L’élevage, une filière en questionnement

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L'élevage, une filière en questionnement Bleu Tomate

Recul de la consommation de viande, épidémies, critiques sur le bien-être animal… Les éleveurs se sentent mal aimés. Comment changer l’image de la filière élevage ? Début décembre, une journée consacrée à l’élevage a été organisée à St Martin de Crau.

Après une matinée réservée aux éleveurs, ils sont rejoints l’après-midi par des personnalités aussi diverses qu’un ancien international du football, un géologue spécialiste des sols, ou encore les maires d’Arles et d’Aureille.

Chacun à sa manière rappelle que, trop souvent, les bénéfices rendus par l’agriculture ne sont pas considérés : les agriculteurs qui préservent les paysages, les prairies qui sont de vrais puits de carbone ou encore l’élevage traditionnel qui fait perdurer savoir-faire et traditions ancestrales.

Conserver les sols vivants, une nécessité pour l’agriculture

« L’agriculteur est le premier concerné par la conservation d’un sol vivant : c’est son outil de travail ! » assène Daniel Nahon, géologue spécialiste des sols et professeur émérite à Aix-Marseille Université. Le sol est un patrimoine qui n’est pas préservé, et trop peu souvent abordé avec une approche scientifique. Aujourd’hui, la terre s’épuise. Pour le scientifique, l’élevage a un rôle à jouer pour préserver des sols vivants, capables de stocker du Co2. Et des solutions existent. « Revoir la manière de labourer, mieux prendre en compte l’orientation des parcelles notamment pour l’arrosage, choisir les cultures correspondant à la composition chimique de la terre. ».

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Daniel  Nahon, géologue spécialiste des sols rappelle que le sol est lui aussi une ressource naturelle à préserver © PCarrier

5000 ans pour 5 mm de sol vivant

C’est une découverte : le sol est une ressource non renouvelable à l’échelle humaine. À la question « la rotation des cultures permet de préserver la qualité des sols », la réponse du spécialiste claque : ce n’est pas nécessairement vrai, car toutes les cultures ne sont pas adaptées à tous les sols.

Il est plus souvent question de rendement que d’adaptation, et l’alternance des cultures ne résout pas nécessairement la question de la qualité du sol. D’autant que certaines pratiques en accélèrent l’appauvrissement. Couper des arbres ou des haies, traiter avec des intrants, labourer profondément la couche supérieure du sol. Quand on réalise que 5000 années sont nécessaires pour obtenir cinq millimètres de sol vivant, le sujet mérite d’être étudié.

Réinventer la filière laine

Une autre opportunité évoquée est la relance de la filière laine. C’est un produit qui a été délaissé au fil du temps, bien que la laine de mérinos soit d’une qualité unanimement reconnue. Actuellement elle est utilisée pour la fabrication de vêtements sportifs estampillés « La Routo® ». Le projet ? Développer de nouveaux débouchés et transformer ce qui est souvent considéré comme un déchet en un produit d’exception, et associer davantage les éleveurs à sa valorisation économique.

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Le mérinos d’Arles, une laine exceptionnelle à valoriser avec les éleveurs © Maison de la Transhumance / Patrick Fabre.

Bien-être de l’animal versus bien-être de l’éleveur

« Désormais on se soucie plus du bien-être des bêtes que de celui de l’éleveur« . Ce constat est une réalité pour la plupart des éleveurs présents : ils regrettent d’être trop souvent pris à partie par une partie du public qui – à leurs yeux – méconnait totalement leur travail et leurs préoccupations.

« Être éleveur, c’est faire naître et faire vivre nos animaux. C’est bien nous qui sommes garants de leur bien-être, et ce jusqu’à l’abattoir ». C’est ainsi que Pierre-Henry Callet, éleveur de taureaux et président des abattoirs de Tarascon répond aux accusations. Ils doivent aujourd’hui faire face à des prises de position qu’ils jugent parfois excessives.

 « En rentrant de transhumance, j’ai été agressé sur un parking par des personnes qui ont pris mon camion en photo et appelé la police car, d’après eux, il faisait trop chaud pour transporter mes brebis… ». Luc Bourgeois, président de la Fédération Ovine 13, plutôt dépité, poursuit : « De toutes façons, lorsque l’on transhume à pied on est accusés de fatiguer nos bêtes. Le problème est qu’aujourd’hui le public transpose les conditions de vie d’un animal aux siennes. Leur vision de la réalité est totalement faussée. »

Recréer le dialogue entre éleveurs et public

En tout état de cause, les acteurs de la filière ont bien conscience qu’il est essentiel de faire évoluer les mentalités. « Dans notre région, nous sommes sur des exploitations familiales où tout est mis en œuvre pour travailler dans de bonnes conditions » ajoute Laurent Israélian, président de la Chambre d’Agriculture du 13. « Nous devons être en capacité de démontrer que nous faisons des efforts : on trouve aujourd’hui des bergeries réfrigérées ou des poulaillers mobiles pour que les poules se nourrissent à l’extérieur ! » 

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Les institutionnels agricoles de PACA présents pour soutenir la filière © PCarrier

Pour le responsable agricole, le Salon des Agricultures de Provence, avec ses animations comme par exemple la visite d’une bétaillère, est une belle vitrine pour mieux faire comprendre le métier.

Une évolution des mentalités à prendre en compte

À les écouter, on ne peut que constater l’attachement de l’éleveur à ses bêtes. Il est évident que la filière doit s’adapter, en reconnaissant que les attentes des consommateurs ont évolué. Les préoccupations environnementales, la santé et l’essor des régimes non carnés ont un impact sur la consommation de viande. Il faut donc en anticiper les conséquences.

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« Les bergères en folie », association St Martinoise d’éleveuses et bergères

Émilie, Martine, Magali, Corinne et Cathy sont éleveuses et bergères. Et elles sont en colère ! Non seulement leur activité rencontre des difficultés, mais elles considèrent en outre être transparentes. Leur travail ne serait pas reconnu par le public. Alors, pour briser les clichés sur une profession encore perçue comme exclusivement masculine, elles organisent chaque année depuis 17 ans la « Transhumance des femmes », le second week-end de mai à St Martin de Crau. Et tout le monde est invité à y participer en 2026.

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