
Même si le département des Bouches-du-Rhône est sur le podium pour de nombreuses productions agricoles, il ne faut pas oublier sa vocation maritime. Nous avons voulu en savoir plus sur la pêche, filière méconnue…
Une filière traditionnelle en danger
Cette filière, pourtant emblématique de l’économie locale, subit une sévère concurrence et des contraintes économiques très fortes. Dans les Bouches-du-Rhône, avec environ 400 pêcheurs, conchyliculteurs et une ferme aquacole, la pêche, essentiellement artisanale, est un secteur fragile. Elle est sous la pression constante des importations et d’un risque de diminution des ressources disponibles. Elle est cependant le fruit de traditions bien ancrées, et elle favorise une alimentation locale tout en développant notre souveraineté alimentaire.
En Région Sud, l’évolution de la filière ces dernières années se traduit par une forte diminution de l’activité : moins de navires, avec une perte globale de 45% de la flotte en 20 ans, disparition des mareyeurs (vendeurs de poissons de mer) : 3 en 2011 contre 22 en 1976 sur le site stratégique de Saumaty, et enfin des structures de commercialisation à terre : il n’y plus de criée en région depuis 2010.
Une question de taille…
À écouter Gérard Carrodano, homme aux multiples casquettes et ardent défenseur du pêcheur artisan, son métier a donc bien besoin d’être défendu. Il doit faire face notamment « aux armes de destruction massives que sont les chalutiers géants. Bien que la ressource soit un bien commun, inscrite dans la loi, l’égalité des conditions n’existe pas ! Rendez-vous compte : la règle des quotas établit une quantité de 6 500 tonnes de thon à pêcher pour la France. En une semaine, les 12 à 15 bateaux de pêche au large ont à eux seuls rapporté 6000 tonnes… »
Sa colère est palpable. Même s’il reconnaît, pour travailler avec des scientifiques dans le cadre de son activité de pêche de poissons vivants (voir information complète), que la Méditerranée va mieux, la vigilance reste de mise. « L’IFREMER confirme en 2022 le bon état des ressources halieutiques. Effectivement, le milieu marin a une incroyable capacité à se régénérer, encore faut-il lui en laisser le temps. Avec plus de 7 000 plongées à mon actif, je vois bien l’évolution des fonds et l’état des espèces.»


Les pêcheurs aux premières loges des atteintes au milieu marin
Pour lui, il s’agit de faire évoluer la réglementation, les mesures actuelles sont inadaptées à la survie de son activité. Pas question pour les pêcheurs de piocher indûment dans les réserves qui se reconstituent, ni d’abîmer les herbiers de posidonie indispensables à la biodiversité marine et à la capture de CO². Ou encore d’utiliser des méthodes qui contribuent sans états d’âme à la destruction des fonds marins. Mais c’est ce à quoi les pêcheurs assistent notamment sur la façade atlantique. Les pratiques des grands chalutiers, les nuisances causées par les bateaux de plaisance présentent pour eux un vrai danger pour le milieu. Sans oublier les autorisations de pêche données dans les zones protégées alors qu’elles sont… protégées ! L’incompréhension est totale.
Des engagements publics qui peinent à se réaliser
Pourtant l’état s’est engagé à préserver et à augmenter les surfaces d’aires marines protégées. Dans son nouveau plan Stratégie Nationale Mer et Littoral, les mesures annoncées visent à renforcer le cadre d’action des aires marines protégées (AMP) qui devraient en 2033 représenter plus de 32% de l’espace maritime français et des zones de protection forte qui représenteraient 10% (façades maritimes et bassin ultramarin). Là encore, les pêcheurs demandent à voir…


De même est programmée la mise en place d’une gestion des pêches juste, adaptée et équilibrée, tout en accompagnant la réduction de l’impact des engins de pêche, notamment les arts traînants de fond, lorsque ceux-ci entraînent des pressions sur le milieu marin (source : site de Secrétariat d’Etat à la Mer). C’est bien ce que revendiquent les pêcheurs : plus d’équité.
Des intérêts communs pour préserver ensemble la biodiversité
En Région Sud, les pêcheurs se sont engagés pour la préservation de la biodiversité autre que marine. Avec la LPO PACA, ils agissent conjointement pour la prévention des captures accidentelles d’oiseaux marins en Méditerranée via le projet Life PanPuffinus! et Life Espèces Marines Mobiles avec l’OFB. Par ces initiatives, pêcheurs et organismes de protection de la nature collaborent afin de pallier le manque de connaissances sur ces captures et mieux protéger la biodiversité. Les solutions les plus adaptées pour réduire les captures accidentelles sont ainsi testées directement avec les pêcheurs locaux.


Faire entendre la voix des pêcheurs artisans
Sur le ton de la plaisanterie, Gérard Carrodano nous glisse le mot de la fin, malgré tout un peu grinçant : « Nous les pêcheurs, nous n’avons pas de tracteurs qui nous rendraient plus visibles par le grand public… »
Les conséquences de la pêche au chalut
Rien qu’en France, on estime que 670 000 km2 de fonds marins sont détruits chaque année du fait du passage des 800 chalutiers français. Et le passage d’un seul d’entre eux tuerait entre 20 et 50 % des invertébrés présents sur la zone.
En labourant les fonds marins, les chalutiers laissent dans leur sillon des nuages de sédiments en suspension. Ce phénomène est même observable depuis l’espace (voir l’extrait du documentaire « l’Appel de l’Océan »). Ces images rappellent aussi l’impact carbone de cette technique de pêche, car en retournant les fonds marins, de grandes quantités de CO² sont libérées, contribuant au dérèglement climatique.
À Nice, du 9 au 13 juin, la troisième Conférence des Nations unies sur l’Océan, un événement international s’il en est ! Il est organisé par les Nations unies et vise à renforcer la protection et la gestion durable de l’océan. Cette conférence mobilise les États, les organisations internationales, la société civile et le secteur privé afin de prendre des mesures concrètes en faveur de la préservation des océans. Ces mesures incluent des engagements volontaires et financiers, formalisés à travers la création d’un Plan d’action de Nice pour l’Océan.