Construit dans les années 50, le barrage de Serre-Ponçon a révolutionné la gestion de l’eau en Provence. Sans lui, les sécheresses seraient beaucoup plus sévères et les crues dévastatrices. Visite historique du géant de l’eau.

Avec sa silhouette imposante, le barrage de Serre-Ponçon se dresse fièrement à la frontière des Hautes-Alpes et des Alpes-de-Haute-Provence, au-dessus du lac du même nom où naviguent voiliers et canoës. Immanquable ! Mais peu de personnes savent à quel point son rôle est essentiel pour notre région : pour l’électricité, pour le tourisme, mais surtout, pour l’eau !

Dompter la chèvre folle

« Il y a trois fléaux en Provence : le mistral, la Durance et le Parlement d’Aix », soutenaient les anciens. Et ce n’était pas uniquement de la rhétorique. En effet, les crues de l’impétueuse rivière alimentée par la fonte des neiges, celle que Jean Giono appelait d’ailleurs « la chèvre folle », faisaient régulièrement de nombreux morts. Et elle s’asséchait durant l’été, là où les besoins en eau étaient criants. Le manque d’eau est d’ailleurs une constante en Provence, comme en attestent les romans de Marcel Pagnol, dont le magnifique Manon des Sources.

Le plus grand réservoir de France © Serre_Ponçon

D’incroyables difficultés techniques

Les premières études visant à installer un barrage débutent au XIXe siècle, notamment après les crues dévastatrices de 1843 et de 1856. Le service des Ponts et Chaussées de l’époque étudie deux sites, l’un à l’amont d’Embrun, l’autre étant déjà le défilé de Serre-Ponçon. Toutefois, les sondages entrepris à Serre-Ponçon révèlent la présence d’une importante couverture d’alluvions. L’établissement d’un barrage maçonné s’avère impossible, puisqu’il est impossible d’atteindre la roche dure sous les alluvions tapissant le lit majeur pour y fonder un ouvrage. Ivan Wihlem, un ingénieur de Gap, étudie de nombreuses solutions techniques. Mais aucune ne s’avère satisfaisante. Dans les années 1940, le projet est réactivé en se basant sur l’expérience des Américains. Ils sont parvenus à construire un immense barrage en terre grâce à des injections profondes d’argile et de terre. En 1950, Électricité de France, entreprise publique créée en 1946, organise un concours d’idées permettant de faire avancer le projet. Il s’avère nécessaire de créer un large et profond rideau d’étanchéité dans les alluvions sablo graveleuses et les éboulis de pente.

La loi du 5 janvier 1955 portant sur l’aménagement de la Durance déclare le barrage d’utilité publique. Il est décidé d’aménager tout le lit de la rivière. Serre-Ponçon est l’ouvrage majeur de toute une chaîne d’ouvrages hydro-électriques.

Hauteur 123 m – Longueur 125 m en pied et 600 m en crête – Largeur 650 m à la base © Serre-Ponçon

3 000 ouvriers de jour comme de nuit

Démarre alors, en avril 1957, l’un des plus importants chantiers de France. Il est porté par EDF et surnommé le chantier du siècle. Tout est colossal. Comme il n’existe pas de machines assez grandes dans le pays, EDF fait venir 35 énormes camions Euclid des États-Unis. Jusqu’à 3 000 ouvriers travaillent sur ce chantier, se relayant de deux heures du matin à dix heures du soir. C’est pour la maintenance des engins qu’est respecté l’arrêt de quatre heures.

 Six fois la pyramide de Khéops

Le barrage est un massif zoné en terre. Il s’élève à 123 m, est long de 125 m en pied pour 600 m en crête. Il est large de 650 m à la base dans le sens du lit, d’un volume total de quatorze millions de mètres cubes ! C’est six fois le volume de la pyramide de Khéops. Et son cœur est en argile ! Remplir le lac demande 18 mois, une opération finalisée le 18 mai 1961. Avec 1,2 milliard de mètres cubes, il s’agit du plus grand réservoir de France, le château d’eau de la Provence.

Le château d’Eau de la Provence © Serre-Ponçon

L’eau, mais aussi l’électricité

Au final, c’est toute la Durance qui est aménagée, domestiquée. En y ajoutant le Verdon, la chaîne hydroélectrique compte 16 barrages et 23 centrales. Ainsi, rien que sur la Durance, l’eau peut être turbinée consécutivement dans 16 centrales toutes reliées entre elles par le canal EDF de la Durance ! Car s’ils permettent de gérer l’eau, les aménagements produisent aussi de l’électricité pour 2,1 millions de personnes. 219 000, soit la population des Hautes-Alpes et des Alpes-de-Haute-Provence, uniquement pour la centrale de Serre-Ponçon. Une énergie 100 % renouvelable et sans émission de CO2. Le Canal de la Durance, qui serpente sur 250 kilomètres, apporte l’eau des montagnes dans toute la Provence jusqu’à la basse-Durance.

