Les élus de la Chambre pour la souveraineté alimentaire

Inlassablement, la présidente et les élus le répètent : l’agriculture a un rôle majeur à jouer face aux crises qui secouent nos sociétés (climat, guerre, pandémies…) et elle ne le remplira qu’en engageant l’indispensable transition agroécologique. Bonne nouvelle, le Vaucluse possède de nombreux atouts.

En mai dernier, Georgia Lambertin confiait à Bleu Tomate ses engagements en faveur d’une agriculture durable (lire notre article ici). Ce 27 juin, c’est entourée de plusieurs élus et salariés de la chambre qu’elle a tenu à faire passer le message.  « La souveraineté alimentaire implique une alimentation saine, grâce à des méthodes durables, qui respectent l’environnement, la biodiversité et la santé. Dans la lutte contre le changement climatique, nous avons une longueur d’avance », affirme la présidente.

Pour répondre à ces enjeux, la Chambre entend répondre simultanément à 5 défis : la conservation des terres agricoles et le renouvellement des générations, car sans terres et sans paysans, pas d’agriculture ! Mais aussi une production durable et des exploitations rentables. Un objectif qui passe par le développement de la consommation locale.

La clé du foncier

Pour chaque thème, l’élu en charge du dossier présente les initiatives et actions en cours. Ainsi Jean-François Cartoux, élu en charge de l’urbanisme, dresse le sombre tableau du foncier sur le département. 800 hectares de terres agricoles perdues chaque année depuis les années 70, même si l’artificialisation ralentit.

la souveraineté alimentaire en ligne de mire

Document de la Chambre d’agriculture du Vaucluse

« La Chambre délivre ce message auprès des collectivités, explique l’élu. Il faut changer les pratiques et préserver le foncier. Nous apportons notre connaissance du terrain et pouvons fournir des études. Nous intervenons à tous les niveaux, régional, départemental et communal. Cette année, nous avons donné une trentaine d’avis . Et nous proposons la création de ZAP (zones agricoles à protéger). Trois sont approuvées à Pertuis, Puyvert-Lauris et aux BeaumettesD’autres sont en cours».

Une bonne volonté affichée, qui se heurte malgré tout encore souvent à des  décideurs peu convaincus de la nécessité de protéger les terres agricoles partout où cela est possible.

Un agriculteur sur deux a plus de 50 ans

Chaque jour, deux agriculteurs quittent le métier quand  un seul s’y engage. Là aussi on note un léger mieux, les installations sont en hausse de 10% depuis 2020. Et 57% des projets visent la bio. La Chambre propose aux candidats un Point Accueil Installation et les accompagne sur son espace-test à Pertuis où ils apprennent le métier pendant 2 à 3 ans. En moyenne, un sur deux finalise son projet. Un autre espace-test est en projet à Avignon en partenariat avec la communauté d’agglomération du Grand Avignon.

innovations pour l'adaptation au changement climatique

Une sonde du CRIIAM Sud implantée sur la parcelle test de l’association APPI ©association APPI

Des productions et des exploitations durables

Autre défi, celui de la production durable. Là encore, la Chambre affirme sa volonté de soutenir tous ceux qui s’engagent dans la diversification et les signes de qualité. Mais aussi dans la lutte contre le changement climatique. Au domaine expérimental de Piolenc, sont testés les outils innovants comme les filets ombragés, mais aussi les variétés plus résistantes, le bio-contrôle ou encore les techniques de captation du carbone.

Soutenus par la Chambre, le GIEE « Les hommes qui plantent des arbres », et le GIEE « Couverts végétaux » travaillent ainsi à l’adaptation et à l’atténuation du changement climatique.

Les consommateurs doivent jouer le jeu…

Mais tout agriculteur doit vendre ses produits. La Chambre se tourne alors vers les consommateurs afin de faciliter la vente directe, grâce à de multiples initiatives. Du réseau « Bienvenue à la ferme » à la participation aux différents Projets Alimentaires Territoriaux du département en passant par les distributeurs automatiques et Drive fermiers ainsi que  différents marchés du soir de producteurs… Ou encore la plate-forme Agrilocal 84 destinée à la restauration collective.

… Et la grande distribution aussi

Malgré tous ces efforts, une réalité persiste : les fruits et légumes sont vendus à 80% par la grande distribution. Ici aussi la Chambre entend intervenir. « Il faut absolument mieux structurer les filières afin qu’elles aient plus de poids pour vendre au juste prix, avertit Georgia Lambertin. La grande distribution doit elle aussi prendre en compte le changement climatique. On ne fait plus la mise en marché comme avant, elle doit se recaler sur les réalités d’aujourd’hui ».

