Des champs à l'APAM

Ils sont 6 agriculteurs de la région. Ils pratiquent l’agroforesterie et ont uni leurs forces dans une association, l’APAM. Pour s’entr’aider, se former, sensibiliser. Ils viennent de réunir dans un 1ère rencontre régionale, tous les acteurs intéressés par la cause de l’arbre.

Nicolas pratique le maraîchage au Thor (84), Guillaume est céréalier-maraîcher à Vinon s/Verdon (83)… Comme leurs collègues, ils sont en agroforesterie : « pour remettre l’arbre dans les parcelles », « influencer les paysages et restaurer le cycle de l’eau », « par respect pour la nature », «pour  rapprocher tous les éléments nécessaires à la fertilisation des sol et aux équilibres naturels »… Ou comme le souligne drôlement Pierre Sauvat, installé à Valensole : « J’ai installé la clim dans les champs ».

Une agriculture à l’abri des arbres

L’agroforesterie ici désigne l’association entre des cultures pérennes – des arbres – et des cultures et/ou de l’élevage. Une pratique aux multiples bienfaits. L’arbre apporte de la fraîcheur, réduit l’érosion du sol et le ruissellement, stocke le carbone et favorise la biodiversité. Et grâce à ses fruits ou son bois, apporte un gain économique. Sans parler de sa valeur paysagère. Bref, il répond au défi climatique.

Dans lmes champs d'oliviers, des légumes

Exemple d’agroforesterie : légumes associés aux oliviers L’Escarène (06) – ©GR-CIVAM PACA.

Cela dit, le choix de l’agroforesterie nécessite réflexion, préparation, formation et conseils techniques. D’où la création de l’association Agroforesteries Provence Alpes Méditerranée (APAM). « Quand j’ai repris les terres en 2004, j’ai été confronté à un gros problème de fertilité des sols, témoigne Guillaume Joubert, lors du Séminaire organisé le 9 février à Volx (04). Je suis passé en semis directs sous couvert, et j’ai déjà gagné 30% de taux de matières organiques. En 2020, l’étape suivante a été l’agroforesterie ».

Des convictions, mais aussi des besoins

Mais l’agriculteur avait besoin d’une expertise, qu’il a cherchée auprès d’Agribio 04 et d’AGROOF. Il a profité des résidus de maïs pour protéger ses haies de l’enherbement l’année de la plantation.  « La faune est revenue, comme les renards et les rapaces, qui régulent les campagnols, constate Guillaume. Les haies doivent aussi couper  le vent, qui dessèche beaucoup les sols l’été ».

des champs au séminaire

Nombreuse assistance au 1er Séminaire de l’AMAP à Volx (04) sur l’agroforesterie ©JB

Christian Rastello est céréalier dans le Var. Lui aussi est passé du couvert permanent à l’agroforesterie. « En 2016/2017, je ne savais pas trop vers qui me tourner… On a besoin de structures pour nous soutenir, éviter de perdre du temps. Aujourd’hui la structure existe ! »

Ensemble on est plus fort

Et ce sont les paysans eux-mêmes qui l’ont créée. « L’arbre est un des piliers de la diversité. On a lancé l’APAM pour aider les agriculteurs à développer l’agroforesterie, précise Nicolas Verzotti. Mais aussi pour accompagner les collectivités qui veulent redonner à l’arbre toute sa place. L’agroforesterie va être un support pour l’agriculture et les territoires », se réjouit le maraîcher bio.

Les 6 agriculteurs fondateurs de l’APAM peuvent aussi compter sur un animateur, Florian Carlet, du GR CIVAM PACA. L’association revendique plusieurs missions : conseil et formation, animation d’un réseau d’entr’aide, représentation des intérêts de l’arbre, sensibilisation et enfin accompagnement des territoires. « Elle est ouverte à tous les agriculteurs et agricultrices de la région s’intéressant à l’agroforesterie » et a adhéré au réseau national AFAC (Association Française de l’Arbre Champêtre). L’APAM s’appuie également sur les structures de recherche et de conseil que sont le GRAB et AGROOF.

