TRIBUNE
Le Plan Bleu dévoile comment outils financiers et politiques publiques peuvent protéger l’environnement en Méditerranée, en soutenant l’eau, la biodiversité et l’innovation locale.
La Méditerranée se réchauffe 20 % plus vite que la moyenne mondiale, avec déjà +1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Sécheresses, pollution et perte de biodiversité menacent la région. Face à cette urgence, agir ne peut plus se limiter à la protection de l’environnement : la transition écologique doit être aussi économique et financière.
Le Plan Bleu, centre régional du Programme des Nations Unies pour l’environnement, publie un nouveau rapport, Outils économiques et finances respectueux de l’environnement : Une voie vers la durabilité en Méditerranée. Porté par Robin Degron et Constantin Tsakas, et fruit de l’analyse de plus de 20 experts, il fournit données, bonnes pratiques et recommandations pour orienter les décisions publiques et privées. Il alimente également la révision de la Stratégie Méditerranéenne pour le Développement Durable (SMDD) 2026-2035, afin d’intégrer la finance durable de manière significative dans la feuille de route régionale.
Plusieurs leviers financiers sont mis en avant.
- Les taxes climatiques incitent entreprises et citoyens à réduire leurs émissions et stimulent l’innovation énergétique. Le rapport estime aussi le coût social du carbone entre 400 et 800 USD par tonne de CO₂ selon les pays, soulignant l’importance d’une taxation différenciée et équitable pour combiner efficacité économique et justice sociale.
- Les obligations vertes ont aussi un rôle clé à jouer. Ces outils sont des prêts accordés par des investisseurs pour financer des projets à impact environnemental positif, comme la rénovation énergétique, la mobilité propre ou la qualité de l’air. Leur efficacité dépend du déploiement stratégique des fonds et de la durée des investissements. Les obligations à maturité moyenne (5 à 10 ans) sont environ deux fois plus performantes pour réduire la pollution de l’air que les autres durées.
- La protection de l’eau et de la biodiversité nécessite aussi des financements innovants. Les partenariats public-privé et le financement mixte (blended finance), qui combinent fonds publics et privés pour réduire les risques et attirer des investisseurs, permettent de moderniser les infrastructures hydriques et d’assurer un impact durable.
- Pour les espaces marins, les fonds fiduciaires pour la conservation et les redevances locales financent à long terme les aires protégées, vitales face à l’invasion d’espèces et à la dégradation des écosystèmes.
Le Plan Bleu insiste sur l’importance d’une Taxonomie Méditerranéenne des activités durables, un cadre qui définit quelles activités sont réellement durables dans la région. Elle harmoniserait les critères, éviterait le greenwashing et guiderait les flux financiers vers des projets adaptés aux vulnérabilités locales, comme la rareté de l’eau ou la fragilité des écosystèmes marins.
Pour les acteurs méditerranéens, ce rapport pourrait servir de véritable feuille de route. Il a vocation à nourrir l’émergence d’une communauté de pratique autour des finances durables.
Pour les collectivités, il pourrait inspirer la mise en œuvre de mécanismes fiscaux vertueux (par exemple une taxe climatique sur le tourisme) afin de générer des ressources locales dédiées à l’adaptation : protection des côtes, infrastructures résilientes à la chaleur, gestion de l’eau.
Pour les entreprises et investisseurs, il pourrait encourager la demande d’un cadre clair et partagé, à l’image de la Taxonomie européenne, permettant d’orienter les capitaux vers les secteurs les plus efficients et stratégiques.
Pour les citoyens et la société civile, il pourrait renforcer le soutien à la suppression des subventions nuisibles, aujourd’hui estimées cinq à six fois supérieures aux subventions bénéfiques, afin de libérer les moyens nécessaires à la transition écologique.
Le succès repose sur la volonté politique, la collaboration continue et l’innovation. En adaptant ces outils à nos contextes locaux, notre région peut transformer la crise environnementale en une opportunité de développement résilient et équitable pour l’ensemble du Bassin.
Robin Degron, Directeur du Plan Bleu, et Constantin Tsakas, Chef économiste du Plan Bleu
