Directrice générale de Provence Tourisme* et animatrice de la commission « tourisme responsable » d’ADN Tourisme**

Quelle définition donnez-vous de l’écotourisme et quelle stratégie est déployée en ce sens dans les Bouches-du-Rhône ?

Isabelle Brémond (I.B.) : « A Provence Tourisme, nous mettons plutôt en avant la notion de « Tourisme responsable ». Car elle place tous les acteurs du territoire engagés dans cette démarche devant leurs… responsabilités. Notre mission est d’agir le plus concrètement possible là où nous pouvons agir. Nous en parlions déjà en 1989 mais toutes nos actions sont désormais conditionnées au « tourisme responsable », autour de trois orientations définies dans notre schéma de développement du tourisme et des loisirs 2022-2025 ».

Quelles sont ces orientations ?

I.B. : « La première est de réguler les flux. Il faut étaler la fréquentation pour éviter les phénomènes de concentration. Nous mettons ainsi en place une communication ciblée. Elle passe par notre site web mais aussi, par exemple, à travers l’accueil spécifique de journalistes sur d’autres territoires, ou à d’autres saisons. Quand j’entends le ministre du tourisme dire que la France veut atteindre 100 millions de touristes par an, est-ce vraiment ce que l’on recherche ?

La vallée de la Durance, espace de respiration et de biodiversité au nord des Bouches-du-Rhône. Crédit Philippe Bourget (Photo de Une : Isabelle Brémond. Crédit Olivier Monge).

La seconde est « l’expérience Provence ». Il faut répondre aux attentes de touristes de plus en plus attentifs à la gestion des déchets, à la traçabilité des produits. Nous devons créer aussi une émotion, faire en sorte qu’il se passe quelque chose avec les habitants, une relation sensorielle qui restera dans la mémoire du visiteur. Nous lançons des formations en ce sens auprès des acteurs professionnels du territoire.

La troisième, enfin, est de cultiver une attractivité à « haute valeur responsable », en mettant en avant des offres plus qualifiées et orientées sur les quatre saisons ».

Qu’est-ce que la crise du Covid-19 a modifié dans l’approche du tourisme par les visiteurs ?

I.B. : « Cette crise sanitaire, comme les crises climatiques ou maintenant la guerre en Ukraine, démontrent la vulnérabilité de nos existences. Il existait déjà auparavant des tendances de consommation autour du bio, du « durable ». Mais ces évènements ont renforcé cette prise de conscience, avec la recherche de circuits courts, l’attention portée au maintien de la biodiversité,  les questions de surfréquentation  de sites… ».

Découvrir une ferme caprine et l’élaboration de la brousse du Rove, fromage 100% bucco-rhodanien, est un des multiples exemples d’expérience de tourisme durable dans le département. Crédit Philippe Bourget

Le Comité Régional du Tourisme Région Sud fait beaucoup le parallèle entre écotourisme et espaces naturels, notamment à travers les Parcs nationaux et régionaux. Votre approche semble différente…

I.B. : « Chacun a un peu son rôle à jouer. Dans le département, nous avons la culture, la gastronomie… mais aussi les loisirs de pleine nature, bien sûr. Mais nous n’avons pas exactement le même message ».

De façon générale, quels sont les atouts des Bouches-du-Rhône pour promouvoir efficacement le « tourisme responsable » ?

I.B. : « Incontestablement, il y a le fait que 50% du département soit constitué d’espaces naturels préservés. Nous sommes aussi riches en culture, je l’ai dit, et nous pouvons nous appuyer sur trois destinations distinctes : la mer, la Camargue, la Provence. Ce qui est particulier aussi, à la différence du Var, c’est que nous n’avons pas de grands resorts touristiques ou d’immenses campings. Notre bord de mer est protégé ».

La Camargue et ses grands espaces protégés, une destination de « tourisme naturaliste » au coeur de la région. Crédit Philippe Bourget

A l’inverse, parlons des freins…

I.B. : « Se déplacer sur le territoire en transport en commun n’est pas simple. Nous manquons de mobilités douces, nos quelques pistes cyclables ne sont pas assez entretenues. La pollution de l’air et la gestion des déchets sont aussi des problèmes. Et c’est compliqué aujourd’hui d’être handicapé quand on vient sur notre territoire… ».

A l’échelle nationale, vous pilotez la commission « tourisme responsable » d’ADN Tourisme. A quoi sert-elle ?

I.B. : « Quand nous avons lancé les travaux l’an dernier, la question qui s’est posée à nous était « que peut-on faire pour aider les acteurs du réseau avec des actions concrètes ? ». Nous avons écouté des experts, des personnalités… ADN a défini aussi 10 engagements, comme « Sensibiliser et former les décideurs et les techniciens », « Promouvoir la filière gastronomie locale et les circuits courts », « Elargir la notion d’accueil touristique à celle d’hospitalité ». A ce propos, les offices de tourisme pourraient devenir des lieux de réflexion sur le tourisme, en conviant les habitants à coconstruire l’accueil et l’offre. Le travail est infini ».

Les calanques, esapce naturel préservé propice aux activités douces… Crédit Philippe Bourget

Il y a aussi ce challenge des « Territoires insoupçonnés »…

I.B. : « Il a été imaginé par un voyagiste écoresponsable, Ahimsa Voyages. Il a pour but de valoriser des offres touristiques qui favorisent la régulation des flux, les mobilités douces et l’éco-responsabilité. Dans le département, les quatre offices de tourisme regroupés de Salon-de-Provence, Miramas, Istres et Martigues ont été lauréats dans la catégorie séjours de « moyenne durée ».

Quel constat faites-vous des actions menées sur le thème de l’écotourisme par d’autres territoires membres d’ADN Tourisme ?

I.B. : « Pour moi, la région Bretagne est très en avance, tout comme l’Occitanie. Elles ont engagé beaucoup d’actions avec des partenaires. Les villes de Bordeaux et de Lyon sont aussi très pointues sur le sujet ».

*Provence Tourisme : organisme de promotion touristique des Bouches-du-Rhône, mission confiée par le Conseil départemental.

**ADN Tourisme : Fédération nationale des organismes institutionnels du tourisme (offices de tourisme, comités départementaux et régionaux du tourisme). Environ 1 200 structures.