Verger-maraîcher au Thor (84) ©GR-CIVAM-PACA

La Recherche comme partenaire

Partenaire historique du GR CIVAM-PACA, le GRAB a déjà conduit plusieurs projets. « On a besoin de références, explique François Warlop pour le GRAB. Beaucoup de connaissances anciennes ont été perdues ». Pour accumuler ces informations techniques et économiques, le GRAB expérimente sur les parcelles des agriculteurs volontaires.

AGROOF est une SCOP. Ce bureau d’études travaille uniquement sur l’agroforesterie depuis 20 ans. Il accompagne les porteurs de projet de A à Z. Il développe aussi des formations et conduit des projets de recherche. Comme sur l’intérêt des haies pour les prairies et le bien-être animal, face au changement climatique. Avec de premiers résultats encourageants, même si de nombreuses questions restent encore en suspens, sur les effets des arbres dans les prairies et les parcours.

Séminaire APAM à Volx (04) sur l'agroforesterie

Un Séminaire pour partager infos et savoirs ©JB

Car une chose est d’introduire de jeunes arbres sur des parcelles, une autre est la gestion à long terme. Quelle irrigation ? Quelle fertilisation ? Comment concilier la culture basse et la taille des arbres ? Autant de questions passionnantes autour desquelles les participants du séminaire ont échangé expériences, savoir-faire et parfois aussi échecs. Et constaté combien les nouvelles compétences nécessaires passent par des formations.

Un nouveau modèle à financer

Sans oublier le nerf de la guerre, la question financière, qui a occupé une partie des débats. Outre la nouvelle PAC qui peut rétribuer la plantation de haies à travers les PSE (Paiements pour Services Environnementaux), la mesure « Plantons des Haies » du Plan de Relance a permis de financer les projets de 150 agriculteurs en PACA. (Ce qui concerne moins de 1% des exploitations de la région). Mais il est terminé. Et pour le moment, la Région n’a pas choisi d’activer la mesure Agroforesterie proposée par l’Europe.

Alors les agriculteurs doivent compter sur quelques financements publics ou privés. « Aujourd’hui, l’offre ne répond pas à la demande, constate Florian Carlet, animateur de l’APAM. Si certains peuvent s’autofinancer, pour  la plupart des agriculteurs, ces investissements sont difficiles à prévoir ». Et pour éviter des financements privés peu « vertueux », les agriculteurs préfèrent des soutiens locaux, au plus près de leur territoire, qu’ils soient participatifs ou pas.

Ici des céréales associées à du bois d’oeuvre ©GR-CIVAM-PACA

L’agroforesterie a le vent en poupe, de nombreux projets émergent. Mais les politiques publiques tardent à l’accompagner et à la soutenir. De quoi justifier s’il le fallait l’utilité de l’association APAM, qui entend mettre en place une véritable filière et se poser en interlocuteur régional incontournable, pour promouvoir l’agroforesterie. A son invitation avaient répondu plus de 60 personnes, représentant collectivités, chambres d’agriculture, groupes ADEAR ou encore Parcs naturels régionaux, associations mais aussi la DRAAF, la Région  et la SAFER PACA. Un premier pas réussi, la dynamique est lancée.

L’agroforesterie en région Sud-PACA

De plus en plus de porteurs de projets s’intéressent aux vergers-maraîchers. Les céréaliers y voient un moyen de lutter contre les impacts climatiques trop brutaux. Dans les Hautes Alpes et les Alpes de Haute-Provence, les éleveurs s’intéressent à l’alimentation des animaux via les fourrages ligneux, tandis que dans le Var et le Vaucluse, les viticulteurs se structurent et plantent des arbres.

logo APAM

L’APAM accompagne chaque année une trentaine d’agriculteurs dans leur projet. Soit par une formation, soit par un accompagnement individuel. Reste que la région compte depuis le Plan de Relance environ 15 conseillers pour 20 000 agriculteurs ! Un chiffre  qui démontre l’urgence de développer la compétence technique sur tous les territoires, notamment ceux sans techniciens.