l'étal de l'apiculteur Philippe Péroni au marché de Lauris

La filière apicole de Provence s’exprime au Salon International de l’Agriculture. La vitrine médiatique par excellence pour exposer  ses difficultés mais aussi et surtout ses atouts. Produit de qualité, le miel de Provence veut reconquérir les consommateurs.

Le miel n’est pas un produit comme les autres. Aliment non transformé, il régale les palais depuis des milliers d’années, fort de vertus tant gustatives que de santé. Du moins, le miel tel qu’on le produit dans la région.

« Faux miels » industriels

Problème : ce miel de qualité -qualité garantie par des appellations-, se vend mal aujourd’hui. Il se trouve concurrencé par des « faux miels ». « Sur le marché mondial, certains produits fabriqués en usine contiennent beaucoup de sucre et bien peu de  goût, ni garrigue, ni montagne, ni maquis » se désole Jean-Louis Lautard, apiculteur dans les Alpes Maritimes et président du SYMPAS (syndicat des miels de Provence et des Alpes du Sud).

Jean-Louis Lautard président du SYMPAS

Jean-Louis Lautard, président du Syndicat des miels de Provence et des Alpes du Sud. credit Sympas

De plus, inflation oblige, les distributeurs exercent une forte pression sur les prix de référencement. Résultat : les conditionneurs ne peuvent s’imposer et achètent des miels d’importation. Une situation vécue par Philippe Péroni, apiculteur bio à Lauris, dans le Sud Luberon.

 « Moi je vends en vrac. Depuis deux ans, avec la crise sur la bio, la vente en vrac est devenue impossible. Les conditionneurs ne vendent pas » explique-t-il. Résultat, il stocke sa production, mais avec le temps, vont se poser des problèmes de trésorerie. Alors l’apiculteur se tourne vers la vente directe.

Abeilles en famine

D’autant que les questions de prix, de marchés et d’étiquetages ne sont pas le seul souci des apiculteurs. Changement climatique, pression du frelon asiatique, présence de pesticides sont autant de freins à la production.

Philippe Péroni sur son stand au marché de Lauris

Philippe Péroni vend son miel au marché de Lauris (84) ©JB

En effet, les sécheresses de printemps réduisent la quantité de nectar dans les fleurs, les abeilles se retrouvent alors en « famine ». Philippe Péroni produit  aujourd’hui  7 à 8 tonnes de miel, contre 10 à 12 tonnes il y a quelques années. Jean-Louis Lautard a perdu cette année 50% de sa production.

« Avec la sécheresse, certains lavandiculteurs se découragent car les cultures dépérissent, les rendements baissent. Aujourd’hui des lavandes s’arrachent, ce qui nous impacte. Qui dit moins de lavande dit moins de miel pour les abeilles » constate le président du SYMPAS. Et le miel de lavande, c’est 60% de la production régionale.

Frelon et pesticides

Autre phénomène cette année, la présence massive du frelon asiatique, même si le prédateur est installé depuis plus de dix ans dans la région. « Si il y a peu de fleurs les reines pondent moins, les ruches s’affaiblissent et résistent moins bien au frelon qui les attaque », remarque le Président du SYMPAS.

Les pots de miel de lavande de Philippe Péroni

le miel de lavande est recueilli pendant la transhumance des abeilles sur le plateau de Valensole, dans les Alpes de Haute Provence ©JB

Pour Philippe Péroni, « la pression du frelon se fait surtout sentir à l’automne. Si elle est trop forte, les abeilles arrêtent de sortir. Et si l’hiver est doux, le prédateur sera encore plus présent l’année suivante ».

Ne pas céder au découragement

Le constat de la filière apicole de Provence est alarmant : le phénomène est nouveau, mais le miel de qualité se vend mal ou pas. Pour autant, les producteurs refusent de céder au découragement, convaincus qu’ils sont de proposer un bon produit.

Alors ils demandent aux pouvoirs publics des indemnités pour passer le cap, face à la prédation du frelon (comme pour le loup avec les brebis). Mais aussi de l’investissement dans la recherche de solutions face aux prédateurs et maladies.

une abeille butine une fleur de lavande

L’abeille sur la lavande ©Apiculteurs en Provence

 

Autre attente, celle de davantage de contrôles et  des analyses plus fiables, au plan français et européen, à l’égard des importations notamment de Chine. Et la révision de l’homologation des produits de traitements des cultures, notamment ceux qui ont le plus d’impacts sur les abeilles.

Pour l’apiculteur bio de Lauris et ses 400 ruches, « globalement, le manque de revenus est le premier problème, nous avons besoin d’aides dans l’immédiat. Et puis il faut prendre des dispositions pour affronter le changement climatique et sortir du tout chimique ».

« Lisez les étiquettes »

Au Salon à Paris comme ici en Provence, les apiculteurs en appellent surtout aux consommateurs et à leur soutien. « Lisez les étiquettes, écoutez ce qu’on dit ! S’il est question de mélange, laissez tomber, conseille Jean-Louis Lautard. Un miel doit avoir un lieu d’origine et une fleur d’origine. Si on ne veut pas perdre ce patrimoine gustatif, il faut être vigilant ! Essayez toutes les couleurs et tous les goûts, et exigez un étiquetage clair et net, même en supermarché ! ».

le stand des différents miels de Philippe Péroni à Lauris

Du Nord le la Drôme pour l’acacia et le châtaignier à Sault pour la lavande et Lauris pour les fleurs de garrigue, les abeilles de Philippe Péroni voyagent toute l’année ©JB

Depuis trente ans, les producteurs de miel de la région ont construit une filière solide et développé des signes de qualité. L’IGP Miel de Provence, le Label Rouge Miel de Lavande mais aussi l’Institut technique régional, l’ADAPI sont autant d’outils que beaucoup d’autres régions envient et tentent de mettre en place.

Pour des api happy !

Philippe Péroni sera au Salon de l’Agriculture pour apporter un message positif. « On vend un produit de qualité, gustatif, garanti par des normes. Il n’est pas transformé, bon pour la santé, alors il faut initier les jeunes au bon goût » affirme-t-il. Sur sa ferme, il organise de l’accueil pédagogique et se réjouit parfois que des enfants reviennent avec leurs parents, après avoir découvert son miel.

stage arbo et apiculture à la Thomassine

Les Apiculteurs en Provence veulent croire que tout leur travail ne sera pas réduit à néant.  Ils entendent tenir bon et appellent les consommateurs à revenir vers leurs miels de qualité.

Le contrechamp du vivant

Les butineuses ont besoin des cultures, et les paysans, des abeilles pour les polliniser. Celles-ci représentent 90% des insectes pollinisateurs. Sans elles, pas d’agriculture. Les éleveurs d’abeilles occupent donc une place singulière dans l’agriculture.

Mais les abeilles subissent aussi les effets des produits toxiques répandus dans les champs. Même s’ils entendent que les agriculteurs doivent protéger leurs récoltes, les apiculteurs souhaitent qu’ils puissent travailler sans tuer les abeilles.

Les apiculteurs bio eux, conduisent leurs ruches sans chimie et les promènent loin des zones à risques. Ils considèrent que l’agriculture bio, sans pesticides, mais adepte de pratiques de protection des sols et d’économies d’eau est une bonne piste pour limiter les dégâts du changement climatique sur l’environnement. Et même participer à sa régénération.