Directeur d’ID-Tourism, cabinet d’ingénierie et de prospective du tourisme, Guillaume Cromer est un spécialiste de la transition. Après être intervenu fin novembre au « Forum de l’Ecotourisme en Région Sud », à Lourmarin, il livre ici quelques réflexions sur le territoire et les enjeux touristiques du futur. 

Bleu Tomate (BT) : Vous êtes consultant pour de nombreuses régions. Quels sont les atouts particuliers de Provence Alpes Côte d’Azur en matière de tourisme durable ?

Guillaume Cromer (G.C.) : C’est une grande région avec de nombreux espaces protégés, grâce à plusieurs Parcs nationaux et Parcs naturels régionaux. La variété des paysages et des activités, marines ou terrestres, génère une forte attractivité naturelle. Je pense par exemple à ces territoires préservés que sont une partie du Luberon, le nord du Mercantour ou même l’ensemble des départements des Hautes-Alpes et des Alpes-de-Haute-Provence, de vraies pépites. Tout cela se traduit par des rencontres humaines riches. Lorsque l’on s’adresse à des touristes qui s’intéressent à ces thématiques, la région fait mouche. Et sa capacité à devenir une vraie référence de l’écotourisme en France est réelle, même si ce n’est pas encore le cas.

La ruralité encore préservée, une réalité en région Sud, comme ici à Puy-Saint-André, dans les Hautes-Alpes. Crédit Pierre Leroy-Commune de Puy-Saint-André (Photo de Une : Guillaume Cromer, un expert aux positions engagées. Crédit ID-Tourism).

BT : L’offre écotouristique et le travail de fond sont-ils assez importants ?

G.C. : Comme partout, la région doit mieux valoriser les prestataires engagés dans cette voie. Et faire évoluer ceux qui sont dans une démarche de pur business. J’entends encore certains acteurs du territoire du Verdon dire que la politique du Parc naturel régional tue leur activité… Il faut penser à long terme et construire des projets de territoire, sans pervertir la qualité. Toutes les régions sont en phase de changement autour de ces questions. Mais nous sommes schizophrènes : comment gérer le temps court pour faire de la croissance et le temps long pour préserver légitimement les espaces et le patrimoine ?

L’écotourisme, une occasion unique d’aller à la rencontre des acteurs et des activités sur les territoires. Crédit Domaine de la Blaque-Var

BT : A quelle échelle doivent être portés les projets et leur commercialisation ?

G.C. : « Destination Parcs », la marque d’offres touristiques et d’hébergements portée par les Parcs naturels régionaux est une démarche intéressante pour concevoir des séjours et rencontrer les acteurs du changement*. Quant à la promotion et à la commercialisation, elles sont encore le plus souvent supportées par les CRT, CDT ou OT. Ces institutions doivent aller chercher des sociétés spécialisées dans ce domaine et s’appuyer sur des agences réceptives locales pour vendre, car c’est leur métier.

Il existe encore des rivières « sauvages » en basse Provence, telle l’Arc, à Coudoux. Crédit Philippe Bourget

BT : Au regard des exigences écologiques, les trains régionaux pourraient sans doute être d’excellents outils d’offre touristique durable…

G.C. : C’est absolument central pour décarboner ! A l’horizon 2030, la France doit diminuer de 40% ses émissions de gaz à effet de serre [accord de Paris sur le climat adopté en 2015, ndlr]. Le tourisme représente 11% de ces émissions et 77% d’entre elles proviennent de la mobilité. La région Occitanie prend pas mal la parole sur ce sujet, avec notamment son offre de TER à 1 €. Mon cabinet travaille aussi, par exemple, sur la valorisation touristique de la ligne Grenoble-Gap. L’idée est qu’elle devienne un produit mixte, ligne de travail mais aussi de loisirs. Toute une réflexion est en train de naître autour de ces idées.

Le train régional est une excellente manière de découvrir le coeur des territoires. Ici le viaduc ferroviaire sur la ligne Marseille-Martigues par la côte Bleue. Crédit Philippe Bourget

BT : Qu’auriez-vous envie de dire aux stations des Alpes du Sud face au réchauffement climatique ?

G.C : Qu’il faut repenser les modèles et sortir du seul réflexe hivernal. Aujourd’hui, les stations sont engagées dans une fuite en avant pour compenser le déficit d’enneigement par de la neige de culture. Il faut parler sereinement de l’avenir des territoires de montagne. Réduire la fréquentation sans entrainer de casse sociale. Revoir la part de l’économie touristique par rapport aux autres secteurs, dont l’agriculture. Privilégier l’allongement des séjours d’une clientèle de proximité plutôt que les courts-séjours de touristes européens utilisant l’avion – sinon à quoi bon concevoir des offres écotouristiques ? Attirer de nouveaux habitants en télétravail… Voilà les réflexions à mener.

Les lacs de montagne, des buts de randonnées pour tous les fans d’écotourisme montagnard, comme à La Grave (05). Crédit Philippe Bourget.                                                                                                                   BT : Plus globalement, la région et la France peuvent-elles s’inspirer de modèles écotouristiques développés ailleurs ?

Des pays ont en effet des modèles intéressants. L’Islande a innové en 2017 en publiant son « serment islandais », code de bonne conduite à l’usage de touristes responsables. De façon générale, le « droit à la nature » en vigueur dans les pays scandinaves va dans le sens d’un tourisme plus respectueux. D’autres pays ont des visions de l’écotourisme plus capitalistes, comme le Costa Rica et le Canada. Le France peut trouver une voie médiane et un équilibre entre ces modèles opposés. 

*Au 14 décembre 2021, après consultation du site Internet destination-parcs.fr, seul le Queyras disposait d’une offre, « A la rencontre des artisans du bois » (séjour de 4 jours). 

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