Pose du filet de protection pour les crapauds au bord de la route à Oppède dans le Vaucluse

Le décor de cette belle histoire : une zone humide favorable à la reproduction des amphibiens. Mais avant de l’atteindre, une route à traverser, meurtrière ! Pour protéger les voyageurs, un crapauduc temporaire vient d’être installé à Oppède, dans le Parc naturel régional du Luberon. Explications.

Ils sont une demi-douzaine au travail, pelle en main. Des agents du Parc et des bénévoles de la LPO PACA (Ligue de Protection des Oiseaux). Au programme de ce chantier qui s’étend sur 800 m de long, des deux côtés de la petite route : creuser une tranchée, planter des piquets et installer un filet de 80 cm de hauteur. Histoire d’interdire aux amphibiens, l’accès à la route.

Un seau tous les  15 mètres

« Les crapauds seront contraints de longer le filet pour trouver un passage et tomberont dans l’un des seaux disposés tous les 15 m, explique Jérôme Brichard chargé de mission « zones humides et biodiversité aquatique » au Parc naturel régional du Luberon. Toutes les deux heures, nous les récupérerons, les mesurerons et les déposerons de l’autre côté de la route ».

deux bénévoles de la LPO creusent une tranchée afin d'y installer le filet de protection pour les amphibiens

D’abord creuser une tranchée, installer des piquets et enterrer des seaux puis ce sera le filet de protection pour les amphibiens ©JB

Quelques nuits blanches en perspective pour les agents et bénévoles. Car la saison de la reproduction s’étend de mars à mai puis de septembre à novembre. Les crapauds sortent uniquement la nuit, à condition qu’elle soit fraîche et humide, voire pluvieuse…

Zones humides et reproduction

Nous sommes au pied du Luberon côté Nord, tout près de la rivière le Calavon. De nombreuses zones d’extraction -abandonnées depuis 1970- ont vu la nature reprendre ses droits. Flore et faune sont revenues, dans ces excavations remplies d’eau par la nappe phréatique et les crues de la rivière. Des zones humides riches en biodiversité et de fort intérêt faunistique, que le département a classé en ENS (Espace naturel sensible).

le Pelobate cultripède, ou crapaud à couteaux, en danger de disparition dans la région PACA

Le Pélobate cultripède ou crapaud à couteaux fréquente la zone humide tout près du Calavon, l’espèce est en danger de disparition dans la région ©Nicolas Fuento PNR Luberon

Parmi les 7 espèces d’amphibiens recensées sur le site, le Pelobate cultripède, le crapaud à couteaux est le plus emblématique. Présent dans la péninsule ibérique, un peu sur la côte atlantique, il l’est surtout dans notre région et principalement ici, aux abords du Calavon. Mais il est en danger d’extinction au plan régional.

Plus de 250 crapauds

D’où l’enjeu fort de protection et les études conduites ces dernières années avec le département du Vaucluse. Conclusion : 250 à 300 individus sont présents. Autre constat,  12 à 15% d’entr’eux sont mis en danger par la traversée de la route. Un axe qu’empruntent chaque jour 2500 véhicules.

Jérôme Brichard, agent du Parc du Luberon se tient au pied du Luberon, tout près du Calavon, au bord de la mare, dans la zone humide fréquentée par les crapauds

Jérôme Brichard, au pied du Luberon, tout près du Calavon, la zone humide où les amphibiens viennent se reproduire, souvent après avoir traversé la route toute proche ©JB

« Ce dispositif temporaire nous permettra d’identifier les lieux de traversée de manière précise et d’envisager la construction d’un passage souterrain sous la route à l’endroit le plus favorable » poursuit Jérôme Brichard.

40 000€ de budget

Le projet, piloté par le Parc du Luberon avec la LPO et Fauna Studium (bureau d’études expert en erpétologie chargé du suivi scientifique) a reçu le financement de l’Agence de l’Eau et du département. Budget total : près de 40 000€, depuis les études jusqu’à la réalisation.

Une pelletée de terre pour bien fixer le lilet et le rendre étanche au passage des amphibiens

Une dernière pelletée de terre pour bien fixer le filet que les amphibiens devront tenter de contourner jusqu’à tomber dans un seau où les agents du Parc les récupèreront ©JB

Le dispositif restera en place jusqu’en novembre. Cependant, les filets seront couchés pendant l’été, -hors période de reproduction- pour faciliter le passage d’autres animaux. Durant tout la période, le Parc attend des automobilistes de passage qu’ils respectent bien sûr le matériel mis en place. Mais aussi pourquoi pas, qu’ils préviennent s’ils constatent une défaillance dans l’imperméabilité du dispositif. (contact@parcduluberon.fr).

Des bénévoles pour sauver les crapauds à couteaux

Louis, Vincent, Olivier… ils sont en service civique auprès de la Ligue de Protection des Oiseaux ou simples bénévoles. Ils ont mené –ou poursuivent- des études en écologie ou conservation de la nature, en phase avec leurs convictions.

Deux bénévoles de la LPO PACA posent devant le seau qu'ils ont enterré pour récupérer les crapauds

Louis et Vincent viennent de creuser la tranchée et enterrer les seaux où tomberont les crapauds ©JB

« Derrière la défense d’une espèce, d’un animal, il y a celle de tout un écosystème comme une mare. En protégeant le crapaud, on protège la biodiversité en général » estime Louis.

Olivier en est à son troisième crapauduc temporaire, dont l’un en Isère. « C’est efficace pour définir si un équipement sera nécessaire » constate le jeune homme qui dit s’intéresser à tous les milieux et à toutes les espèces.