
À l’aune du changement climatique, les agriculteurs planchent depuis quelques années déjà sur l’avenir de nos cultures traditionnelles et celles qui pourraient bien voir le jour. Parmi les pistes, nous avions déjà évoqué le retour des amandiers, pistachiers et grenadiers… Désormais la figue de Barbarie, le pitaya ou encore la réglisse font l’objet d’une attention particulière. Explications avec Florence Poncelet d’Agribio13.
« Contrairement aux idées reçues, le figuier de Barbarie est présent en Provence depuis 450 ans !”, confie Florence Poncelet d’Agribio 13. Il n’a donc rien d’une plante exotique bien qu’il soit originaire du Mexique. Il a même été reconnu plante d’intérêt mondial. Ses capacités de résistance à la sécheresse sont remarquables, c’est pourquoi nous l’étudions en situation réelle depuis 2024 ».
Recherche d’espèces résistantes
Agribio 13 –Groupement des agriculteurs bio des Bouches-du-Rhône– a pour but de développer et promouvoir l’agriculture biologique dans le département. C’est dans ce cadre que s’inscrit le Projet Cham’eau (Cactacée à Haut potentiel Agronomique pour la Maîtrise de l’eau). Financé par l’Agence de l’eau, le projet d’expérimentation sur les plantes résistantes au changement climatique concerne deux espèces de cactus à fort potentiel : le figuier de barbarie (Opuntia ficus indica) et le fruit du dragon ou pitaya (Hylocereus ssp.)
Tout est bon dans le figuier !
Concernant le figuier de barbarie, six variétés existent en Méditerranée et sont en expérimentation, avec des débouchés prometteurs. Ses atouts ? Des racines aux pépins, tout est valorisable ! En effet, son système racinaire lui permet de capter l’eau dans des zones où elle paraît absente, ses “palmes”, appelées cladodes par les botanistes chevronnés ou raquettes chez les amateurs, sont remplies d’un gel rétenteur d’eau. Enfin, les pépins de son fruit permettent de réaliser une huile cosmétique à ce jour la plus chère sur le marché. « Ce qui nous importe, c’est d’étudier le potentiel de cette plante, dans sa globalité”, explique Florence. “Par exemple, sa cladode peut être utilisée comme légume vert une fois cuite, voire permettre, une fois transformée, d’être utilisée en tant que fourrage.”


Faut-il se lancer dans la culture du figuier ?
À cette question, la réponse d’Agribio 13 se veut prudente : “Nous avons besoin de l’implanter pour en tester toutes ses capacités, puis envisager le potentiel développement d’une filière d’ici à 10 ans. Une expérimentation de ce type est menée dans les Pyrénées-Orientales depuis une dizaine d’années et les conclusions sont encourageantes. Mais les risques d’échec existent et tiennent notamment au fait que la plante ne supporte pas une température inférieure à -5° et reste vulnérable à l’attaque de la cochenille. »
Le Fruit du Dragon à l’étude
Autre espèce à l’étude : le Pitaya ou Fruit du Dragon, un cactus liane très sobre en eau et au potentiel de croissance vigoureux. Son fruit, riche en éléments nutritionnels, est consommé cru. À ce jour, 20 variétés sont suivies, avec une difficulté majeure : la pollinisation ! Sachant que son meilleur pollinisateur est la chauve-souris frugivore, peu courante sous nos latitudes… Deux parcelles sont actuellement en cours d’expérimentation à Berre et Carqueiranne, chacune exploitant 10 variétés différentes.


La réglisse en Camargue et dans la plaine de la basse Durance
Enfin, dernière expérience menée, la culture de la réglisse. Depuis 7 ans, une parcelle est exploitée en Camargue, mais les conditions d’exploitation sont contraignantes. Cette plante connaît un cycle complet de 5 ans entre la plantation et la récolte. À l’issue de ces 5 années, les plants sont totalement arrachés avec une mécanisation à ce jour impossible. Cependant à l’occasion de la campagne de plantation 2025, un prototype de récolteuse sera testé. Cette machine devrait permettre de récupérer plus facilement les rhizomes, nécessaires à la confection des boutures des 2 nouveaux hectares devant être plantés. Le rôle d’Agribio sur ce projet est de maintenir et soutenir la production des agriculteurs qui testent cette culture, notamment à Meyrargues, la plaine de la basse Durance ayant été identifiée comme favorable pour ses sols alluviaux profonds. Cette zone constituera donc certainement la principale zone de mise en cultures.


Figuier de Barbarie, Pitaya ou réglisse… En agriculture, adaptation rime avant tout avec expérimentation. Pas de cultures miraculeuses mais, assurément, des champs d’espoir pour l’avenir de nos terroirs.