les Gorges du Verdon ©ARBE

Bleu Tomate a posé la question à l’Observatoire régional de la biodiversité. Sans surprise, il en ressort que la nature est sous pression, et de nombreuses espèces en déclin, comme partout ailleurs. Mais aussi que notre région est riche d’une biodiversité exceptionnelle. Etat des lieux… contrasté.

Climat et géologie sont à l’origine de cette situation particulière. Dans la région cohabitent les influences alpine et méditerranéenne. Autant dire que la nature présente des milieux  différents, propres à l’installation de nombreuses espèces  variées.

« Nous sommes la première région sur le territoire métropolitain en nombre d’espèces. 70% d’entre elles s’y trouvent, précise Corinne Dragone, chargée de mission à l’ARBE (voir encadré). Nous bénéficions aussi d’une grande diversité d’habitats, terrestres, aquatiques et marins. »

L’artificialisation avance

Mais la région connait aussi une augmentation continue de l’artificialisation des sols,  principale cause de la destruction des espaces naturels. « Depuis 2009, on voit la progression de la consommation d’espaces naturels agricoles et forestiers, à 63% en faveur de l’habitat, et 30% au profit des activités industrielles et commerciales », poursuit Corinne Dragone.

Marseille depuis les Calanques

Marseille depuis les Calanques ©ARBE

Le réchauffement climatique pèse

Et quand ils ne sont pas entièrement détruits, les habitats naturels sont fragmentés. Ce qui nuit à la circulation des espèces, pour l’alimentation, la reproduction et aussi l’adaptation au changement climatique, autre facteur de dégradation de la nature. « On mesure depuis une trentaine d’années que la hausse des températures pousse les espèces à se déplacer, en latitude ou en altitude. Mais quand les espaces sont cloisonnés, cela n’est pas possible », constate la chargée de mission. Témoins du réchauffement climatique, les barracudas ou girelles paons désormais habitués des eaux de la région.

Pollution lumineuse et chimique

Autre effet néfaste sur la faune, la pollution lumineuse, liée aux activités humaines. 64% des invertébrés et 28% des vertébrés sont nocturnes. Et l’éclairage perturbe grandement ces animaux.

A quoi on peut ajouter aussi la pollution chimique et organique dans les cours d’eau, et enfin la présence d’espèces exotiques envahissantes qui concurrencent  la flore locale, et représentent parfois un danger pour  la population. Comme la Berce du Caucase, présente dans les Alpes Maritimes.

la nature et les plantes invasives pour la nature

L’agave d’Amérique et le figuier de Barbarie, des espèces végétales exotiques envahissantes – ©ARBE

On compte 146 espèces de plantes invasives dans la région, comme l’herbe à alligator, sur le Rhône et le petit Rhône dans les Bouches du Rhône et sur l’Ouvèze dans le Vaucluse. Ou encore la griffe de sorcière, l’agave et les figuiers de barbarie dans les Calanques.
La faune n’est pas épargnée avec la tortue de Floride, le frelon asiatique ou encore l’écrevisse de Louisiane, porteuse d’une maladie qui tue nos écrevisses locales à pattes blanches.

Des espèces menacées de disparition

Autant de facteurs qui mettent la biodiversité sous pression. Résultat ? Pas moins de 6 listes rouges, établies selon la méthodologie de l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) constatent que des dizaines d’espèces sont en voie de disparition. 82 espèces d’oiseaux nicheurs (plus d’1/3), 15 papillons, 6 espèces d’amphibiens et 3 reptiles. Auxquels on peut ajouter 16% des libellules et 11% de la flore régionale.

Malgré ce sombre inventaire,  de bonnes nouvelles existent sur le front de la biodiversité.

Des points positifs pour la nature

L’état écologique des cours d’eau par exemple dont plus de 60% sont classés en bon état. Après de gros efforts des progrès sont à noter, même si perdurent dans certains secteurs (les cours d’eau du Var, de la plaine du Vaucluse ou encore ceux de l’Etang de Berre) des situations délicates.

la nature avec la montagne Sainte Victoire

La montagne Sainte Victoire, Réserve naturelle nationale est protégée ©ARBE

Et puis avec le nombre d’aires protégées qui augmente, la préservation des espaces s’étend. Dans la région, on compte désormais  4 Parcs nationaux, 9 Parcs naturels régionaux ainsi que 10 réserves naturelles nationales et 7 régionales. L’ensemble des aires protégées terrestres représente  59% du territoire régional.

