Les îles tropicales sont des lieux à forts enjeux en termes de biodiversité. A La Réunion, ce sont déjà 18 espèces d’oiseaux qui ont disparu au cours des trois derniers siècles. Depuis 1997, la Société d’Etudes Ornithologiques de La Réunion (SEOR) œuvre tous les jours à la conservation de l’avifaune indigène et emblématique de son île.

« La raison principale de mon arrivée à La Réunion, c’est l’opportunité de travailler sur le Busard de Maillard, le dernier rapace nicheur de l’île. J’étudiais déjà trois espèces de Busard en métropole, au sein du Groupe Ornithologique des Deux-Sèvres. J’étais donc intéressé par la découverte de cet oiseau insulaire. »

Damien Chiron a toujours voulu travailler avec les oiseaux. Ornithologue pendant 8 ans dans les Deux-Sèvres, il a ensuite rejoint l’équipe de la SEOR à La Réunion. Aujourd’hui, il nous raconte son parcours, son travail et les enjeux de la conservation des oiseaux sur cette île française.

Bleu Tomate : quelles sont les missions de la SEOR ?

Damien : « La Société d’Etudes Ornithologiques de La Réunion est la seule association de protection des oiseaux sur l’île. Son équipe est composée de 15 salariés qui travaillent autour de 4 pôles : la conservation des oiseaux indigènes, l’éducation à l’environnement, le Centre De Sauvegarde des oiseaux échoués et/ou blessés, et la gestion administrative. »

Bleu Tomate : que fais-tu au sein de l’association ?

Damien : « Je suis coordinateur de projet, spécialisé sur les oiseaux terrestres. Lorsque je suis arrivé à La Réunion, mes missions portaient essentiellement sur le Busard de Maillard, le dernier rapace endémique de l’île de La Réunion. Un oiseau en danger d’extinction. Plus récemment, je m’intéresse à des espèces également endémiques mais moins menacées, sur lesquelles nous avons moins d’études. L’objectif est d’apprendre à mieux les connaître, tant sur leur écologie que sur les menaces qui pèsent sur elles. Ces informations permettront d’élaborer des stratégies de conservation adaptées à chaque espèce. »

Busard de Maillard, ou Papagne – Crédits : Eric Gentelet

Ecouter le chant du Busard

Bleu Tomate : quelles sont les espèces menacées à protéger ?

Damien : « Il existe quatre principales espèces endémiques menacées d’extinction : le Pétrel noir de Bourbon, redécouvert récemment, le Pétrel de Barau [photo de titre], un autre oiseau marin, puis deux oiseaux terrestres : l’Echenilleur de La Réunion, un des passereaux les plus menacé d’extinction dans le monde et le Busard de Maillard. »

Echenilleur de La Réunion – Crédits : Jaime Martinez

Ecouter l’Echenilleur

Bleu Tomate : quel est l’oiseau qui t’a le plus marqué ?

Damien : « C’est le Busard de Maillard. Ayant déjà travaillé sur les mêmes espèces en métropole, la découverte d’une population si peu nombreuse de ce Busard endémique de La Réunion m’a marquée. »

La suite en audio – les légendes sur cet oiseau

Bleu Tomate : quelles sont les menaces pour ces oiseaux ?

Damien : « L’île de La Réunion a été colonisée récemment par l’homme, il y a 350 ans. La plupart des menaces sont d’origine anthropique. L’urbanisation a progressivement grignoté les milieux naturels. Nous observons aussi des introductions d’espèces, volontaires ou non. Certaines, appelées espèces exotiques envahissantes, posent problème. Elles sont plus compétitives que les espèces natives, tant sur la niche écologique que sur la prédation. Je pense notamment aux rats, micromammifères, mais nous avons également des mammifères ou des oiseaux. La transmission de pathogènes entre ces espèces est un danger pour les oiseaux natifs, habitués à un habitat originel.

Nous étudions également les impacts de la culture de la canne à sucre, très présente sur l’île. Les agriculteurs utilisent des raticides, pour éliminer les rats. Or le Papangue, au sommet de la chaine alimentaire, ingère les rats empoisonnés. Cet empoisonnement secondaire peut tuer ou entrainer des effets graves, dont la stérilisation, de certains individus de cette espèce. »

Bleu Tomate : comment protégez-vous les espèces de ces menaces ? Du rat par exemple ?

Damien : « Nos actions dépendent des espèces. La population du Tuit-tuit est confinée au seul Massif forestier de la Roche-Ecrite. Nous menons une mission de dératisation dans cet espace pour protéger les nids et permettre l’envol des petits. Pour des espèces à plus large répartition, comme le Papangue, nous essayons de travailler en lien avec les agriculteurs pour développer des pièges mécaniques contre les rats pour éviter les produits chimiques. »

Campagne de recherche de bénévoles pour participer à la dératisation des secteurs de nidification du Tuit-Tuit dans le cadre du projet européen Le Life BIODIV’OM – projet de 5 ans dont l’objectif principal est la protection de 5 espèces menacées et un habitat prioritaire sur 5 territoires d’Outre-mer

Bleu Tomate : le tourisme a-t-il un impact sur ces oiseaux ?

Bleu Tomate : si nous venons visiter La Réunion, pouvons-nous vous aider à la protection de ces oiseaux ?

« Oui, il y a beaucoup de choses à faire, ce n’est pas ce qui manque !

Au mois d’avril, les jeunes Pétrels de Barau, qui nichent en hauteur au centre de l’île, vont s’envoler pour rejoindre la mer. Ils confondent les lumières des villes avec des étoiles et pensant se diriger vers le ciel, viennent percuter les sources lumineuses. C’est plus de mille individus que nous pouvons retrouver à terre. Nous avons besoin de personnes pour les récupérer afin de les soigner dans notre centre de sauvegarde des oiseaux [trouvez ici les instructions à suivre en cas de découverte d’un jeune Pétrel].

Nous travaillons aussi avec des bénévoles pour la dératisation.

Et bien entendu, comme en métropole, nous avons des plateformes de science participative (Faune PACA chez vous par exemple). Elles permettent de contribuer à la saisie des observations par n’importe quel citoyen et d’agir en tant que sentinelle de la biodiversité pour mieux connaitre et donc mieux préserver la faune de La Réunion. »

Plateforme participative pour La Réunion : www.faune-reunion.fr

Damien Chiron (à gauche) lors d’une session de baguage de passereaux endémiques méconnus au sein du Parc National de La Réunion dans le cadre du programme FEDER sur l’Avifaune Terrestre nicheuse de La Réunion