Près du Grand Rhône, ce site agricole et d’enseignement parie sur l’agroécologie pratique et transmissive. Porté par Jean-Paul Capitani, dirigeant de la maison d’édition Actes Sud, le domaine cultive, nourrit et éduque des enfants jusqu’aux adultes. Un écosystème expérimental unique en Provence.

En Région Sud PACA, c’est probablement l’initiative la plus en phase avec l’idée de la transition agricole. A quelques kilomètres au sud-est d’Arles, entre Crau sèche et Camargue, La Volpelière-Domaine du Possible agrège sur 136 ha toutes les composantes nécessaires au réapprentissage du vivant : une exploitation en agroécologie, une école maternelle, primaire et collège et une université-centre de formation.

Sur deux étages, l’Ecole et l’Université du Possible sont aménagées dans l’ancienne ferme du domaine. Crédit Philippe Bourget

Ferme bio depuis 1972

Cet OVNI a pris corps sur les terres familiales de Jean-Paul Capitani. Mari de l’ancienne ministre de la Culture Françoise Nyssen, longtemps aux commandes des Editions Actes Sud (c’est lui désormais qui pilote cette « maison » arlésienne), Jean-Paul Capitani, ingénieur agronome de formation, est producteur de vin bio et éleveur de moutons en Camargue depuis 1972.

Visite de Pierre Rahbi…

Pendant toutes ces années, le domaine a vécu sa vie « normale » d’exploitation bio pionnière.

Aurélien Mazeau (à g.) et Antoine Milliard, les deux maraîchers du domaine, à l’entrée d’une serre où poussent des aubergines. Crédit Philippe Bourget

Jusqu’à ce que « Pierre Rabhi le visite et convainque Jean-Paul Capitani de le redéployer en intégrant les principes de l’agroécologie et de la permaculture », éclaire Emilie Rousselou, directrice de l’Université du Domaine du Possible.

16 ha en agroforesterie

Nous sommes en 2013, le projet démarre. Depuis, beaucoup a été fait : plus de 6 000 m² de surfaces maraîchées cultivées en bio plein champ et sous serres mobiles ; une plantation de 26 ha d’amandiers et d’oliviers ; 25 ha de grandes cultures (blé ancien, sainfoin, luzerne…), dont 16 en agroforesterie ; 1 ha de riziculture ; des pâturages pour l’élevage de brebis et de chevaux ; un centre équestre ; des ruches… « Et depuis peu, un élevage de poules pondeuses et de chair », ajoute la directrice.

Ecole du Possible, de la maternelle à la 3ème

En 2015, le volet « agricole » se double – c’est l’originalité – d’une Ecole du Possible. L’établissement scolaire, conventionné depuis 2020 par les ministères de l’Education nationale et de l’Agriculture, accueille une soixantaine d’élèves, de la maternelle à la 3ème.

Devant l’ancien corps de ferme, la cour de récréation ombragée où s’égayent 68 enfants depuis la rentrée 2020/2021. Crédit Philippe Bourget

Depuis 2018 s’est également ajoutée l’Université du Possible, une faculté d’un genre nouveau : elle propose aux professionnels du monde agricole et au grand public un panel de formations en agroécologie (apiculture biodynamique, permaculture, traction animale…).

Pédagogie par l’action

« La différence ici, c’est l’expérimentation. Nous avons une mosaïque d’écosystèmes qui nous permet d’effectuer beaucoup de travaux pratiques », se félicite Christiane Jakob, enseignante SVT au collège – elle dit « prof de Terre Vivante ». Le public scolaire est varié : il va d’enfants d’agriculteurs voisins à ceux d’une famille de Brooklyn, installée dans la région. Tous profitent « d’une pédagogie de l’apprentissage par l’action », résume Emilie Rousselou. Tous, aussi, mangent à la cantine des produits 100% bios, issus en partie de la ferme.

Gilles Benson, le chef cuisinier, fait fructifier le réseau de fournisseurs bios avec lequel il travaillait déjà à La Chassagnette. Crédit Philippe Bourget

Entre 75 et 100 repas bios par jour

Nous rencontrons ainsi Gilles Benson, le chef cuisinier. Ex de La Chassagnette, table éco-chic de Camargue, il a pour mission de travailler les produits maraîchers du jardin, de choisir les fournisseurs en circuits courts et d’accroître l’autonomie alimentaire du Domaine. « Un vrai challenge. Mais je suis camarguais, ce défi me plait », dit-il. Il a du pain sur la planche : ouvrir un atelier de production fromagère et de yaourts d’ici trois mois ; penser déjà à la création d’une boulangerie dans un ou deux ans… tout en préparant « entre 75 et 100 repas par jour ». La satisfaction ? « Beaucoup d’élèves viennent me remercier pour la qualité des menus. Je les conçois chaque jour en fonction des récoltes. 95% des légumes proviennent du domaine ».

Crau sèche et Camargue

Nous longeons l’arrière de l’école pour rejoindre le jardin maraîcher. Impression d’être entre deux mondes. D’une côté les galets roulés typiques de la Crau sèche, de l’autre les parcelles à végétation halophile de la Camargue. Un univers uniformément plat mais varié. « Nourrir l‘école, je trouve ça super. S’il pouvait y avoir un maraicher dans chaque école, maison de retraite ou hôpital, ce serait extra », juge Aurélien Mazeau, un des deux « jardiniers ».

Les aubergines bien mûres, le fruit du travail des maraîchers, ici Antoine Milliard. Crédit Philippe Bourget

Nouveaux principes agraires

Certes, la terre à galets est un peu revêche « mais on tente tout, même si les pommes de terre et les carottes ne sont pas toujours très rondes ! », sourit son alter ego Antoine Milliard. Tous les deux en reconversion, ils ont trouvé au Domaine du Possible « une formidable expérience pour se former » avant, un jour peut-être, de s’installer à leur compte. Préparés peut-être, comme les élèves et étudiants, à mettre en œuvre demain de nouveaux principes agraires.

L’entrée de l’école, à droite, et les box du centre équestre. 12 chevaux et 6 poneys assurent « l’atelier cheval » au sein de l’école et des cours tous publics le mercredi. Crédit Philippe Bourget

Ecole et Université du Possible

Route de la Volpelière – Mas Thibert

13104 Arles

06 60 44 51 99 (école) / 07 68 13 22 36 (université)

ecole-domaine-du-possible.fr

universite-domaine-du-possible.fr

La ferme de la Volpelière propose la vente directe au public les mardis et vendredis. Paniers à constituer sur cagette.net (taper Arles). Retrait à la ferme ou à la librairie Actes Sud, à Arles. Produits également présents à la Biocoop Camargue, à Arles.