habitat durable Robion

Réduire la facture environnementale, mais aussi se sentir bien dans son foyer et participer à une économie locale vertueuse : habiter durable tient un peu de tout ça. Entre traditions, contraintes et techniques innovantes, coup d’œil sur nos maisons d’aujourd’hui et de demain.

« L’habitat traditionnel en Provence, comme ailleurs, était bioclimatique… par nécessité ! », rappelle d’emblée Robert Célaire, dans un sourire. 40 ans que cet ingénieur en conception écologique roule sa bosse à travers le monde, au service de ses convictions.

Environnement, économie, social

Pour lui, habiter durable, c’est réduire au maximum la pression sur les ressources naturelles. Pour cela, mieux vaut tirer parti du patrimoine environnant : le vent, le micro-climat, la végétation, les matériaux… Mais c’est aussi vivifier les filières locales de construction. Et enfin, pour habiter durable, il faut des habitants, non seulement consentants, mais conscients et investis.

« Le béton ne revient pas à la nature »

« Au départ, il y a la conscience d’habiter », explique Bijan Azmayesh, architecte à Robion (84). Depuis plus de 15 ans, ce professionnel n’a jamais construit d’habitation en parpaing, « je ne sais pas faire », précise-t-il. « Une maison en terre peut durer des millénaires, tant qu’on en prend soin. Et elle reviendra alors à la terre. Une maison en béton se détériore mais ne revient pas à la nature ».

militants pour l'habitat durable

De gauche à droite, Jérémy Lasne et Bijan Azmayesh architectes et Robert Célaire ingénieur en conception écologique @JB / Photo de Une : habitat groupé à Forcalquier, 2017-@Atelier Ostraka

Une conviction partagée par son tout jeune associé. « L’habitant doit être relié avec son environnement. Avec la climatisation et la maison hermétique, nous sommes déconnectés de la vie, de la matière, hors-sol ! Habiter durable, c’est se sentir mieux là où l’on est » plaide Jérémy Lasne.

Retrouver le lien avec le territoire

Définitions posées, retour aux contraintes. Une évidence s’impose : dans la région comme ailleurs, l’habitat a changé. Standardisé, normé, rentabilisé, il a perdu son lien avec le territoire. Et surconsommé ressources, espaces agricoles et naturels. A l’heure où tous les signaux d’alerte sur l’urgence écologique sont au rouge, la prise de conscience citoyenne grandit.

Habitat passif, habitant actif

Faut-il alors construire comme avant ? Plutôt s’inspirer des méthodes traditionnelles, comme l’orientation par rapport au soleil, au vent, l’usage de matériaux locaux comme le bois, les résidus agricoles (la paille, la balle de riz…), la terre, la pierre, le roseau… Cela en améliorant les résultats grâce aux outils modernes de conception.

habitat écologique à Robion

Maison à Robion (84) 2016 @Atelier-Ostraka

C’est, selon Robert Célaire,  le « concevoir avec des outils high-tech pour construire low-tech ». Et bien sûr impliquer les habitants. « On a besoin de sachants qui mettent en œuvre ces connaissances et les expliquent tout en étant à leur écoute » dit-il. Ancien enseignant à l’Ecole d’Architecture de Montpellier, il interpellait ainsi ses étudiants : «  habitat passif, habitant actif, un habitat doit être accompagné par des habitants responsables ».

Attention aux fausses pistes

Mais que penser alors des démarches d’amélioration de l’habitat ? Qui installe un chauffe-eau solaire, un isolant biosourcé pour la toiture, qui modifie son mode de chauffage, le plus souvent poussé par les nouvelles normes…

« Le seulement réglementaire, comme le greenwashing, sont deux fausses pistes, tranche l’ingénieur. Oui, cela peut entraîner un changement d’échelle. Mais la réglementation ne prend jamais en compte tous les aspects de l’habitat écologique. Elle ne relie pas la vue, l’ouïe, le bien-être, les matériaux, le climat, les artisans, l’humain…Quantifier ce qui est quantifiable, oui, mais surtout, surtout… Ne pas en rester là ».

habitat durable, la paille

La mairie de Viens (84) est construite en paille ©Ph Bourget

Quelle est aujourd’hui la part de l’habitat durable dans la région ? Il avance, selon nos interlocuteurs. « Je suis optimiste, depuis 50 ans qu’il a été lancé par des architectes et ingénieurs pionniers, dans le Sud Ouest des Etats-Unis, le mouvement trace sa route. Mais il faut qu’il y ait une conjonction d’acteurs pour que ça marche» constate Robert Célaire.

