les fleurs donneront des amandes

Relancée depuis quelques années par les acteurs de la profession, la culture de l’amande de Provence renaît pas à pas. Nouvelles plantations, mais aussi mise en place de toute la filière, un beau challenge pour un fruit très recherché. Le point sur cette initiative.

On la déguste telle quelle, ou bien dans le nougat, les calissons, les chocolats… Aujourd’hui on la transforme beaucoup en lait, ou encore on utilise son huile… Autant d’occasions de consommer des amandes. Et au-delà des gourmands et de l’achat plaisir, ce fruit sec, sain et nourrissant est de plus en plus apprécié comme élément d’une nourriture équilibrée. Mais aussi  par les adeptes du lait végétal et autres ennemis du gluten. Résultat, sa consommation est en hausse constante (plus de 200% en moins de 20 ans).

les amandes provençales sont rares

Sur les étals, difficile de trouver des amandes locales ©JB

Fruit du pourtour méditerranéen, l’amande a déserté la Provence au siècle dernier. Mais son grand retour est programmé. Transformateurs, producteurs, techniciens, syndicats et chambres d’agriculture, tous unissent désormais leurs efforts au sein d’une structure unique, France Amande.

L’impératrice californienne

Car il ne suffit pas de replanter des vergers d’un coup de baguette magique. Tout d’abord, l’amandier n’est pas si facile à conduire, de nombreux prédateurs le guettent. Et puis la production mondiale –à 80% californienne- inonde les marchés. Sur plus de 400 000 ha, avec le concours de millions d’abeilles, les amandiers de Californie vident l’eau des nappes phréatiques profondes (source Le Monde).  Et à grand renfort de néonicotinoïdes et de glyphosate, même si la filière américaine assure utiliser le moins possible de pesticides.

amandes mûres

Laurent Belorgey est oléiculteur et amandiculteur dans les Alpilles et président de France Amande ©L. Belorgey

Il est évident que l’amande provençale ne pourra s’aligner ni sur les prix ni sur les rendements de l’armada américaine. Mais ce n’est justement pas du tout l’objectif. Au contraire. « L’intérêt serait de se déconnecter du cours mondial, comme pour l’huile d’olive, précise Laurent Bélorgey, président de France Amande, et de travailler sur un prix de l’amande français, pour vendre en France une amande française bien identifiée ».

L’amande de France

Elle sera forcément une amande de qualité. C’est la demande des transformateurs de la région, tout comme celle des consommateurs, et les producteurs ont tout à y gagner. La démarche va de la sélection des variétés à planter, aux modes de culture et de transformation et passe par la mise en place de signes de qualité. Mais il faut aussi ajuster l’offre à la demande. « Aujourd’hui la France produit 600 tonnes d’amandes et en consomme 34 000 t ! poursuit Laurent Belorgey. D’ici 3 à 4 ans, 1500 t sont attendues sur le marché. Si la production arrive tout d’un coup, sans que la filière soit organisée, cela peut vite poser des problèmes… C’est pourquoi on essaie de dialoguer entre producteurs et transformateurs pour anticiper les volumes ».

les amandiers des Alpilles

Vergers d’amandiers dans les Alpilles© L. Belorgey

Créer de nouveaux vergers

La Région Sud PACA, en liaison avec France Agrimer, donne une aide à la plantation. Objectif ? Replanter 1000 ha dans les prochaines années. L’an dernier, 200 l’ont été, et 500 depuis 2016. La production provençale est située principalement dans les Alpilles pour les Bouches-du-Rhône, le Comtat Venaissin pour le Vaucluse et dans les Alpes de Haute Provence.

