Ils sont de plus en plus nombreux à choisir de vivre sous un « toit responsable ». Des Bouches-du-Rhône aux Ecrins en passant par le Champsaur, témoignage d’habitants qui ont construit ou rénové un logement pour diminuer leur impact environnemental. Certains, même, y accueillent des touristes.

La tiny house est posée près du grand hangar agricole d’une exploitation maraîchère bio, dans une petite commune du nord des Bouches-du-Rhône. Toute en bois, elle trône à l’extérieur avec ses panneaux et son chauffe-eau solaire, appuyés contre la paroi exposée plein sud. A côté, au sol, un petit rectangle de béton sert à traiter les eaux grises par phytoépuration. L’eau phréatique, elle, affleure en sous-sol à moins d’1,50 m. Elle est captée et microfiltrée pour être potabilisée.

Habitat mobile

On allait oublier… La tiny house est posée sur une structure portante équipée de roues. C’est un habitat mobile. « Il était inenvisageable pour moi de faire la moindre fondation. Le choix d’être mobile, c’est de ne pas avoir à impacter le sol. La tiny house peut être une solution d’habitat pour des terres agricoles », justifie Philippe Gros, co-constructeur de cet habitat avec un jeune artisan, lancé dans cette activité, et propriétaire de l’hébergement.

Bardage bois, panneaux et chauffe-eau solaires, poêle à bois (ici sa cheminée sur le toit)… la tiny house de Philippe Gros a été mûrement réfléchie. Crédit Philippe Bourget (Photo de Une : Philippe Gros devant sa maison, une façon de penser le monde et… le mode de vie. Crédit Ph. B.).

Toilettes sèches, poêle à bois et four solaire

A l’intérieur, même sobriété : toilettes sèches ; absence de frigidaire ; poêle à bois (Philippe ne consomme qu’un stère tous les quatre ans) ; isolation en matériaux durables ; four solaire pour cuisiner l’été… L’habitat est 100% autonome en eau et en énergie. Et pour autant, aucun compromis n’est consenti sur le confort. L’intérieur est coquet, coloré, lumineux.

3 500 kg maximum

Au-delà de la philosophie inhérente au projet, sa conduite a été guidée par la règlementation. Pour tracter une telle maison sur la route sans devoir la déclarer en « transport exceptionnel », le poids total, remorque comprise, ne doit pas dépasser 3 500 kg. L’attelage de Philippe Gros ne fait que 3 200 kg. « C’est la raison pour laquelle nous avons utilisé du bois de peuplier, léger, pour le bardage extérieur », dit-il. La structure est en pin, avec quelques pièces en « douglas » pour assurer la solidité, en particulier celle de la mezzanine sur laquelle est installé le lit.

Tiny house, certes,  mais beau confort pour une maison 100% écologique. Crédit Ph. B.

Vieille maison à Saint-Rémy-de-Provence

Philippe Gros n’est pas un converti environnemental de la dernière heure. « Depuis tout petit, je me suis toujours contenté de peu (…) trouvant intéressant de faire le maximum avec le minimum. J’ai vécu dans une vieille maison de famille à Saint-Rémy-de-Provence que j’avais restaurée. Je n’étais raccordé ni au réseau d’eau, ni à l’électricité. En 12 ans, j’ai dû produire deux sacs poubelles. Je passais pour un hurluberlu ! », raconte en souriant celui qui n’en est pourtant pas un.

Formation Eco-Paysan

Ancien technicien dans l’industrie – « je me suis rendu compte ainsi qu’on mettait le feu à la planète » -, désormais pépiniériste bio pour le compte du maraîcher qui l’accueille chez lui (il travaille sous une serre, of course, bioclimatique !), Philippe Gros, animateur à l’APTE (Association pour la Promotion des Techniques Ecologiques – Mérindol) a participé à la création de la formation Eco-Paysan. Celle-ci est dispensée depuis une dizaine d’années et est animée par l’APTE, les réseaux ADEAR13 et 84, le campus Nature Provence (anciennement Aix-Valabre) et Bio de Provence.

Issu du monde industriel, Philippe Gros a lui-même conçu le local technique de sa maison. Il contient notamment des batteries et un système permettant de convertir le courant continu en alternatif. Crédit Ph. B.

Tiny house, minimum 50 000 €

Il enseigne aussi l’écoconstruction et l’autonomie énergétique en BTS et en Master, à Avignon, ainsi qu’en BPREA, à Valabre. Philippe m’emmène sous le hangar agricole, où stationne son antique 2CV avec laquelle il se déplace. Une seconde tiny house est en construction, destinée à une personne qui veut y passer sa retraite. S’il avait fallu tout sous-traiter, la sienne lui aurait coûté 50 000 €. « Cet habitat m’apporte une sécurité. Je suis en accord avec moi-même. Car oui, on peut arriver à vivre bien en dessous du seuil de pauvreté », dit-il non sans une certaine ironie.