Partager connaissances et prise de conscience

Enfin, avec la progression des connaissances sur l’état de la biodiversité, les outils d’aide à la décision se multiplient, à l’attention des élus et autres responsables. Mais aussi à l’égard du grand public. S’il est vrai que l’ « on protège mieux ce que l’on connaît », l’ARBE  anime un site destiné à la population pour tout découvrir de la biodiversité dans la région.

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L’ARBE

L’Agence Régionale pour la Biodiversité et l’Environnement est une agence publique. Sa mission principale est de mobiliser tous les acteurs et d’accompagner les territoires dans la transition écologique et la préservation de la biodiversité.

Elle met en œuvre et anime l’Observatoire régional de la biodiversité aux côtés de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, la Dreal et l’Office français de la biodiversité (OFB) pour diffuser les informations sur la biodiversité, alerter sur ses enjeux et sensibiliser les élus et le grand public.

L’Observatoire régional de la biodiversité  publie début mars son 4e bilan de la biodiversité, intitulé « Regard sur la nature », millésime 2021. Il est consultable en cliquant ici et sur le site de l’organisme.

Zoom sur la flore

Sylvain Abdulhac est botaniste écologue au Conservatoire Botanique National Alpin. Bleu Tomate lui a demandé quel regard il porte sur la situation de la nature dans notre région et son évolution.

Sylvain Abdhudac : En PACA l’érosion de la biodiversité se fait de façon hétérogène sur le territoire en fonction des pressions. Plus fortes là où l’homme s’installe et se développe (littoral, stations de ski, agriculture intensive). Moins fortes sur le relief, qui permet la protection de la flore et des habitats et devient le refuge de la nature. Et la région PACA reste l’une des plus riches de France.

Espace nature avec cette prairie de fauche dans les Hautes Alpes

Prairies naturelles dans le Queyras ©S. Abdulhac

BT : comment évolue la flore ?

Il y a de plus en plus d’espèces menacées en PACA, et leur régression (en répartition, en effectif) est une certitude. L’Orchis à bourse Anacamptis collina, que l’on trouvait dans le Var a disparu à la fin des années 80. La Mérendère à feuilles filiformes est considérée comme en danger d’extinction. On ne la trouve que près de Martigues, et elle est sévèrement menacée par une fréquentation non maitrîsée et l’artificialisation croissante de son biotope.
Au total, les catégories d’espèces les plus menacées représentent 10.8 % de la flore indigène de PACA, soit 367 espèces.
Malgré tout, on trouve dans notre région beaucoup d’espèces endémiques et des paysages préservés. Davantage en montagne et en altitude. En plaine et sur le littoral, la situation est plus délicate.

retenue collinaire c'est moins de nature

Retenue collinaire construite sur des pelouses subalpines et zones humides à 2200m d’altitude dans les Alpes du Sud pour des besoins d’enneigement artificiel ©S. Abdulhac

BT : quelles sont les principales causes de perte de biodiversité de la flore en montagne ?

Sur le littoral, la flore est surtout victime de l’urbanisation. En zone de montagne, s’y ajoute la pression liée au tourisme et à l’industrie des loisirs. Notamment avec  des aménagements liés aux usages de l’eau pour des besoins hydroélectriques, d’activités agricoles ou d’enneigement artificiel. Cela touche de nombreuses zones humides, les pelouses alpines, les cuvettes qui recueillent les eaux, les prairies de fauche, en fond de vallée.

En montagne, si on transforme une prairie naturelle en culture, c’est une centaine d’espèces végétales qu’on perd ainsi que de nombreuses espèces animales qui s’y abritent. On assiste aussi à une érosion des sols. Les milieux s’appauvrissent. Tout le système hydrique et la logique des bassins versants sont  perturbés, quand ces installations se multiplient et que ne sont pas pris en compte les effets de cumuls d’aménagements.

parc photovoltaïque dans les Alpes

Parc photovoltaïque sur une zone qui a été deboisée dans les Alpes du Sud ©S. Abdulhac

Même chose pour les parcs photovoltaïques qui poussent un peu partout sur des espaces naturels, parfois déboisés pour l’occasion. Même si les zones choisies sont parfois dites « stériles », on perturbe le sol et toute son organisation vivante, propre à favoriser la biodiversité.

BT : après tout, perdre quelques plantes rares, est-ce si grave ?

Perdre des plantes n’est pas grave en soit, la question est de savoir pourquoi. Il faut le considérer comme une alerte. Cela signifie qu’un processus d’érosion de la biodiversité est en cours. La disparition d’une espèce est un indicateur de l’état de santé de l’écosystème. Hors les écosystèmes le plus diversifiés en espèces sont aussi les plus résilients, donc aptes à supporter les changements.