Depuis le 20 novembre dernier, un débat national sur la mer, intitulé « la mer en débat », a commencé. Les Aires Marines Protégées (AMP) font partie des discussions. Sandrine Ruitton, chercheuse à l’Institut Méditerranéen d’Océanologie de l’Université d’Aix Marseille, nous explique leur fonctionnement.

Une AMP, c’est une zone définie en mer qui fait l’objet d’une réglementation spécifique. En réalité, cette notion est vaste. « En France, il existe 18 statuts différents d’AMP qui vont de la protection intégrale mettant sous cloche la nature jusqu’à la zone à peine plus gérée qu’une zone hors AMP », affirme Sandrine Ruitton. Ainsi, différentes mesures peuvent être adoptées en fonction du niveau de protection. La pêche, le mouillage et la plongée sont des activités qui sont soit interdites soit régulées.

L’effet réserve, un double effet positif sur la biodiversité marine…

Dans les AMP faisant l’objet d’une forte protection, là où la pêche est totalement interdite, la protection de la biodiversité est un pari gagné. « C’est le meilleur outil de protection qui existe.  Il permet de préserver un écosystème, qui s’il est trop abimé par les activités humaines, se dégrade et devient difficilement reconstituable », déclare Sandrine Ruitton.

En effet, dans ces zones, on observe « l’effet réserve ». Il s’agit d’une augmentation du nombre de poisson et de leur taille moyenne. Résultat ? Une restauration efficace des écosystèmes, une exportation des poissons mais aussi des œufs et des larves vers des zones non protégées.

De plus, l’état général de l’habitat est amélioré du fait de l’absence des atteintes liées aux activités humaines, comme les filets de pêche ou l’amarrage. « Par exemple, le Parc naturel des Calanques bénéficie de certaines zones de protection forte. En 10 ans on a multiplié par trois la biomasse de poisson », atteste Sandrine Ruitton.

Le PMCB et ses deux réserves marines en face de Carry et du Cap Couronne

Le Parc marin de la côte bleue et son AMP en face de Carry et du Cap Couronne – ©Parc marin Côte Bleue

… mais encore trop peu utilisé

En Méditerranée, les zones de protection forte ne représentent que 0,2% de la surface du milieu marin. Bien que la présence d’AMP soit toujours mieux que rien, le chemin est encore long. De plus, la France possède le deuxième territoire maritime au monde avec 10,2 millions de km² d’eaux sous sa juridiction.

« Globalement on est à 25% de zones couvertes par ces AMP mais la plupart sont des AMP que l’on peut qualifier de papier car rien n’est fait concrètement. Par exemple l’AMP de la mer de corail est la plus grande du monde mais rien n’est fait pour protéger réellement la biodiversité », affirme Sandrine Ruitton. « Souvent les politiques se retranchent derrière ces chiffres mais qui sont de la poudre aux yeux. Il faut à tout prix augmenter les zones de protection forte ».

L’AMP de la mer de corail, en Nouvelle-Calédonie – Crédits Pixabay

Un débat public pour éveiller les consciences

« La mer en débat » est une occasion pour que les gens réalisent que la mer très mal protégée, malgré les discours politiques. D’autant plus que celle-ci est indispensable pour la vie humaine.

Aussi, les AMP font souvent l’objet de controverses de la part des usagers qui ont du mal à accepter que leurs loisirs soient limités, en particulier pour la pêche. Mieux comprendre les enjeux permet de faire accepter certaines réglementations.

La Méditerranée, hotspot de la biodiversité

Enfin, rappelons que la Méditerranée renferme 28% d’espèces endémiques alors qu’il s’agit « d’un confetti à l’échelle mondiale ». Comme tous les espaces maritimes, elle joue un rôle essentiel dans la régulation du climat, et aussi sur les cycles de l’eau des pays limitrophes. Pourtant, c’est « une mer semi fermée qui subit de plein fouet les effets du réchauffement climatique », précise Sandrine Ruitton. D’où l’importance de la préserver en augmentant le nombre d’AMP et leur niveau de protection.

La Posidonie, exemple d’espèce endémique de la Méditerranée – Crédit Parc Marin de la Côte Bleue.