A Dignes, les 12 et 13 avril prochain se tiendra le Festival du film « Pastoralisme d’aujourd’hui et de demain ». A l’initiative : le CERPAM. Homme de terrain et Docteur en écologie des pâturages, Olivier Bonnet, décrypte pour Bleu Tomate, les enjeux du métier et les missions de l’association.

Le Centre d’Études et de Réalisations Pastorales Alpes-Méditerranée est un acteur majeur de l’élevage extensif en PACA. « Nous sommes des partenaires de terrain, explique Olivier Bonnet qui assure la coordination scientifique. Les ingénieurs du CERPAM travaillent au plus proche des éleveurs pastoraux ». A sa création en 1982, le constat est clair : le secteur a besoin d’accompagnement technique, scientifique et d’animation.

Olivier Bonnet coordinateur scientifique CERPAM

Olivier Bonnet, coordinateur scientifique régional au CERPAM – ©CERPAM

Ce sera la raison d’être de l’association. « L’élevage pastoral est très développé dans les six départements de la région. Il n’y a pas que les alpages. En dehors de l’été, l’activité est répartie sur tout le territoire. Pour assurer notre connexion avec le local, nous avons des antennes départementales et une coordination régionale, » soit 17 personnes dont 12 ingénieurs de terrain.

Au Conseil d’Administration, des représentants du monde agricole et de l’élevage bien sûr, mais aussi des scientifiques et des gestionnaires d’espaces naturels comme les Parcs ou encore l’ONF. Des acteurs multiples pour une multiplicité d’enjeux et différentes missions.

les bergers gardent le troupeau à la montagne

Les ingénieurs du CERPAM au plus proche des bergers et des troupeaux (Col du Longet, 04) – ©CERPAM

Rénovation des cabanes

 « Dans un rôle de conseil, nous travaillons avec éleveurs, collectivités, ONF, propriétaires fonciers pour pérenniser la présence du pastoralisme sur le territoire. Nous aidons aussi à la création de groupements pastoraux. » L’amélioration des conditions de travail des bergers est aussi une préoccupation via l’inventaire et la rénovation des cabanes pastorales par exemple. Sur demande des éleveurs ou des propriétaires territoriaux, le CERPAM mène également des diagnostics en vue de la signature de conventions pastorales. Ces contrats de location garantissent aux éleveurs leur place d’herbe.

cabane de berger rénovée

Cabane pastorale rénovée avec la contribution du CERPAM (Méolans-Revel, 04) – ©CERPAM

 « Selon l’enquête que nous avons conduite,  les surfaces pastorales effectivement pâturées représentent un tiers du territoire de la région, explique le coordinateur scientifique. Pour aider au partage d’informations, nous avons créé une « pastothèque ». Cette base de données inventorie et caractérise l’ensemble des espaces qui répondent aux besoins pastoraux.

les brebis pâturent dans les vignes l'hiver

Pâturage d’hiver dans les vignes ici dans le Var – ©CERPAM

D’autres projets de recherche destinés à fournir des données techniques aux éleveurs sont en cours. En effet, « les sujets d’études ne manquent pas : enquêtes sur le changement climatique, impact de la prédation, protection des zones de régénération des forêts, retour du pâturage d’hiver dans les vignes…».

Communiquer et sensibiliser

« Nous ciblons enfin élus locaux et grand-public dans nos actions de sensibilisation via nos publications, réseaux sociaux et très prochainement le Festival du film Pastoralisme d’aujourd’hui et de demain. » L’affluence dans les milieux naturels se développe avec de nouveaux loisirs comme le vélo électrique, la multiplication des trails… Source de conflit, la question des multi-usages des espaces pastoraux est à l’étude au CERPAM. « Nous avons un rôle à jouer pour promouvoir le maintien d’un pastoralisme raisonné et durable, faire tomber les préjugés. »

les brebis traversent un village c'est la transhumance

La Transhumance à pied depuis le Sud Var jusqu’en Ubaye, un temps fort de la vie d’un troupeau et l’ occasion de rencontrer et de sensibiliser le grand-public – ©CERPAM

Enjeu d’actualité : le retour du loup

Le métier est dur, souvent précaire et a toujours induit une forte adaptation à l’environnement. Cependant, les évolutions récentes : changement climatique et retour de la prédation du loup, bouleversent le milieu.

Le loup, c’est un raz de marée,” affirme Olivier Bonnet. Au-delà des pertes, c’est la forte dégradation des conditions de travail que l’on constate. « C’est trop de pression : élever des animaux pour nourrir le loup, ce n’est pas leur vocation ».  C’est aussi beaucoup de responsabilités. « Tout le monde ne s’invente pas expert en éducation canine », or la présence des chiens de protection reste l’un des seuls moyens de défense efficaces. Olivier Bonnet constate : « Le loup, porte-drapeau de la protection de l’environnement, est intouchable. »

les chiens de protection autour du troupeau en alpages

Troupeau de brebis en alpage, placé sous la haute vigilance des chiens de protection – ©CERPAM

Peu de gaz à effet de serre

Face au changement climatique, le pastoralisme semble mieux tirer son épingle du jeu que d’autres secteurs. Ce mode d’élevage est peu émetteur de gaz à effet de serre. Plus intégré à son environnement, il joue un rôle dans la régénération des milieux et limite les impacts des dérèglements. Même si la végétation est plus sèche, avec un apport en eau suffisant pour l’abreuvement des troupeaux, ils sont en bonne santé et les agnelages restent stables.

Troupeau de brebis

Des troupeaux rustiques adaptés aux milieux méditerranéens dans les pré-Alpes de Nice – ©CERPAM

Le pastoralisme demain

Les troupeaux jouent également un rôle de mieux en mieux reconnu dans la lutte contre les feux de forêt. En consommant les matières combustibles, les ruminants débroussaillent et entretiennent de véritables zones coupe-feu. Leur passage permet aussi l’entretien des milieux ouverts dans des zones difficiles d’accès, ce qui favorise le développement d’une biodiversité menacée.

les brebis paissent en milieu boisé

Le pâturage des espaces boisés contribue à la lutte contre les feux de forêt et au maintien des milieux ouverts propices à la biodiversité, ici dans le Var – ©CERPAM

Même si le cheptel et le nombre d’éleveurs diminue, « l’élevage en PACA et le pastoralisme en particulier se maintiennent plutôt bien par rapport à d’autres régions », constate Olivier Bonnet. L’explication : la prise de conscience des services rendus et la capacité d’adaptation des éleveurs.

De tous temps, ce mode d’élevage a fait face à des difficultés structurelles et a su s’y adapter. Pour l’équipe du CERPAM et tous les acteurs du pastoralisme, encore de beaux défis à relever.

Le pastoralisme

-C’est « l’ensemble des activités d’élevage valorisant, par un pâturage extensif, les ressources fourragères spontanées des espaces naturels, appelés communément parcours et alpages ».(source CERPAM)
-Plaines, collines et montagnes de la région sont propices à cette  pratique.
-Le principe : Ne pas chercher à transformer le milieu dans lequel vit le troupeau mais s’y adapter. « Il s’agit de valoriser les ressources qu’offrent les espaces de végétation spontanée et de limiter au maximum les apports extérieurs d’énergie (nourriture, carburant…) », selon Olivier Bonnet.
-Les animaux concernés dans la région : majoritairement des ovins et bovins allaitants, élevés pour leur viande ainsi que chèvres et brebis laitières.