Vivifiante journée de travail à Cadenet, le 15 novembre, sur les systèmes alimentaires des territoires. Destinée aux élus, et proposée par PNR du Luberon et la SAFER PACA, cette rencontre a mis en avant l’urgence à développer une alimentation locale et durable, pour des raisons de sécurité publique. Bleu Tomate vous explique.
« On a oublié depuis 60 ans que la majeure partie de notre temps était la recherche de nourriture…Aujourd’hui, l’autonomie de nos territoires est en moyenne de 2% ». Des propos forts, parfois provocants, tenus par Stéphane Linou. Auteur, consultant et formateur, il est aussi expert associé au Laboratoire Sécurité Défense du CNAM (Conservatoire National des Arts et Métiers).
Plus de 30 ans que cet ancien élu municipal et départemental de l’Aude alerte et documente sur une question rarement abordée : l’alimentation de la population n’est pas prise en compte dans les grandes politiques nationales comme l’électricité, l’eau, les soins ou l’organisation des secours, par exemple.
Notre alimentation n’est pas sécurisée
Aucun aménagement du territoire alimentaire n’existe. Pourtant, selon l’orateur, les supermarchés n’offrent que deux jours de réserve, en cas de pénurie de transports, dont notre système alimentaire dépend complètement !
D’où vient cette fragilité ? De l’apparition des « énergies fossiles et faciles », explique Stéphane Linou, qui se livre à un rapide rappel historique. Depuis les chasseurs-cueilleurs qui couraient après leur nourriture, en passant par les agriculteurs du néolithique qui ont produit sur place et constitué des réserves, jusqu’au Moyen-Age où existait une police des grains et de la viande…
Des temps où le foncier était ménagé, les stocks organisés et les circuits connus. Et où l’alimentation dépendait totalement de l’état du territoire. Avec les transports quasi gratuits, est arrivée la spécialisation, une production phare par territoire. Résultat, pour l’intervenant : « Les territoires sont sous perfusion alimentaire, comme des corps anémiés. Aujourd’hui, la nourriture vient à nous, sans qu’on se questionne ».
Pour une grande politique de l’alimentation
Pour celui qui fut fondateur d’AMAP et du mouvement locavore, « se nourrir localement est une question d’ordre public », et cette question mérite un véritable plan d’Etat. Sanctuarisation du foncier, résilience des territoires : du producteur au consommateur en passant par la transformation et la distribution, sans oublier les prescripteurs (dont les élus), chacun doit jouer son rôle.
Un discours original, entendu par un certain nombre d’élus réunis à Cadenet à l’initiative du Parc naturel régional du Luberon et de la SAFER PACA. Samantha Khalizoff est élue à Cadenet et à la communauté de communes Côté Lub.
Elle se dit « impliquée depuis longtemps dans la question alimentaire. Si on la traduit ensemble dans une politique publique, on change la santé, l’urbanisme, l’agriculture, la sécurité… » L’élue a bien l’intention de proposer à « l’Interco » d’intégrer l’alimentation dans le Plan Intercommunal de Sécurité (PIS) qui doit être rédigé. Elle souhaite également réfléchir avec ses collègues sur la nécessité de protéger le foncier agricole.
Les élus locaux doivent faire leur part
Michel Partage est maire de La Bastidonne, 850 habitants. « Stéphane Linou m’apparait comme un lanceur d’alerte, analyse-t-il. Il met en évidence des éléments qui nous échappaient. C’est vrai que le risque alimentaire n’est pas pris en compte ». Avec sa collègue 1ère adjointe Béatrice Paumier-Lallemand, ils sont –eux aussi- décidés à intégrer un volet alimentaire dans le Plan Communal de Sauvegarde (PCS) que les élus doivent mettre en place.
Problème : le village est essentiellement consacré à la vigne. Une spécialisation synonyme de fragilité, souligne le maire. En début de mandat, le Conseil municipal a décidé de préempter toutes les terres agricoles mises en vente si elles ne sont pas reprises par un agriculteur. Et embauché une cuisinière motivée à la cantine.
Le PNR Luberon et la SAFER à pied d’œuvre
Mais il faudra aller beaucoup plus loin pour assurer la résilience de la commune. Par exemple, développer les achats de produits locaux, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Les élus pensent aussi lancer un potager communal, en lien avec l’école. Ou encore des repas pour les anciens, et un lieu de vie pour les partager. Autant d’idées qu’ils sont venus confronter avec celles de leurs collègues à la journée de travail de Cadenet.
Une table ronde a abordé « les productions agricoles communales pour la restauration scolaire ». Gilles Pérole adjoint au maire de Mouans-Sartoux (06) est venu témoigner de son expérience. La commune fait figure de modèle, avec sa cantine 100% bio, ses jardins, son potager communal et sa politique de réserve agricole, malgré les tensions sur le foncier dans ce département.
L’autre table ronde était consacrée à la manière d’ « Agir sur le foncier agricole et l’orienter vers des cultures nourricières ». Terre de Liens, qui rachète des terres pour y installer des agriculteurs bio, ou encore Agritest 84, qui permet aux porteurs de projets de se tester jusqu’à 3 ans avant de s’installer y ont apporté conseils, informations et réponses aux participants.
Un repas 100% local bas carbone : Nadia Sammut a relevé le défi !
C’est encore l’infatigable Stéphane Linou qui a lancé ce défi aux chefs. Préparer un repas avec 100% d’ingrédients trouvés à moins de 51 km, pour un coût inférieur à 9,50 € et un coût carbone inférieur à 1.6 Eq Co2/personne.
Dans le cadre de la journée technique à Cadenet, c’est la cheffe Nadia Sammut qui a relevé ce challenge, avec ses équipes et le concours des chefs des restaurants scolaires du réseau « De la ferme à ta cantine ». Ce qui peut ressembler à un tour de force !
Au menu, une galette de pois chiche au navet, une entrée de betterave à la crème d’amandes miso et poudre d’hibiscus, une cocotte de légumes et une poire pochée au dessert. La cheffe a annoncé un coût de 7,60 € et une empreinte carbone de 0.94 Eq Co2. Un résultat bien supérieur à la consigne initiale. Et les convives se sont régalés. En plus d’avoir bien travaillé !
Le Projet alimentaire territorial du PNR Luberon
Cette journée de travail avait pour thème : « Rôle des collectivités dans le maintien et le développement des productions agricoles nourricières ».
Elle s’adressait aux élus du territoire mais aussi des autres départements de la Région. Elle a réuni une cinquantaine de participants dont des maires et conseillers municipaux et communautaires.
Le PAT du Luberon réunit aussi régulièrement les chefs de cuisine de la restauration collective. Ils participent alors à des journées de formation et de partage d’expériences.
A travers son Projet alimentaire territorial, et avec ses multiples partenaires, le Parc du Luberon est lauréat du Programme National pour l’Alimentation (PNA) 2023. Son projet « L’alimentation méditerranéenne au cœur des transitions agroécologiques » a reçu un financement de la Direction Générale de la santé, une 1ère !
En mars prochain, une autre journée de formation aura lieu sur le sujet en collaboration avec le PNR du Verdon.