
Face aux enjeux de transition alimentaire, un modèle innovant se développe dans les territoires : les fermes publiques. Portées par les collectivités, elles visent à produire localement, en régie, des aliments sains et locaux pour les cantines et à structurer des politiques alimentaires durables. Les 18 et 19 juin 2025, plus de 150 acteurs réunis à Épinal ont participé aux 2ème Rencontres Nationales des Fermes Publiques, un événement qui a officialisé la création d’un réseau national structuré autour de ce modèle.


Un réseau en construction pour des collectivités engagées
Née d’une dynamique lancée en 2024 à Mouans-Sartoux, cette initiative collective connaît une forte montée en puissance. Aujourd’hui, plus de 60 collectivités représentant près de 600 communes souhaitent s’engager dans la création ou le développement d’une ferme publique. L’objectif du Réseau National des Fermes Publiques (RNFP) est clair : favoriser les échanges, structurer l’accompagnement et valoriser les expériences locales.
Un répertoire national a été lancé pour recenser les projets existants ou en cours de réflexion. Il vise à faciliter les coopérations et à mieux faire connaître ce modèle, qui permet de reconnecter alimentation, santé, écologie et territoires.


Un modèle exigeant mais accessible
Créer une ferme publique implique une série de choix stratégiques : sélectionner un foncier adapté (souvent en friche, pour faciliter la conversion bio), définir les objectifs (nombre de repas, types de cultures), planifier la production, et choisir un mode de gestion (régie directe ou mutualisation intercommunale).
En moyenne, 1 hectare cultivé permet de produire pour 300 repas par jour, mobilise un maraîcher et demande un budget annuel de fonctionnement autour de 60 000 €, auquel s’ajoute un investissement initial estimé à 120 000 € hors foncier. Plusieurs collectivités ont partagé leurs réussites, comme Razac-sur-l’Isle en Dordogne, où le projet est né d’une réunion publique citoyenne et a permis, dès la première année, une production de 8 tonnes de légumes pour les cantines.
Au-delà de la production, ces fermes contribuent à l’éducation alimentaire, à la création d’emplois agricoles durables, et à une plus grande résilience locale. Elles offrent aussi aux collectivités un levier pour atteindre les objectifs fixés par la loi EGAlim en matière d’alimentation durable en restauration scolaire.


Retours d’expérience : vers une alimentation locale et partagée
Les rencontres d’Épinal ont aussi permis de mutualiser les solutions aux défis concrets du terrain. Plusieurs communes, comme Paray-Vieille-Poste (91) avec sa légumerie ou Mouans-Sartoux (06) avec sa production d’huile d’olive, ont démontré l’intérêt d’intégrer dès le départ un outil de transformation pour gérer les surplus et diversifier les repas.
D’autres, comme Épinal (88) ou Romainville (93), ont mis en lumière l’importance de coopérer avec les agriculteurs locaux, que ce soit via une AMAP, une conserverie ou des circuits courts solidaires. Les collectivités ont aussi souligné la nécessité d’anticiper les pics d’activité agricoles, parfois difficiles à absorber, en s’appuyant sur d’autres services municipaux, des chantiers d’insertion ou encore des mécanismes d’automatisation.
La question foncière, cruciale pour pérenniser les projets, a été largement abordée. Certaines villes comme Mouans-Sartoux ou Épinal ont partagé leurs stratégies d’acquisition ou d’échange de terres, en lien avec des partenaires comme la SAFER ou Terre de Liens.
Enfin, un besoin partagé est ressorti : développer la formation spécifique au maraîchage en régie, créer des outils partagés, et structurer un véritable accompagnement national. C’est l’une des vocations fortes du Réseau en construction.


🎥 Pour en savoir plus sur les enjeux du RNFP et découvrir des partages d’expériences retrouvez notre mini-série vidéo “Les Fermes Publiques Kezako ?”
Mouans-Sartoux, un exemple toujours aussi inspirant
La commune de Mouans-Sartoux, dans les Alpes-Maritimes, est souvent citée comme pionnière. Depuis 2011, elle cultive 6 hectares de terres agricoles en régie municipale pour approvisionner ses cantines scolaires. Aujourd’hui, 85 % des légumes servis aux enfants viennent de cette ferme, bio, locale et de saison.
Ce modèle a non seulement permis une alimentation saine sans surcoût, mais aussi une lutte efficace contre le gaspillage alimentaire, des actions pédagogiques régulières, et même la création d’un diplôme universitaire dédié à la gestion de fermes publiques.
Mais Mouans-Sartoux n’était pas vraiment la première ! Des collectivités comme Toulouse disposent depuis plusieurs années d’une régie agricole, spécialisée dans les grandes cultures (blé, pâtes, pain). Si la production n’était pas initialement destinée à la restauration collective, elle ouvre désormais la voie à une complémentarité entre cultures vivrières et filières locales.
Pour en savoir plus sur l’expérience de Mouans-Sartoux, vous pouvez (re)consulter nos articles :