L'économie sociale et solidaire au coeur

Jean Gatel, l’auteur de la formule,  fut –de 1982 à 1984- le tout 1er secrétaire d’Etat à l’économie sociale. Adepte de toujours du mouvement coopératif, il vit à l’Isle-sur-la-Sorgue (84). Auteur de deux ouvrages sur l’espoir porté par ce modèle, il a répondu aux questions de Bleu Tomate.

« A l’époque il y avait tout à faire, se souvient-il. Les acteurs de l’économie sociale réclamaient depuis longtemps une reconnaissance institutionnelle. Ma mission était de leur donner les moyens du développement à la fin du 20e siècle ». Et preuve que le secteur s’ancre d’abord dans les territoires, l’intitulé exact du poste était « secrétariat d’Etat à l’économie sociale et au développement local ».

Des entreprises locales

« Pour le président de l’époque, François Mitterrand, explique l’ancien secrétaire d’Etat, l’économie sociale a tout à voir avec le développement local. Une SCOP naît d’un besoin du territoire et elle doit garder cet ancrage ».

En deux ans sont lancés les contrats d’objectif avec les grandes fédérations, dont les SCOP qui bénéficient ainsi de moyens pour aider les coopératives sur le terrain. Les Unions de l’économie sociale sont créées, les ancêtres des SCIC d’aujourd’hui.

Aujourd’hui le mouvement se porte bien, le nombre d’entreprises ne cesse de croître. Avec 2.8 millions de salariés en France, l’ESS (l’Economie sociale et solidaire qui englobe aussi mutuelles et associations) représente 15% des emplois. Les 4500 SCOP et SCIC en totalisent 200 000. Elles sont présentes dans tous les secteurs d’activité, avec une incroyable diversité.

Le respect de tout le vivant

Pour celui qui donne des conférences un peu partout en France et à l’étranger, la valeur première des coopératives, c’est d’entreprendre autrement. « Leur logique n’est pas celle du profit mais de l’intérêt collectif, affirme-t-il. Et cela change tout. La recherche du profit passe par la destruction des ressources naturelles et de l’humain. Celle du bien commun introduit une gestion raisonnable de ces biens ».

conférence sur l'économie sociale et solidaire

Jean Gatel donne des conférences sur l’Economie sociale et solidaire ©J.G

Le secteur coopératif doit-il –peut-il- alors remplacer le système capitaliste dominant ? Pas si simple ! D’abord parce que celui-ci n’a pas l’intention de céder la place. « Dans les chambres de métiers ou de commerce, les jeunes entrepreneurs n’entendent pas vraiment parler du modèle coopératif ». Pas plus que dans les instances politiques ou dans les media.

Grignoter le système

Ensuite, les secteurs qui nécessitent de très forts investissements et donc des entreprises de très grande taille se prêtent mal au modèle démocratique. « Au-delà d’un millier de salariés, comment faire vivre vraiment la démocratie ? Et puis les SCOP, même si elles  se constituent des fonds propres, ont du mal à s’adapter rapidement et à investir massivement en cas de nécessité ». Et l’ancien ministre de citer le joyau fondé par Jean Jaurès, la Verrerie Ouvrière d’Albi, victime de la puissance de St Gobain dans les années 80.

Malgré tout, la force du secteur coopératif n’est pas négligeable, loin de là. Portées par les questions de plus en plus vives de l’environnement et du climat, mais aussi par la recherche de sens dans le travail des jeunes générations, elles grignotent… Beaucoup d’ailleurs s’investissent concrètement là où elles se trouvent, dans le recyclage, le traitement de l’eau, etc…

Jean Gatel milite pour l'économie sociale et solidaire

Jean Gatel est installé depuis 50 ans dans le Vaucluse ©J.G

Des marges de manœuvre

« Et si un pouvoir politique favorable donnait des moyens supplémentaires au monde coopératif, il se développerait très vite. Pourquoi ne pas sanctuariser certains secteurs comme la santé, l’aide aux personnes, et décider qu’ils ne sont pas lucratifs ? Dans le département des Landes, depuis bien longtemps, l’accueil des personnes âgées est sous l’autorité des collectivités ou des associations. Aucune opération privée (type Korian ou Orpéa) n’y est autorisée ».

Pour les secteurs importants, poursuit Jean Gatel, pourquoi ne pas re-nationaliser ?  Ainsi le domaine de l’Economie sociale et solidaire -avec les coopératives- apparait-il comme l’une des réponses aux crises actuelles.

Prise de conscience mondiale

La route est encore longue, mais l’ancien ministre veut trouver dans les institutions mondiales des raisons d’espérer. « L’ONU, soutenue par l’Organisation Internationale du Travail (OIT)  a pris des résolutions affirmant la nécessité de « promouvoir l’ESS pour un développement durable ». L’Union Européenne progresse elle-aussi, même si c’est trop lentement, pour inciter les états membres à investir dans l’ESS. Elle-même y consacre des crédits ».

Les changements systémiques sont nécessaires conclut l’ancien député du Vaucluse, et le monde coopératif au service de la justice sociale et de la durabilité en porte sa part.

Jean Gatel, bio express

Professeur d’économie, Jean Gatel s’engage au Parti socialiste dans les années 70. Elu à la mairie d’Orange, puis député, il devient secrétaire d’Etat à la Défense et plus tard à l’Economie sociale et au développement local. S’il prend ses distances avec le Parti socialiste, il s’engage de plus en plus au service de l’Economie sociale et solidaire et du climat. Responsable pendant plusieurs années du Master d’ESS au Maroc, il est aujourd’hui régulièrement sollicité pour des conférences.couverture L'économie sociale et solidaire

Ses deux derniers ouvrages :

L’Economie sociale et solidaire, un nouveau modèle de développement pour retrouver l’espoir éditions Libre & Solidaire 2020

Couverture Demain il sera trop tardDemain il sera trop tard ! Comment sortir de la crise systémique du capitalisme
Editions Libre & Solidaire 2022