Au cœur des Alpes de Haute-Provence, Patrick Labranche produit depuis plus de 30 ans des pizzas biologiques et végétariennes vendues dans toute la France. Une affaire qui roule grâce aux valeurs de l’artisanat !

En ce lundi matin, les collines sont encore gelées autour de Revest-des-Brousses. Entre Banon et Forcalquier, le village en pierres de 270 habitants ne laisse rien penser de l’activité de cette petite entreprise. On raterait presque leurs locaux, dont l’enseigne discrète évoque la simplicité. Il n’est que 8h, mais l’équipe est en plein chantier. Certains sont là depuis 4 heures déjà. Un rythme de boulangerie, d’ailleurs ancienne activité du lieu.

« Je suis arrivé ici en juillet 1982 de Saône-et-Loire pour travailler dans cette boulangerie artisanale et bio, qui s’appelait alors la Borsa, raconte Patrick Labranche, fondateur de la Borie. Nous étions 15 et nous cuisions tout au feu de bois. Lorsque le propriétaire a vendu, j’ai repris l’activité et me suis spécialisé dans les pizzas. Tout a commencé comme ça ! »

Patrick Labranche a gardé l’ancien four de la boulangerie

 

Un pari avant-gardiste

Si cette entreprise avait été créée dans les 10 dernières années, le concept nous aurait paru dans l’air du temps. Mais La Borie est née il y a plus de 30 ans. A l’époque où la bio et le régime végétarien n’étaient pas en vogue comme aujourd’hui. « J’avais conscience de l’importance de manger bio ; bien se nourrir devait être à la portée de tout le monde ». Alors il a imaginé des pizzas artisanales, bios, vendues sous vide à travers la France.

Les pizzas à la brousse sont prêtes à être enfournées

 

Le chemin n’était toutefois pas si facile : l’isolement, les coûts de transports, ont été des freins pour cette activité rurale et artisanale. Mais l’artisan boulanger a su tirer son épingle du jeu. La Borie s’est finalement imposée comme l’un des quatre fabricants français de pizzas 100 % bio. « Comment j’ai fait ? J’ai pris mon bâton de bois et je suis allé toquer à la porte des distributeurs bios français. ».  Le pèlerinage a payé, puisque 32 ans plus tard, il est toujours là et la demande augmente. « Déjà avec la vache folle, il y a eu un regain d’intérêt pour le végétarien et le bio, et notre activité n’a cessé de croître. Nous avons fortement augmenté nos ventes durant les confinements, mais depuis, la demande stagne. Je pense que les gens aiment faire leurs courses en direct, dans des magasins de producteurs, et moins dans les chaînes bios ».

Cela ne l’inquiète pas plus que ça. Des obstacles, il en a surmonté en nombre.

Le nom la Borie (petite construction provençale en pierres sèches) rappelle les origines de l’entreprise

La passion des bons produits

Depuis toujours Patrick Labranche a à cœur la qualité de ses produits. La réputation de la Borie tient à sa pâte « fine et croustillante ». Pour cet ingrédient phare, il travaille avec la farine Borsa (Loire 42), un mélange de blés anciens, plus digeste. La pâte est préparée la veille : « Nous la laissons monter au moins 8h, c’est là le secret de nos pizzas. En modèle industriel, ils ne laissent pas assez de temps à la pâte. »

Pour la garniture, difficile de trouver les quantités nécessaires chez des producteurs locaux. Ils achètent donc leurs produits bios en France. La Brousse vient du sud-ouest et le coulis de tomate de l’Hérault par exemple. « A l’époque je me fournissais en herbes de Provence chez un cueilleur local. Il a arrêté son activité depuis, et de toute façon, je pense qu’avec la législation d’aujourd’hui, je n’aurais plus le droit ».

La Borie propose 8 recettes de pizzas et une pâte à garnir soi-même. Les classiques reviennent, quelques originales restent, comme la pizza à la brousse ou à la raclette. Ils proposeront bientôt une pizza chèvre miel et une végétalienne. « Nous élaborons une recette tofu basilic en partenariat avec une entreprise locale : Tossolia à Revest-du-Bion. » La Borie a aussi une gamme de viennoiseries végan et de friands végétariens congelés.

Nouvel emballage pour la pizza au tofu

Une entreprise artisanale

La Borie, c’est une petite entreprise familiale dans laquelle travaillent 9 salariés. Quatre sont membres de la famille Labranche : le père, la fille et les deux fils.

Patrick Labranche au second plan, entouré de sa fille et son fils. Deux employées, devant, en charge du dressage.

 

« Ici presque tout est fait à la main » annonce fièrement Patrick Labranche. Dans l’atelier, ses fils pétrissent la pâte, deux salariées dressent les pizzas et les enfournent, deux autres les enfilent dans les emballages. 80 pizzas peuvent être cuites ensemble dans le four. 5 à 6000 grandes pizzas en sortent chaque semaine, 1 à 2000 petites.

Pour faire face à la concurrence, principalement industrielle, Patrick Labranche mise tout sur la qualité. Il ne cherche pas le profit ni l’augmentation de ses rendements, mais souhaite que cette activité continue à vivre à échelle humaine.

Depuis deux mois, la fabrique est reprise par ses enfants. Ils pensent à déménager le local pour réorganiser leur lieu de travail et s’approcher de la départementale à quelques kilomètres, pour faciliter le transport. Quant à la grande distribution, Patrick Labranche refuse catégoriquement les gros supermarchés. Pour l’instant, il ne vend qu’à travers des distributeurs en magasins spécialisés bios. « Si nous nous rapprochons de la grande distribution, ce sera les petits, les magasins de proximité seulement ».

Concernant le devenir de son activité, Patrick Labranche sait que sa fille et ses deux fils sont là pour en assurer la pérennité dans le respect de ses valeurs. Et puis, il est encore là pour mettre la main à la pâte.

Un mot pour la fin ?

« Si à l’époque on m’avait emmené devant cette boulangerie et on m’avait dit ce qu’elle allait devenir, je ne l’aurais jamais cru ».

Le métier de boulanger vous manque-t-il ?

« Non. Enfin… faire le pain, parfois ».

 

Crédits photos : Marion Gabrié