Le festival Agir pour le vivant s’est terminé dimanche 28 août. Aux dires des organisateurs, cette 3ème édition aura été particulièrement suivie. Le contexte de l’été 2022 y est certainement pour quelque chose. Vendredi c’était la journée « Habiter des territoires ».

Le thème annoncé est très clair : « repenser en profondeur nos manières de vivre et imaginer une alternative civilisationnelle, à partir notamment des territoires et du local ». Les différentes conférences ont regroupé des personnalités connues et reconnues, françaises et étrangères.

Entre désillusion, espoir, audace, lucidité

« Et si… », imaginer notre futur n’est pas simple. Pour Rob Hopkins, initiateur du mouvement international des villes en transition, redonner de l’autonomie au local est LA solution pour rendre résiliente notre économie. Chaque expérience est différente, mais la méthode reste la même : accompagner l’espoir, mettre en commun les réussites et les échecs, et surtout ré-imaginer le monde pour le reconstruire…

Les citoyens doivent être associés aux décisions. Les entreprises doivent reprendre possession du lieu où vivent ceux et celles qui travaillent pour eux. L’enthousiasme et l’optimisme de l’enseignant en permaculture dessinent malgré tout un futur possible. Il donne comme exemple la démarche mise en oeuvre par la ville de Liège depuis 9 ans. La ville se situe désormais au cœur d’une ceinture alimentaire. « C’est la Silicon Valley de la résilience » s’amuse-t-il ! Son optimisme est réconfortant.

Des échanges de haute volée à la conférence « Transformer le monde à partir des territoires » © Patricia Carrier

Car par ailleurs, la transformation que nous vivons aujourd’hui n’est certainement pas choisie, elle est cependant inéluctable. Nous devons l’accepter avec lucidité. Pour Corinne Morel Darleux, auteure et militante écosocialiste, nous disposons malgré tout de leviers pour agir : la bataille culturelle, la construction d’alternatives, et surtout la capacité de faire preuve de résistance face aux acteurs de la destruction. De tous les propos émerge une question centrale : accélérer la transformation des organisations et des territoires vers une économie sociale, écologique et économique.

Repenser notre vision du monde

Il a également été beaucoup question de la période que nous vivons, l’anthropocène. Anthropocène kesako ?? « Face à l’urgence climatique, nous sommes entrés dans une nouvelle époque géologique. Elle se caractérise par l’avènement des hommes comme principale force de changement sur Terre, surpassant les forces géophysiques. C’est l’âge des humains, celui d’un désordre planétaire inédit ».

Pour Agnès Sinaï, directrice de l’Institut Momentum, le territoire est aujourd’hui le « lieu des visibles », celui où sont vécus toutes les problématiques d’artificialisation des sols, de pollution…. Il s’agit donc d’imaginer des territoires résilients et actifs pour répondre à ces problématiques. C’est la notion de biorégionalisme(*). Il s’agit non plus de résider mais d’habiter son lieu de vie. De devenir co-producteur de ses richesses plutôt que simple consommateur. Il faut ré-apprendre à vivre dans son milieu.

Elle donne pour exemple le travail mené par l’institut pour la région du Grand Paris. Dès lors que son évolution de croissance actuelle ne sera plus possible, elle se disloquera en entités multiples et de plus petite taille, qui devront davantage compter sur leurs propres ressources.

Corinne Morel Darleux et Agnès Sinaï © Patricia Carrier

Repenser nos espaces

Il est donc question de repenser totalement notre espace, en s’attaquant à la dédensification, en relocalisant l’activité professionnelle. Mettre en valeur le potentiel agricole, tout en travaillant sur la reconversion des modèles actuels, peut permettre de construire des petits systèmes résilients. Mais cela s’accompagne de grands bouleversements de nos visions : imaginer un monde sans voiture ? Recréer la cartographie régionale ? Transformer les métropoles ? Renoncer à certains produits ?

Diego Landivar, auteur d’un ouvrage sur l’écologie du démantèlement et enseignant-chercheur, présente le travail initié avec un constructeur automobile. Toutes les parties prenantes de l’entreprise ont été associées  : salariés, dirigeants, syndicats… Il leur a été demandé de travailler et de regarder avec lucidité les conséquences financières, sociales, d’une décision de démantèlement. L’entreprise se doit d’appréhender l’urgence écologique dans toute son ampleur, en étant consciente des limites que les écosystèmes de la planète lui imposent.

Repenser notre modèle d’enseignement

Depuis plusieurs mois, on assiste à des prises de paroles de la part d’étudiants. Ils refusent désormais de cautionner le type d’enseignement dispensés dans les grandes écoles. Ils sont conscients du rôle qu’ils ont à jouer dans la mise en œuvre d’un futur commun, en tant qu’acteurs engagés de la transition. L’urgence climatique devient un argument, comme la sobriété. « La décroissance devient le nouvel horizon des entreprises », confirme même Diego Landivar. Un sacré changement de pied !

Il n’a cependant de sens que si l’enseignement prépare aux nouveaux enjeux, aux futurs métiers de la transition. Aux yeux de Rob Hopkins, nous disposons en France d’écoles de grande qualité, mais encore trop axées sur l’objectif de croissance. Il est essentiel d’enseigner partout la transition, d’envisager l’enseignement sous le prisme de la transition. Corinne Morel-Darleux enfonce le clou en insistant sur l’urgence de définir les compétences dont nous allons avoir besoin pour répondre aux défis qui s’annoncent.

Le citoyen et le territoire à l’origine de la transformation

Les échanges entre les intervenants et avec la salle conduisent à la conclusion suivante : il faut faire preuve de courage et d’audace pour témoigner qu’un autre monde est possible. « Il ne faut pas attendre une autorisation » dit même Corinne Morel Darleux, « la puissance publique est bien souvent à la traîne, et se mobilise lorsque l’expérimentation a prouvé son efficacité » complète Rob Hopkins. Aux citoyens et territoires à prendre le pouvoir !

Une assemblée nombreuse, attentive et participative © Patricia Carrier

Les autres invités

Anne Drilleau, directrice de l’association arlésienne Petit à Petit, Isabelle Delannoy, auteure de la théorie de l’économie symbiotique].

(*) Vous avez dit « biorégionalisme ? »

Littéralement et étymologiquement parlant, une biorégion est un « lieu de vie » qu’il est possible de définir par des limites naturelles plus que politiques, et qui possède un ensemble de caractéristiques géographiques, climatiques, hydrologiques et écologiques capables d’accueillir des communautés vivantes humaines et non humaines uniques. Les biorégions peuvent être définies aussi bien par la géographie que par les écosystèmes de faune et de flore particuliers qu’elles présentent ; elles peuvent être associées à des paysages reconnaissables (chaînes de montagnes, prairies ou zones côtières) et à des cultures humaines. Plus important, la biorégion est le lieu et l’échelle la plus logique pour l’installation et l’enracinement durables et vivifiants d’une communauté. (Source : Métropolitiques)

Alain Thuleau © Patricia Carrier

Un organisateur heureux

A deux jours de la clôture du Festival, Alain Thuleau nous fait part de son immense satisfaction face au succès de cette édition. La vocation d’Agir pour le Vivant de mobiliser un public le plus large possible, de faire le lien entre toutes les pensées émergentes, a de nouveau été une réalité. Associer exigence et dynamique, assurer une véritable tribune du Vivant, telles sont les ambitions de ce Festival qui souhaite s’inscrire comme un rendez vous incontournable dans la région Sud.