élus et fonctionnaires de la Chambre

Autour de la présidente, Georgia Lambertin, élus et collaborateurs de la Chambre d’agriculture s’affichent pour la souveraineté alimentaire ©JB

Et la présidente de réclamer davantage de souplesse par exemple sur les dates et les produits à valoriser, afin que les promotions s’adaptent aux calibres et aux quantités, et pas l’inverse ! « On ne peut plus se permettre d’attendre, tout le monde doit prendre conscience de l’urgence de la situation », poursuit-elle.

La souveraineté alimentaire a un prix

D’autant que les efforts affichés par les responsables agricoles se heurtent en ce moment à des prix trop bas. « Aujourd’hui, il y a des cerises qui restent sur les arbres. Le bilan à la fin de l’année va être très grave », conclut Georgia Lambertin.

Malgré tout, avec ses petites exploitations (20 ha en moyenne), dont beaucoup sont diversifiées, les 2/3 sous signe de qualité, 21% en bio et représentant à  peu près toutes les productions méditerranéennes, l’agriculture du Vaucluse rapporte chaque année un milliard d’euros au département. Autant d’atouts aux yeux des élus de la chambre pour répondre aux enjeux de la souveraineté alimentaire.

La brûlante question de l’eau

3 questions à Michel Brès, élu à la Chambre où il s’occupe de l’hydraulique agricole. Michel Brès est vigneron à Séguret et cultive aussi des oliviers et des amandiers.

Michel Brès vigneron à Séguret (84) est élu à la Chambre d’agriculture en charge des projets hydrauliques ©MB

Bleu Tomate : où en est-on de la ressource en eau dans le Vaucluse ?

Depuis des centaines d’années, tout le département a été irrigué par gravité grâce aux canaux alimentés au sud par la Durance et le Calavon, et au nord par l’Aigues, le Lez et l’Ouvèze. Mais aujourd’hui, ces derniers sont en situation critique. La pluviométrie est de plus en plus basse, alors qu’avec la hausse des températures, les plantes ont des besoins accrus.

BT : quelles mesures sont-elles prises ?

Dans le Nord du département, nous avons engagé la modernisation en passant à l’eau sous pression. 6 projets sont en cours, la Chambre les accompagne. La consommation va être réduite des 2/3 (baisse de 15 Millions de m3 à 5 m3/an pris sur le milieu)… Et nous économisons encore au niveau des parcelles. Par exemple, l’irrigation gravitaire d’une vigne consommait 10 000 m3 par an à l’hectare, avec le goutte-à-goutte c’est 1000 m3.

Et l’on peut encore améliorer l’efficacité grâce à des sondes implantées dans le sol. Un programme de recherches est en cours, auquel participe une quinzaine d’agriculteurs. On travaille sur les couverts végétaux, sur les ombrages (arbres ou filets) et sur le fractionnement de l’apport en eau. Au lieu d’irriguer en une seule fois, on réduit la quantité mais on augmente la fréquence. Mais les changements de pratiques culturales et les innovations techniques, qui ont un coût important, ne suffiront pas.

agroforesterie en test à Sablet 84

Parcelle test de l’association APPI, exploitée en agroforesterie sur la commune de Sablet.
©association APPI

BT : quelle solution préconisez-vous ?

Prélever dans l’eau du Rhône, plutôt que dans la nappe du miocène, destinée à la consommation et dans les rivières Aigues et Ouvèze en souffrance ! Le Projet de Territoire pour la Gestion de l’Eau (PTGE)« Hauts de Provence Rhodanienne » (HPR), concerne la Drôme et le Vaucluse et 81 communes (34 drômoises et 47 vauclusiennes). L’eau serait amenée par des conduites enterrées et servirait à l’agriculture mais aussi à d’autres usages (tourisme, biodiversité ou encore lutte contre l’incendie).
Un consensus existe autour de ce projet qui réduira les prélèvements dans les ressources les plus fragiles. On est au stade de l’étude finale.
Aujourd’hui, le prélèvement agricole sur le Rhône c’est 2% du débit du fleuve, bien en-deçà des droits de prélèvements, et avec le HPR, la différence sera minime.

Bientôt une Maison des agriculteurs de Vaucluse ?

La Chambre d’agriculture du Vaucluse travaille au projet d’une Maison des Agriculteurs du Vaucluse, en partenariat avec la communauté d’agglomération des Sorgues du Comtat. Installé à Monteux, cet espace de 1000 m2 proposerait une surface de vente aux particuliers ainsi qu’une plate-forme d’approvisionnement pour les collectivités. Elle serait une vitrine du département. Les études sur sa faisabilité sont en cours. Si le projet voit le jour, il pourrait se concrétiser en 2024.