Fondé il y a 40 ans, ce spécialiste de la randonnée à pied en France et en Italie, installé à Pertuis (84), est passé de société commerciale à SCOP en 2016. Un changement pour préserver l’identité d’une entreprise où humanisme et bien-être au travail ont toujours été des valeurs primordiales.

Des itinéraires de randonnées à la rencontre des terroirs. Des prestataires locaux fidélisés. La convivialité des séjours. L’empreinte culturelle. Un esprit de famille… Il eut été anormal que les préceptes de partage et de respect qui ont fondé le succès des itinéraires à pied de Chemins du Sud ne se retrouvent pas un jour scellés dans un modèle entrepreneurial synchrone. C’est ainsi qu’en 2016, après plus de trente ans d’activité au travers d’une SARL, l’entreprise a été transmise à ses salariés sous forme de SCOP.

Une image sociale

« L’idée de passer en SCOP était de préserver l’esprit familial, l’identité des séjours et l’image sociale de l’entreprise. Il s’agissait aussi que Chemins du Sud ne soit pas noyée dans un autre groupe en cas de rachat de la société, une idée qui ne satisfaisait pas le créateur, Nicolas Dessaux », témoigne Armelle Dubois, gérante de Chemins du Sud, en charge du service production « séjours accompagnés ».

En randonnée dans les montagnes… Crédit Chemins du Sud (Photo de Une : de g. à d., Romain Marion, directeur ; Laura Verre, conseillère voyages ; Armelle Dubois, gérante. Crédit Philippe Bourget).

Société créée par un berger des Cévennes… 

L’esprit du voyagiste tient beaucoup à la personnalité de son fondateur. Ancien éleveur de moutons dans les Cévennes, Nicolas Dessaux, associé au guide Nicolas Fallay (toujours présent dans l’entreprise), a commencé par défricher des itinéraires de randonnés dans le sud de la France et en Italie. Parmi les premières agences à proposer des randonnées sans portage, elle s’est vite construite une image de spécialiste de circuits pédestres immersifs, travaillant avec des prestataires fidélisés. Au contact des terroirs, elle tire aussi profit de l’abondance des produits locaux pour concevoir des pique-niques équilibrés et gouteux – une autre marque de fabrique du voyagiste.

L’équipe 2022-2023 de Chemins du Sud dans les calanques. Crédit Chemins du Sud.

Clientèle féminine et senior

Les clients applaudissent, découvrant la botte italienne et la France méditerranéenne « autrement ». Le cœur de cible est constitué d’un panel de marcheurs plutôt féminin et senior, d’une moyenne d’âge d’environ 60 ans. Parmi les 3 500 clients annuels, 75% voyagent en randonnées accompagnées (groupes de 15 personnes maximum), 25% en « randonnées en liberté », à l’aide de topo-guides ou d’une « appli ».

15 salariés, 7 associés

La SCOP est aujourd’hui constituée de 10 salariés installés au siège de l’entreprise, dans la zone d’activités de Pertuis (84) et d’une douzaine de guides travaillant d’avril à octobre, dont cinq salariés. Sept personnes sont associées dans la coopérative. Parmi eux, trois guides, ainsi qu’Armelle Dubois et Romain Marion, le directeur, ancien trekkeur passé par  des tours opérateurs spécialistes des séjour aventures et une agence de voyages en Nouvelle-Zélande, arrivé fin 2020.

Les pique-niques « rando », c’est aussi du local ! Ici en Sardaigne. Crédit Chemins du Sud

Pas de culte de la marge  

Le parcours de ce dernier en dit long sur la différence de culture qui existe entre les poids lourds de la randonnée et Chemins du Sud. « Ce qui compte avant tout chez eux, c’est la marge, la marge, la marge. Le but, c’est de faire du business. Moi aussi, j’étais archi corporate et j’ai beaucoup écrasé les prestataires. Mais j’ai quitté ce milieu car j’ai commencé à être en désaccord avec ça », reconnait avec honnêteté Romain Marion.

Esprit familial

Pour mieux comprendre l’état d’esprit qui semble régner chez Chemins du Sud, il faut écouter Laura Verre. « On n’a pas cette pression hiérarchique sur le dos, la nécessité de devoir faire du chiffre. On s’entend tous très bien, c’est important de garder ce côté familial », apprécie la conseillère en voyages et chargée de communication.

Randonnée dans les Pouilles, en Italie, à Alberobello. Crédit Chemins du Sud.

Année record en 2022 

« On n’a aucun objectif quantitatif », résume Romain Marion. Ce qui n’a pas empêché Chemins du Sud de faire « une année record en 2022 et d’avoir déjà dépassé ce seuil pour 2023. L’idée de réussite collective est plus importante que la compétition entre salariés ». Pour Armelle Dubois, le succès s’explique parce que « les gens, clients et fournisseurs, sentent que l’on aime ce qu’on fait. Avec les prestataires, nous ne sommes pas dans la négociation d’achat. Certains hébergeurs en Italie travaillent avec nous depuis 20 à 30 ans ».

Web marketing

Etre en SCOP, où chaque associé possède une voix, ne signifie pas pour autant se désintéresser de la stratégie ! Ni de se poser des questions. Parmi les projets du moment, Chemins du Sud va déployer une action de web marketing « pour renouveler la clientèle et attirer à nous les prochains sexagénaires », indique Romain Marion. Le bouche à oreille reste un « canal de distribution » important mais a ses limites dans le monde hyperconnecté d’aujourd’hui.

Les Chemins du Sud, ce sont le sud de la France et l’Italie mais aussi la Grèce, le Portugal et l’Espagne. Crédit Philippe Bourget.

Trouver de nouveaux revenus

Les limites de la SCOP – ou du moins ses contraintes – ont aussi été bien cernées. La première est économique. « Comment mettre un peu de sel capitalistique dans l’entreprise tout en gardant l’esprit ? Dans le contexte d’inflation du moment, où les charges s’accroissent et où l’on aimerait augmenter les salaires, il faut trouver de nouveaux revenus. Cela passe par une augmentation des marges mais sans devoir mettre les prestataires sous pression. Deux logiques se télescopent », reconnait Romain Marion.

Se sentir isolé…

Autre handicap : l’indépendance. « C’est bien de l’être mais nous sommes dans un univers concurrentiel et nous n’appartenons à aucun réseau. Si l’on veut ouvrir de nouvelles destinations, nous avons besoin de moyens. Nous n’avons aucune aide et on peut se sentir isolé stratégiquement », poursuit le directeur.

Un groupe de randonneurs en Sardaigne… Crédit Chemins du Sud.

Interrogations d’une SCOP

La question de l’équilibre entre associés et salariés, jeunes et anciens, se pose aussi. « Est-ce que tout le monde doit devenir associé ? Est-ce qu’on doit écouter sinon ceux qui ne sont pas associés ? ». Voilà les interrogations d’une SCOP qui doit également composer avec l’organisation particulière de ses équipes : des salariés travaillant au siège et des guides disséminés un peu partout en France et en Italie. « Il existe un monde bureau et un monde terrain. La synergie entre les deux peut s’améliorer », admettent de concert Armelle Dubois et Laura Verre.

Val d’Aoste et Cilento, les nouveautés 

Cela n’empêche pas Chemins du Sud d’avancer. Toujours fidèle à ses produits de randonnée atypiques et immersifs dans des territoires rares, le voyagiste s’apprête à lancer des séjours dans le Val d’Aoste et, en 2024, dans le Cilento, un massif montagneux au sud de Naples. La coopération et la participation toujours chevillées au corps.