Les multiples aménagements depuis le barrage © EDF-Provence-Hydro-Mediterranee

De l’eau potable pour 3 millions de personnes

Au final, le barrage de Serre-Ponçon a répondu à tous les défis. Depuis sa création, les crues de la Durance sont écrêtées, canalisées. Alors que la Provence est l’une des régions les plus sèches de France, c’est l’une de celles qui souffrent le moins de la pénurie d’eau. Les ouvrages permettent de fournir de l’eau potable à plus de trois millions de personnes.  80 000 hectares de terres agricoles sont irriguées. Et ils fournissent de l’eau industrielle à près de 400 entreprises. Enfin, la création du barrage et du lac ont permis de développer une forte activité touristique.

L’activité touristique est importante sur le lac @ Le Naturographe-Baie_St_Michel

Combiner tous les usages, un défi constant

La sécheresse actuelle rend encore plus utile le barrage, mais complexifie évidemment la gestion de l’eau. EDF, gestionnaire des installations, doit réaliser en permanence des arbitrages complexes avec l’aide de la technologie. Un réseau de plus de 1 000 capteurs permet de déterminer en quel volume d’eau se transformera le manteau neigeux. Il faut à la fois garantir le débit réservé, qui doit être délivré à la rivière 24 heures sur 24. Il s’agit en effet de préserver la biodiversité, irriguer les terres agricoles, fournir de l’eau potable tout en maintenant un niveau des lacs conforme à la cote de compatibilité touristique, soit au moins 775 mètres au-dessus de la mer. Un critère qui n’a pas toujours pu être respecté pendant l’été 2022, saison particulièrement sèche. Problématique, certes, pour l’industrie touristique… Mais cela ne doit pas faire oublier à quel point la vie en Provence serait beaucoup plus difficile sans le géant de l’eau et ses nombreux amis de pierre.

médiathèque EDF © Franck Oddoux, Xavier Popy, DR

Comment fonctionne le barrage de Serre-Ponçon ?

L’eau du lac s’engouffre dans une conduite à fort dénivelé creusée dans la montagne jusqu’aux groupes de production de la centrale. La force de l’eau fait tourner une roue qui actionne un alternateur, composé d’un rotor tournant dans un stator. Sur le principe d’une dynamo, l’électricité est produite et part vers un transformateur qui élève la tension pour le transport, via les lignes très hautes tensions. L’eau s’échappe ensuite dans le lac de compensation d’Espinasses, au pied du barrage de Serre-Ponçon.

La centrale produit l’électricité au moment où la demande est la plus forte. Ces pics de consommation sont anticipés par les services d’EDF qui demandent aux centrales de produire selon un programme prévu à la minute près. Sur la Durance et le Verdon, 20 centrales commandées à distance démarrent selon ce programme différent chaque jour. Près de 2 000 MW peuvent ainsi être mobilisés en 10 minutes.

La chaîne hydroélectrique Durance-Verdon en chiffres

  • 3 millions de personnes alimentées en eau potable
  • 80 000 hectares de terres agricoles irriguées
  • 400 entreprises fournies en eau industrielle
  • 16 barrages
  • 250 kilomètres de Canal de la Durance

Mais aussi …

  • 1er producteur d’électricité renouvelable en région Sud-PACA
  • 23 centrales
  • 2067,5 MW de puissance installée
  • 2,1 millions de personnes, soit l’équivalent de 2,5 fois la population de Marseille, alimentées en électricité 

https://www.youtube.com/watch?v=0GiOisDNXv8

A RMA © EDF

Visitez la maison de l’eau et des énergies

Si vous souhaitez en savoir plus sur la chaîne hydroélectrique Durance-Verdon, vous pouvez visiter la Maison de l’eau et des énergies de Serre-Ponçon, un espace de découverte ludique, interactif et pédagogique : modules, écrans tactiles, films…  Une visite passionnante et très concrète. Une visite gratuite et commentée de la salle des machines de l’usine hydroélectrique souterraine de Serre-Ponçon est possible sur réservation préalable obligatoire à partir de douze ans : explorez les entrailles de cette véritable cathédrale, l’une des plus puissantes usines hydroélectriques de France.

Espace EDF Odysselec – Maison de l’eau et des énergies
Barrage de Serre-Ponçon – RD3 – 05190 Rousset
04 92 54 58 11