Associations, agriculteurs et syndicalistes se mobilisent contre le nouveau décret du gouvernement qui veut favoriser l’installation de panneaux solaires sur les exploitations agricoles. Leurs craintes : une baisse des rendements, et une dépendance encore accrue à une logique technologique et productiviste.

Protéger les cultures des intempéries et des canicules, ou créer de l’ombre pour le bétail, et produire de l’électricité en prime : qui miserait contre ça ? Et bien, en fait, pas mal de monde. Plus de 350 organisations, associations et syndicats, parmi lesquelles la Confédération paysanne, Extinction rébellion mais aussi des syndicats de l’enseignement agricole et de l’Office des forêts, refusent en bloc le plan de développement de « l’agrivoltaïsme » présenté par l’État. Début avril, le gouvernement a publié son décret pour encadrer l’installation de panneaux solaires photovoltaïques sur les exploitations agricoles. Sur le papier, tout semble parfait : les panneaux ne peuvent couvrir plus de 40 % de la surface agricole, et le rendement agricole doit être maintenu à 90 % de ce qu’il était avant l’installation. Venu à Manosque pour lancer un « plan de bataille pour le photovoltaïque », le ministre de l’Économie a garanti : « Il ne s’agit pas de remplacer la production agricole par de la production d’énergie solaire, mais bien de compléter la production agricole par de la production d’énergie solaire. »

Différence de loyers

Si le ministre le dit, pourquoi s’inquiéter ?? Parce que, comme souvent, l’État s’est assis sur les avis des experts et de nombre de professionnels. Fin 2023, des chercheurs de l’INRAE avait tiré la sonnette d’alarme en pointant qu’au-delà de 20 % de couverture, l’agrivoltaïsme serait « incompatible avec une production agricole durable ». « La priorité, c’est de mobiliser les toitures des hangars et bâtiments d’élevage pour du photovoltaïsme », martèle le syndicat SUD-INRAE après la publication du décret. En septembre dernier, des chercheurs du CNRS estimaient que les toits des zones déjà artificialisées en France pouvaient à elles seules remplir les objectifs des scénarios les plus ambitieux en matière de photovoltaïsme. Les mêmes soulignaient les risques de l’agrivoltaïsme, qui mettrait en concurrence agriculture et production d’énergie : « Une telle confrontation serait exacerbée par la différence des loyers proposés par unité de surface, estimés au moins 10 fois plus élevés pour une installation photovoltaïque Cette différence risque d’entraîner une augmentation du coût de location des terres, mettant en péril l’équilibre économique de certaines activités agricoles. » La souveraineté énergétique au détriment de la souveraineté alimentaire.

« Ne pas devenir des jardiniers sous panneaux »

S’appuyant sur ces données, les opposants à l’agrivoltaïsme dénoncent une vision « qui relève du marketing et vise à légitimer un opportunisme foncier et financier dans un contexte difficile pour le monde paysan. […] Notre autonomie de choix et d’action, n’est pas de devenir des jardiniers sous des panneaux. Notre métier n’est pas de cultiver des kilowatts, mais de produire une alimentation saine et de qualité pour le plus grand nombre, et d’être rémunérés en conséquence. » Dans le texte de son décret, le gouvernement assure que l’agrivoltaïsme doit rester une activité de complément et la production agricole « l’activité principale ». En 2022, l’Ademe dénombrait en France près de 170 projets d’agrivoltaïsme, représentant une puissance totale de 1,3 gigawatts, soit presque la puissance attendue du réacteur EPR de Flamanville.