Le projet de mise en place d’une Sécurité Sociale de l’Alimentation prend forme sur le territoire du Luberon. Lancée depuis 2 ans,  la démarche s’inscrit dans le Projet Alimentaire Territorial (PAT) du Parc Naturel Régional du Luberon.

Le Parc Naturel du Luberon organise le 29 juin prochain son forum sur l’alimentation et l’agriculture durable. L’occasion d’en savoir plus sur ce projet innovant de Sécurité Sociale de l’Alimentation. Il est porté par l’association Au Maquis et un groupe de personnes d’horizons différents, qui partagent la même volonté d’agir localement pour un avenir plus sain.

Nous avons rencontré Eric, de l’association. Il nous explique de quelle manière ce projet de Sécurité Sociale de l’Alimentation est mis en oeuvre. « Attention, il ne s’agit pas d’imaginer un processus d’aide alimentaire qui ne répondrait qu’à un besoin physiologique. Il est question de créer une nouvelle manière d’envisager et surtout de transformer les systèmes alimentaires. Tels qu’ils fonctionnent aujourd’hui, ils participent de manière non négligeable aux désordres écologiques et sociaux. Un collectif national porté par  de nombreux organismes (*) travaille depuis 2019 sur l’écriture du socle commun de ce projet. Dans le Luberon, nous avons travaillé  pendant un an en comité de pilotage pour construire le nôtre. Ses bases sont donc solides. Depuis janvier 2022 nous avons mis en place un premier conseil local de l’alimentation à Cadenet. Un autre est en préparation à Pertuis. »

Eric association Au Maquis © Josiane Bouillet (photo de 1 : Carte vitale alimentation©Sécurité Sociale de l’Alimentation)

Retrouver les valeurs de la Sécurité Sociale de 1946

Le collectif national travaille à l’intégration de l’alimentation dans le régime général de la Sécurité sociale, tel qu’il a été initié en 1946. Tout d’abord l’universalité de l’accès. Puis le conventionnement des professionnels réalisé par des caisses gérées démocratiquement. Enfin son financement par la création d’une cotisation sociale à taux unique sur la production réelle de valeur ajoutée.

Le principe de base est simple : chaque citoyen cotise. En échange, il reçoit mensuellement une allocation à dépenser chez les professionnels conventionnés. Concrètement et sur le modèle du système de santé, une carte vitale de l’alimentation donne accès à des produits conventionnés. Le montant envisagé est de 150€/mois et par personne. Le conventionnement repose principalement sur des caisses primaires gérées démocratiquement au niveau local. Elles s’articulent avec une instance nationale composée de membres représentants de ces caisses.

Favoriser l’apprentissage de la démocratie participative

Pour créer le conseil local de Cadenet, le collectif a choisi de s’impliquer solidairement dans le recrutement des membres. Ils sont tous allés à la rencontre des habitants. Depuis janvier, le groupe constitué d’environ 25 personnes se réunit tous les 15 jours. Pour Eric, ce qui aujourd’hui fait toute la richesse de cette première expérimentation, c’est d’avoir mis en œuvre un véritable cycle d’apprentissage. « C’est la plus belle réussite de ce projet : permettre à chacun de faire l’expérience de la liberté d’expression, mais aussi de rencontrer des spécialistes auxquels poser toutes questions, pertinentes ou pas, sans tabou. Il s’agit pour eux de se construire une vision complète de la problématique et des enjeux qu’elle sous-tend. La connaissance des causes permet de prendre de la hauteur avec sa propre vision. Il est particulièrement enrichissant d’échanger des points de vue parfois contradictoires, de construire un savoir et un horizon communs.» Deux chercheuses  en sociologie (Pauline Scherer et Elodie Maniaval) suivent le groupe. Elles rédigeront un rapport qui aura vocation à diffuser et partager ce modèle.

3 phases de travail pour 3 axes de réflexion

Trois cycles d’apprentissage, autour de trois grandes thématiques, ont été définis. Les travaux se concentrent sur les sujets suivants : «Systèmes alimentaires», «Histoire et financement de la sécurité sociale», et enfin «Participation citoyenne et démocratie». La première phase a permis de construire les références communes. La mise en place de la controverse dans les débats ayant été délibérément encouragée, tous les points de vue ont pu être exprimés.

A partir de septembre, la deuxième phase va démarrer avec l’élaboration par les membres du Conseil de l’Alimentation des « critères du conventionnement ». Ce sont ces critères qui détermineront où et comment pourront être dépensées localement les allocations. La vision commune de ce que pourrait être un système alimentaire désirable permettra l’élaboration des critères. Il s’agira alors d’imaginer le maillage alimentaire du territoire (production, transformation et distribution) comme ses liens avec les autres territoires.

2 réunions mensuelles depuis le mois de janvier pour le conseil local de l’alimentation © Au Maquis

Enfin, le comité de pilotage souhaiterait une troisième phase, dont le financement n’est cependant pas encore assuré. La création d’une « caisse locale d’alimentation » qui serait laissée en gestion au Conseil de l’Alimentation de Cadenet. Il doit concrètement agir à la transformation du système alimentaire territorial : quels choix seront considérés comme prioritaires ? S’agira-t-il de tester des allocations mensuelles pour eux ou des personnes défavorisées ? De prioriser des investissements sur le système alimentaire local ? D’élargir le conseil de l’alimentation à d’autres habitants ? De faire venir de nouveaux expert.es ?

Un enjeu de société : former les citoyens

Aucune idée préconçue, aucune limite. De fait, tout le projet repose sur la conviction que des citoyens informés sauront prendre les mesures qui seront justes pour eux… Libre expression et responsabilisation individuelle pour une réussite collective. Pour Eric, il s’agit, au-delà du projet de Sécurité Sociale de l’Alimentation, de porter un véritable nouveau projet de société. C’est pourquoi la méthode est essentielle car elle participe à cette réussite.

(*) Ingénieurs sans frontières Agrista, Réseau Salariat, Réseau Civam, la Confédération paysanne, le Collectif Démocratie Alimentaire, l’Ardeur, l’Ufal, Mutuale, l’Atelier Paysanles Ami.es de la Confédération paysanne, VRAC.  Les organisations qui contribuent aux travaux et réflexions : le Miramap, le Secours Catholique