourisme en plein essor, avec visites et balades à pied ou à vélo, ateliers assemblages et dégustations, le nouveau bâtiment peut accueillir des séminaires.


Enfin le « Festival des Dentelles » verra le jour cette année. De mi-juin à fin septembre, des soirées « Noubas » –en accès libre sauf à réserver une table pour grignoter et déguster les vins du domaine– seront proposées. L’an dernier déjà, elles avaient accueilli entre 10 et 15 000 personnes pour des moments musicaux et conviviaux, dans un cadre majestueux et hors du temps. Grâce aux travaux d’aménagement, l’accueil sera facilité.
Désormais, grâce à des partenariats avec l’Orchestre National d’Avignon Provence, les Musicales du Luberon et les Musicales dans les Vignes, plusieurs soirées supplémentaires sont au programme du festival. Du classique, instrumental ou lyrique, au jazz ou à la variété, elles devraient capter l’intérêt d’un public multiple. Une belle manière de faire mieux connaître et d’apprécier le domaine viticole.
*Une plante adventice est indésirable là ou elle se trouve. Le mildiou est une maladie causée par un champignon qui s’attaque notamment à la vigne.