Question de coûts ?

Et quand vient la sempiternelle question du surcoût de la construction durable, les réponses sont nuancées. Pour Jérémy Lasne, « dans une enveloppe donnée, on peut toujours trouver des solutions. Peut-être réduire un petit peu la surface,  mais tellement gagner avec des matériaux sains, une bonne orientation… », « et la suppression de technologies inutiles dans une architecture bien pensée… » complète Robert Célaire.

Bijan lui pense être dans les mêmes prix au mètre carré que ces collègues en conventionnel, entre 1600 et 2000€.

Et puis l’habitat durable est souvent participatif, autrement dit plusieurs familles peuvent décider de locaux communs et partagés. D’autres optent pour l’auto-construction, même partielle. Elle réduit notablement les coûts.

habitat groupé à Forcalquier

Habitat groupé à Forcalquier – 2017 @Atelier-Ostraka

Des raisons d’espérer

Aujourd’hui, dans les écoles d’architecture, un ou plusieurs départements enseignent ces savoirs. De jeunes architectes vont apprendre ces approches et pratiques pendant leurs études. Ils mettent souvent la main à la pâte… et s’installent ensuite. Certains promoteurs y viennent. Et puis il y a de plus en plus de références, de retours d’expérience… Les tenants de cette architecture sont davantage pris au sérieux, notamment par les élus, même si cela reste difficile.

Quand une certaine densité de projets écologiques éclot sur le terrain, on peut faire visiter, et donc entraîner de nouveaux habitants… Les pionniers, professionnels mais aussi militants, moteurs d’un changement désirable, ne sont pas près de lâcher leurs convictions pour cette architecture qui « donne du sens »…  Vous avez dit habiter autrement ?

Région Sud-Paca, territoire à défis

Notre région présente historiquement trois manières d’habiter : alpine, méditerranéenne et provençale (même si une standardisation s’est installée). Des traditions adaptées à des contraintes fortes : un ensoleillement et des vents puissants, et une topographie heurtée entre mer et montagne.

Ste Victoire

La montagne Sainte Victoire, Réserve naturelle nationale est protégée ©ARBE

Autre aspect : 70% du territoire est classé en espaces naturels et zones humides, (quand la moyenne nationale est de 35%), et beaucoup de terrains sont non accessibles, ou en déclivité. Conséquence : 75% des habitants de la région Sud vivent sur 10% du territoire. L’urbanisation est principalement concentrée sur le littoral, où le foncier est rare.

Un habitat fragilisé par le changement climatique

Selon les prévisions des experts du climat, les canicules et les fortes pluies orageuses multiplient les risques de submersion, notamment dans le delta du Rhône. Des infrastructures économiques telles que les ports et aéroports et des quartiers d’habitation très peuplés sont sous la menace. En 2016, on estimait qu’un million d’habitants de la région vivaient en zone inondable.

Habitat durable et tourisme © Ph Bourget

Une région attractive et touristique

Autre spécificité, le tourisme. Les résidences secondaires représentent 17% du parc de logements, ce qui la place au deuxième rang des régions de France. Conséquence, dans les Alpes et sur le littoral, l’hébergement touristique concurrence celui des habitants. Le SRADDET* a fixé  à 30 000 le nombre de nouveaux logements à construire chaque année. Un effort nécessaire face à la hausse de la démographie régionale, mais aussi au mal logement.

*Le Schéma Régional d’Aménagement de Développement Durable et d’Égalité des Territoires (SRADDET) (validé en octobre 2019) porte  la stratégie régionale pour un aménagement durable et attractif du territoire.

Sources

Conseil de l’Architecture, de l’Urbanisme et de l’Environnement 13

https://www.paca.developpement-durable.gouv.fr/logement-et-habitat-r2025.html

En chiffres

(Source : CERC : Cellule Economique Régionale de la Construction-2020)

-Marché du logement : 6.8 milliards d’euros (50% neuf, 50% rénovation)
– PACA est la 2e région après IDF où le taux de pénétration des démarches Qualité Environnementale est le plus élevé
-Cependant, des filières de matériaux biosourcés commencent à se structurer en PACA (paille et balle de riz, pierre sèche…).
– Filière bois : part de marché de 2%, dernière région de France…