Pour nourrir les élèves avec des fruits et légumes bio et locaux, de nombreuses collectivités créent une ferme municipale… La Ville de Ramatuelle, dans le Var, a récemment accueilli la 2e matinée d’échanges techniques entre maraîchers communaux du Sud-Est.
Une vingtaine de maraîchers du Var et des départements voisins ont visité la cantine et discuté avec l’équipe de la cuisine. Parmi les questions abordées, celle du décalage entre le pic de production estivale et la chute de la demande, pendant les vacances scolaires.
Journée technique et d’échange entre fermes municipales
Plusieurs solutions peuvent être mises en œuvre, depuis la congélation (qui nécessite du matériel comme des contenants et un grand congélateur) à la transformation des tomates, courgettes ou aubergines, en plats cuisinés et jus de tomate… En passant par le décalage des plantations, ou le choix de variétés plus précoces ou plus tardives.


Le second temps de visite était évidemment pour la ferme municipale. Un hectare en culture depuis 2023, pour approvisionner les cantines scolaires. Quelles variétés choisir, quelle irrigation, quel matériel et comment planifier le travail ? Une journée fertile, à l’initiative d’AgribioVar et de Potagers & Compagnie.
Potagers & Compagnie, partenaire des fermes publiques
« Le but de ces journées est aussi de lutter contre une certaine forme d’isolement du maraîcher municipal, qui peut manquer d’accompagnement technique », précise Julien Vert. Cofondateur de Potagers & Compagnie, il est maraîcher lui-même à la ferme bio Saint Georges de Le Val (83), créée par l’entreprise reconnue d’utilité sociale.
La structure dispense également des formations en agroécologie. Elle est enfin un bureau d’études qui accompagne les projets nourriciers, qu’ils soient potagers d’entreprises ou fermes publiques. Engagée pour la transition agroécologique, elle a coorganisé les rencontres des fermes municipales, l’an dernier à Mouans-Sartoux et cette année à Epinal.


La restauration collective, enjeu puissant de résilience
« Les fermes publiques bio sont un catalyseur de la transition agroécologique » poursuit le gérant de Potagers & Compagnie. Car la question de l’alimentation touche à de multiples domaines. De la santé des convives à la sécurité alimentaire en passant par l’éducation au goût, la protection de l’environnement ou la vie des territoires, les fermes publiques, qu’elles soient municipales, départementales ou portées par des communautés de communes, apportent un statut et un confort de travail aux maraîchers qu’elles emploient -avec un revenu décent et des horaires de travail définis par la loi-. « Dans le monde agricole, un maraîcher travaille en moyenne 50 heures par semaine pour 800€ par mois » rappelle Julien Vert.
De plus, les fermes publiques sont des laboratoires de la transition car on peut y prendre des risques et y conduire des expérimentations. Elles servent ainsi de locomotive à d’autres projets d’agriculture locale. Enfin « elles sont des outils puissants d’éducation à l’alimentation des enfants, et un levier de changements de pratiques alimentaires des parents » !
Autre intérêt, elles aident les collectivités à s’inscrire dans les lois Egalim et Climat et Résilience, qui demandent -notamment- dans les assiettes des élèves des repas bio et des produits locaux. Elles permettent aussi de lutter contre la précarité alimentaire et d’avancer vers une plus grande sécurité alimentaire des territoires.
« Sans une volonté politique assez forte, rien ne se fait »
Même accompagnées par des structures partenaires, les fermes publiques sont portées par des élus. Quel que soit leur bord politique, ceux-ci s’engagent alors dans un projet aux multiples enjeux. Parmi les obstacles à franchir, la question du foncier revient souvent. Habitués à créer des réserves constructibles ou pour des aménagements, ils le sont moins pour les réserves agricoles. D’autant que le monde agricole préfère souvent -à travers les SAFER– conserver les terres.
Alors certes, un projet de ferme municipale représente un coût. Question de priorités, rétorque Julien Vert : « Avec 150 000€ pour une ferme bio d’un hectare qui va nourrir 300 à 350 convives par jour, on est loin du prix d’un seul rond-point ! »
Le Réseau National des Fermes Publiques
Informel pendant deux ans, il vient tout juste de prendre la forme d’une association, soutenu par un financement du Programme Alimentaire National (PNA). Regroupant une cinquantaine de collectivités, il a pour objectif de fédérer, accompagner et promouvoir les fermes publiques. Et pour ambition de recueillir l’adhésion du plus grand nombre d’entre elles. Pour adhérer, un appel est lancé, à travers ce lien. On compte aujourd’hui une centaine de fermes publiques, en production ou en projet.
(Lire ici notre article de juin dernier).
Et puis il s’inscrit dans un enjeu majeur pour l’agriculture, celui du renouvellement des générations. « Il faudra attirer du monde dans l’agriculture et vers des pratiques différentes de celles du 20e siècle, affirme le maraîcher bio. Les fermes publiques sont un excellent tremplin pour des gens en conversion qui débutent et n’ont pas, ici, à tout gérer, ils ont une sécurité qui peut les rassurer. Certains s’installent ensuite en indépendance ».
L’un des chantiers du Réseau sera celui de la formation. Aujourd’hui, le métier de maraîcher n’existe pas dans la fonction publique territoriale. Alors dès le mois de mars, une formation CNFPT* débutera à Marseille, à titre expérimental. Avec pour objectif que la fonction publique propose ensuite une formation à la technique maraîchère.
Grande ou petite, la ferme publique semble s’enraciner dans les territoires et porter les espoirs de belles et bonnes récoltes.
*CNFPT : Centre national de la fonction publique territoriale
Les fermes publiques en France et dans la région
Elles couvrent environ 5 millions d’habitants. On en compte une centaine en production ou en projet.
Dans la région, 17 fermes existantes, 6 dans le Var et dans les Alpes Maritimes, 4 dans les Bouches-du-Rhône et une dans le Vaucluse. Elles sont municipales, départementale ou intercommunales. Elles couvrent un demi hectare ou plusieurs dizaines et nourrissent de 200 à plusieurs milliers de convives.