La serre bioclimatique dans laquelle travaille Philippe Gros dispose d’un mur nord en terre-paille (à droite) et de bisons d’eau (sous les plants) pour stocker la chaleur du soleil et éviter le gel. Crédit Ph. B.

Ecogîte dans le Champsaur

Direction maintenant le Champsaur, chez Emmanuelle Bouteçon et Camille Banizette. Dans ce massif montagneux situé à 25 mn de Gap, fief des stations de ski d’Ancelle, Chaillol, Saint-Léger-les-Mélèzes, Orcières-Merlette… les vacances s’entendent aussi bien l’hiver que l’été. C’est là que ce jeune couple a construit son logement… et un Ecogîte (L’Arc O Alpin), la marque écodurable des Gîtes de France. Le label valide le recours à des ressources locales pour la construction et l’intégration du projet dans le territoire, dimensions que les hôtes font partager à leurs clients.

Toit végétalisé…

« Le gite est très ouvert sur le sud, il chauffe très bien. On a beaucoup réfléchi par rapport à une maison de Hobbits, avec une partie semi-enterrée, mais qui soit plus lumineuse. Les murs ne sont pas froids et avec le toit végétalisé, l’hébergement a toutes les caractéristiques d’une maison passive », détaille Camille, professeur de ski et de Qi Gong, également spécialiste de travaux acrobatiques – un vrai montagnard.

Emmanuelle Bouteçon (à d.) et Camille Banizette, dans le Champsaur, ont adhéré au concept Ecogîte des Gîtes de France. Crédit Patricia Carrier.

… et panneaux photovoltaïques

D’une capacité de 11 personnes, le gîte a été construit pendant les mois de Covid. La charpente a été conçue pour supporter le poids de la neige… et de la terre, 50 cm d’épaisseur indispensable pour accueillir des plantes grasses isolantes peu gourmandes en eau. Un système de bâche alvéolée récupère la rosée et maintient un niveau nécessaire d’humidité. Une autre partie du toit est destinée à recevoir des panneaux photovoltaïques, pour produire l’électricité et l’eau chaude sanitaire.

Projet de cabanes perchées

Mi-mars, les 7 à 8 séjours de vacanciers enregistrés depuis le début de l’hiver n’avaient engendré la consommation que de cinq sacs de granulés bois, consommés dans le poêle de la pièce de vie. Une source, captée sur la propriété, alimente une fontaine extérieure et une réserve de 7 500 l. Elle est utilisée pour les toilettes, le lave-linge et le lave-vaisselle. Le couple envisage de construire deux cabanes perchées dans les arbres, pour offrir des chambres supplémentaires.

Confort « bois » et vue panoramique : les clients de l’Ecogîte du Champsaur peuvent rêver de vacances durables. Crédit Patricia Carrier

Rénovation écodurable dans les Ecrins

Un peu plus haut encore, dans les Ecrins, nous voici à L’Echo du Riou, chez Anne-Claire Pascal, à Pelvoux. Héritière d’un chalet de famille construit par ses grands-parents dans les années 1960, « une passoire thermique », reconnait-elle, elle décide à la fin de sa carrière de l’investir en le rénovant en mode écodurable. Une évidence pour cette native de Grenoble, « sensibilisée à ces thématiques depuis longtemps [et ayant] donné des cours de développement durable en milieu scolaire et technique », dit-elle en guise de justification.

Anne-Claire Pascal dans la pièce commune de ses chambres d’hôtes, L’Echo du Riou. A droite, le mur en terre dans lequel circule l’eau solaire, pour chauffer la pièce. Crédit Philippe Bourget

Circuit d’eau dans des murs en terre

Elle fait donc appel à un architecte et aux services d’Eco2Scop, spécialiste de l’écoconstuction, à Embrun. « Une structure bois a été montée sur les murs extérieurs en béton, isolée avec du liège et des panneaux de laine de bois. De la laine de chanvre a été posée sous la charpente. Et quatre murs intérieurs, en terre, abritent un circuit d’eau chauffée par des capteurs solaires », raconte la propriétaire. L’un de ces murs chauffants équipe la pièce à vivre. Les autres sont dans les trois chambres… des clients. Car non contente d’en profiter elle-même, Anne-Claire Pascal a transformé sa maison en chambres d’hôtes.

Le chalet, rénové, a bénéficié d’un doublage isolant et d’un bardage. Crédit Ph. B.

Prix d’architecture

En ce matin de janvier, il fait plutôt froid dans les Ecrins. Dans la pièce à vivre, le chauffage mural naturel suffit pourtant à maintenir une bonne température. La propriétaire ne se contente pas d’accueillir ses clients dans un « chalet écologique », d’ailleurs récompensé d’un prix par le CAUE05*, en 2018. Elle leur concocte aussi le soir une cuisine à 80% bio et locale. Parce qu’habiter durable est d’abord un état d’esprit, une affaire de construction autant que de consommation et de rapport au monde.

*CAUE : Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement