l'utilisation des chevaux pour nettoyer la forêt inaccessible

Au cœur du Parc Naturel Régional du Luberon, une zone de marnes grises envahie par les pins. Cet élément de patrimoine géologique était menacé de disparition. Mais dans cet espace quasi inaccessible, place à une opération de coupe exemplaire, alliant respect de l’environnement et préservation de la nature.

Sur le site de La Tuilière, c’est le Parc du Luberon qui met en œuvre le plan de gestion. Il intervient à la demande du département de Vaucluse et de la commune de St Saturnin les Apt, propriétaire du terrain. La phase deux de ce plan est notamment consacrée à la réouverture du milieu.

Oublier les machines

Stéphane LEGAL, conservateur de la Réserve Naturelle Nationale Géologique du Luberon nous explique les modalités de l’opération : « Cette zone est peu accessible car très pentue, et le sol, constitué de marnes, présente un caractère particulièrement glissant. Le recours à des machines était peu envisageable, voire dangereux. Nous avons donc choisi de faire appel à Provence Hipposervices, qui, au-delà de ses activités d’élevage et d’attelage, propose des prestations de travaux agricoles ».

Un travail de précision qui demande une longue pratique tant du cheval que du meneur @Stéphane Legal PNRL

Un moyen idéal de préservation des milieux naturels

L’opération s’est déroulée dans les premiers jours d’avril, avec à la manœuvre trois magnifiques chevaux : un ardennais, un breton et un boulonnais. Cinq personnes dont trois stagiaires en formation de Meneur Accompagnateur de Tourisme Equestre (MATE) ont travaillé pendant trois jours. Après avoir abattu la centaine de pins, place à leur enlèvement.

Pour évacuer les arbres, l’intervention avec un cheval évite de tracer une piste, contrairement aux machines. En effet, cette pratique permet de préserver le sol, la faune et la flore locales. Pour Ollivier AUGIER, de Provence Hipposervices, cette méthode traditionnelle ne présente que des avantages. « La gestion durable de la forêt et de la biodiversité s’y prête parfaitement ».

l'emploi du cheval permet d'éviter la dégradation du milieu

L’emploi du cheval permet d’éviter la dégradation du milieu végétal @ Stéphane Legal PNRL

Retrouver une pratique oubliée

« Je constate un intérêt grandissant pour l’utilisation du cheval. Le débardage en milieu naturel n’est qu’un des multiples débouchés. Je mène un chantier par an de débardage en milieu naturel, mais j’interviens aussi dans les vignes. Ou encore pour le transport scolaire ou le ramassage des déchets. Je forme de nombreux élèves dans mon exploitation. Ils sont la preuve qu’existe une vraie tendance de fond d’un retour vers ces pratiques. Et ils créent à leur tour de nouvelles opportunités d’utilisation du cheval. ».

Des chevaux adaptés

Intervenir sur ce type de chantier demande plus de six années de travail de préparation des chevaux. Leur entraînement spécifique est complété par leur séjour d’hiver en montagne, où ils sont utilisés pour tracter traîneaux et calèches. «Nos chevaux sont typés « tractionneurs », et sont de fait très polyvalents. Toutes ces activités les font gagner en puissance et en précision. Ils sont donc prêts pour intervenir sur toutes les opportunités qui se présenteront, et croyez moi, ils se font plaisir ! »

6 années de travail sont nécessaires pour former un cheval au travail

6 années de dressage sont nécessaires pour former un cheval au travail attelé @Stéphane Legal PNRL

En prime, une valorisation locale

Cinquante stères de bois (environ 45 tonnes) ont été abattus puis tirés sur 500 mètres vers le site de stockage. Certaines billes de bois atteignaient les 800 kg. Elles seront valorisées sur place avec la fabrication d’obstacles pour l’équitation, de piquets de clôture, ou de carton dans l’usine de production de pâte à papier de Tarascon…

50 stères de bois ont été abattus, certaines billes atteignant les 800 kg @ Stéphane Legal PNRL

Photo de 1 : Stéphane Legal Parc Naturel Régional du Luberon

Un patrimoine géologique remarquable

Le site de la Tuilière présente un intérêt géologique remarquable, notamment pour ses marnes grises, qui ont été mises en évidence au XIXe siècle par le géologue Alcide d’Orbigny. Elles ont joué un rôle crucial dans la définition de l’étage Aptien (-125 à -113 millions d’années), toujours utilisé dans l’échelle internationale des temps géologiques. Le site est cependant peu connu du grand public, bien que figurant sur la carte géo-touristique du Parc. Il est de fait essentiellement fréquenté par des spécialistes de la discipline. On y trouve des fossiles de petite taille et  souvent pyritisés (la coquille est remplacé par de la pyrite : sulfure de fer). Ils s’oxydent et se détériorent facilement.

C’est aussi un lieu où la végétation est particulièrement adaptée à ce type de roche, argileuse, sèche l’été, profondément ravinée et gorgée d’eau après les pluies. Ainsi, le Sainfoin humble d’Europe, espèce protégée et rare en Vaucluse y est abondant. De nombreuses plantes se développent dans ces garrigues : le liseron rayé, l’Euphorbe à têtes jaune d’or, etc. attirant des insectes en quantité. La nature du sol est aussi favorables aux milieux humides fréquentés par les libellules.

Des panneaux d’interprétation apportent toutes les informations pour comprendre les enjeux de ces marnes grises… Après un moment de découverte et de contemplation.

Les marnes grises de la Tuilière @ Stéphane LEGAL PNRL