Chantier d'insertion Le village APTE

A Mérindol (84), Sébastien Dutherage, de l’Association pour la Promotion des Techniques Ecologiques (APTE), forme et conseille des particuliers qui souhaitent réaliser un chantier en écoconstruction. Objectif ? Rendre accessible à tous une forme d’autonomie individuelle et territoriale en construction et énergie.

Sébastien est aujourd’hui en visite à Robion, à l’est de Cavaillon (84), sur un chantier dont il assure le suivi. Dans l’enceinte de cette propriété privée, 6 personnes s’activent dans le jardin devenu chantier. Les uns préparent un béton de chaux et de terre * pendant que les autres travaillent sur le toit en bois. Paille, sable, terre, forment des amas autour de la construction déjà bien avancée de ce futur studio de musique.

« Ça fait longtemps que je veux faire une salle de répétition en éco construction, explique le propriétaire. Je râle de voir ce quartier bétonné. Pour l’instant nous répétons dans mon garage, mais il a déjà été inondé 4 fois. Alors j’ai demandé à l’association Le Village de construire ce bâtiment. »

Le Village est une association d’insertion et d’accueil de personnes en situation précaire. Elle propose notamment une insertion professionnelle via des chantiers en écoconstruction. L’APTE est partenaire de certains ateliers et les accompagne dans la réalisation des plans et la construction elle-même.

APTE formation enduits

Sébastien Dutherage – Formation enduits au Village ©APTE

Ce chantier constitue une des facettes du travail de Sébastien. Depuis 20 ans, l’APTE s’active sur bien d’autres fronts pour remplir son objectif : l’écoconstruction mais aussi l’autonomie énergétique, la mobilité, l’eau, auprès des particuliers principalement, mais aussi des professionnels et des collectivités.

L’autonomie pour une écoconstruction économique

Tout le monde ne peut pas se payer une maison entière construite par des artisans en écoconstruction. Deux explications possibles à cela : les coûts sont trop élevés pour certain.e.s, ou parfois il n’existe pas d’artisans spécialisés en techniques écologiques à côté de chez soi.

« Les techniques écologiques utilisent des matériaux bruts qui demandent plus de main d’œuvre que dans la construction conventionnelle » explique Sébastien. Faire soi-même ou organiser un chantier d’insertion ou participatif permet ainsi de réduire le coût de l’écoconstruction.

Formation APTE

Formation ossature bois ©APTE

Et ce, sans pour autant faire concurrence aux professionnels. « L’auto construction amène des clients aux artisans. Ceux qui ne peuvent se payer une maison entière vont pouvoir en faire construire une partie et s’occuper de certains travaux eux-mêmes. Et puis l’auto construction est aussi un moyen de continuer à expérimenter ».

A ce titre, l’APTE organise des chantiers participatifs, que l’on retrouve par exemple sur le réseau Twiza (réseau d’entraide et de partage en écoconstruction), forme aux techniques écologiques dans le bâtiment et propose un accompagnement de chantier aux auto-constructeurs.

Se former pour préparer son projet

Depuis la crise du Covid-19, les formations de l’APTE sont disponibles uniquement sous forme de vidéos. « Il y a beaucoup de formations en ligne libre d’accès sur internet, remarque Sébastien. Le problème est qu’il y a de tout, les gens s’y perdent. Nous, nous proposons des vidéos sûres pour que les gens sachent ce qu’ils regardent ».

Les formations portent sur l’énergie (le four solaire à 20€ par exemple), ou l’écoconstruction (ossature bois, enduit terre etc… aux prix variables entre 20 et 60€). On y trouve une présentation des différents matériaux et techniques et la méthode à adopter (la conception, le temps, l’énergie, les étapes, les erreurs à éviter, les calculs, etc…).

« Il existe un panel de techniques, il faut prendre le temps de se documenter et de se former pour construire un projet adapté avant de se lancer ».

Formation serre bioclimatique

Formation serre bioclimatique

Derrière les écrans se cache tout type de profils : depuis l’agriculteur au professionnel en construction en passant par le particulier lambda. Ils ont en général un point commun : une sensibilité écologique. Certains s’y intéressent aussi pour une question économique.

Tous ne construisent pas suite à ces formations. Mais pour les intéressé.e.s, si la théorie ne suffit pas, l’APTE leur permet de venir sur leur chantier participatif (gratuit) ou propose un accompagnement individuel.

L’accompagnement, une solution personnalisée

Le cœur du métier de Sébastien est d’accompagner les particuliers sur leur chantier. C’est d’ailleurs à ce titre qu’il travaille avec Le Village sur les chantiers d’insertion. Il réfléchit avec le client à la technique, voire dessine les plans, et selon le budget, estime le projet le plus adapté. Il assure le suivi des travaux, en présentiel ou distanciel.

Serre bioclimatique ©APTE

Une pratique en hausse ?

« Nous observons une augmentation des demandes pour suivre nos formations. Bien sûr nous pouvons l’expliquer par la dématérialisation de nos cours, qui permet à des personnes de toute la France de les suivre, et puis nous sommes de plus en plus connus. Mais je pense vraiment qu’il y a un intérêt tant écologique qu’économique pour l’écoconstruction autonome des particuliers depuis la pandémie et la guerre en Ukraine ».

Face à cette évolution des demandes et de l’intérêt pour ces techniques, le secteur de l’écoconstruction se structure peu à peu dans la région. Les pionniers ne sont pas nombreux mais se développent et travaillent souvent ensemble. L’association Le Gabion, formateur de professionnels, est l’opérateur historique. Le Village fabrique des matériaux écologiques et l’APTE assure l’assistance chantier. Un réseau bien rôdé dans lequel apparaissent aussi de nouvelles structures.

Mais si le nombre de demandes augmente, le manque de financement pour les particuliers et de subventions pour les structures freinent le développement du secteur. Les techniques et matériaux écologiques ne sont pas dans les référentiels du bâtiment, ce qui rend les assurances méfiantes. Pour les faire reconnaître, les processus sont longs et compliqués. En 2011, après 5 ans de travail, Le Réseau Français de la Construction Paille obtient la validation des premières Règles Professionnelles de la construction en paille par le secteur du bâtiment et de l’assurance, permettant son essor.  Qui sera le prochain ?

*La chaux et la terre sont accompagnées de sable, gravier et paille de riz

 

Fondations en pneus ©APTE

Enduit terre sur bottes de paille ©APTE

Formation four solaire

Formation four solaire ©APTE

Maquette de démonstration d'isolation en balle de riz APTE

Maquette de démonstration d’isolation en balle de riz ©APTE

Ciment terre, chaux, sable, paille de riz, graviers ©Marion Gabrié