Label Rouge et IGP

Autre axe de travail de France Amande, les signes de qualité. Il s’agira sans doute d’un label rouge national et d’IGP pour les amandes corse, occitane et provençale. « Il faut  rédiger les cahiers des charges et donc avancer sur la caractérisation du goût, poursuit Laurent Belorgey, lui-même amandiculteur dans les Alpilles.  Si on ne se donne pas de contraintes, on ne pourra pas se différencier. On travaille aussi sur les variétés à planter, celles qui seront reconnues dans les cahiers des charges. Il faut que les producteurs connaissent les règles au plus vite. »

amandier en fleurs à Coustellet

L’amandier a une floraison précoce ©JB

Respect de la biodiversité

En Provence, pas de vergers gourmands en eau et étalés à perte de vue, comme Outre-Atlantique. Les amandiculteurs sont à peu près tous en polyactivité. Ils sont aussi oléiculteurs ou maraîchers, ont des cerisiers, des pommiers ou font du foin… Et la jeune filière ambitionne la norme HVE, qui exige des actions sur l’eau, les intrants et la biodiversité. Et justifie un prix plus élevé. Elle a même rédigé un guide de sensibilisation.

Une filière équitable

Une amande de qualité, respectueuse de l’environnement devra aussi respecter les producteurs et tous les acteurs. Des contrats seront passés et des engagements pris sur les volumes et sur les prix, afin que chacun soit correctement rémunéré et ait une vision sur les prochaines années.

les abeilles pollinisent les amandiers

Jean Sylvain, apiculteur et nougatier à Saint-Didier (84) © P. Giraud

Enfin France Amande travaille aussi avec les chercheurs, notamment le GRAB, même si l’amande bio n’est pas si facile à produire.

Ainsi, à force de réunions, d’informations et de réflexions partagées par les différents partenaires, émerge le renouveau de l’amande de Provence. Les premières productions seront sur le marché dès l’année prochaine.

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Pour aller plus loin

France Amande

En 2016, le syndicat de l’amande, les chambres d’agriculture et des acteurs économiques se retrouvent pour des journées techniques, afin de relancer une filière, avec tous les acteurs de l’amont à l’aval. En octobre 2018, l’interprofession voit le jour, sous le nom de France Amande. Le syndicat des amandes, Coopfruit Luberon, l’Occitane en Provence, mais aussi les nougats Sylvain ou les calissons du Roy René s’y retrouvent, ainsi que la Compagnie des Amandes lancée par Arnaud Montebourg. Gestion des marchés, innovation et recherche, qualité et traçabilité des produits, développement des signes de qualité et d’origine ainsi que la représentation de tous les acteurs auprès des institutions et élus français et européens sont ses objectifs de travail.

La Compagnie des Amandes et le  Naturoptère

La société fondée en 2018 par l’ancien ministre Arnaud Montebourg et l’entrepreneur François Moulias, propose aux agriculteurs un partenariat afin de planter 2000 ha de vergers d’amandiers, d’ici  2024. Objectif : 70 fermes de 15 à 20 ha en Provence, Corse et Occitanie. Dans ce modèle, le producteur apporte le foncier, la Compagnie le financement et les bénéfices sont partagés.

Un premier verger de 20 ha vient d’être installé à Pernes-les-Fontaines (84), et un projet de 100 ha sur Sérignan-du-Comtat, en liaison avec le Naturoptère est dans les tuyaux. La CDA a tout récemment récolté 1M d’€ grâce à un emprunt participatif.

La filière paysans-nougatiers de St Didier

A l’initiative des Nougats-Sylvain, installés à Saint-Didier (84), une SAS, « Créamande »,  regroupe apiculteurs,  amandiculteurs et nougatier. Objectif : créer des relations commerciales stables et équitables au sein de la filière. Chaque associé signe une charte de qualité et des contrats d’approvisionnement sur 3 ans (réajustables tous les ans), qui garantissent volumes et un prix plancher. Ainsi les producteurs et transformateurs ont une visibilité à moyen terme sur une rémunération juste et des approvisionnements garantis.

Créamande à ce jour compte 4 apiculteurs et 5 000 ruches et 4 amandiculteurs sur une centaine d’hectares d’amandiers. La société est membre de France Amande, qui compte s’inspirer de son modèle.