La France se réchauffe… et le débit du Rhône diminue. Pour compenser la perte d’hydroélectricité qui en découle, la Compagnie Nationale du Rhône veut installer plus de 6 millions de m² de panneaux solaires dans la vallée d’ici 2030. En Région Sud, petits et grands projets prennent forme.

« S’adapter au changement climatique ». Hier à Avignon, quasiment tous les leaders présents pour l’inauguration du salon Med’Agri avaient cette expression à la bouche. Renaud Muselier (président de la Région Sud), Cécile Helle (maire d’Avignon), André Bernard (président de la Chambre régionale d’agriculture PACA) avaient fatalement pris conscience, comme chacun d’entre nous, des effets négatifs sur l’agriculture d’une météo altérée… qui ne date pourtant pas d’hier.

Gestion durable des ressources

C’est donc sous le thème d’absolue actualité de la « gestion durable des ressources » que s’est placée opportunément la 3ème édition de Med’Agri, rendez-vous de l’agriculture méditerranéenne. Et s’il est un exposant qui mesure plus que d’autres les effets du réchauffement, c’est bien la CNR. Le producteur d’électricité sur le Rhône, concessionnaire du fleuve depuis 1934, voit sa production hydroélectrique diminuer en raison de la baisse du débit du Rhône.

David Cattelin devant une image de centrale photovoltaïque de la CNR, dans la vallée du Rhône. Crédit Philippe Bourget (Photo de Une : Solarhona, une filiale de la CNR spécialement créée pour équiper la vallée du Rhône en panneaux photovoltaïques. Crédit PB).

Entre 500 et 1 000 projets photovoltaïques

« Les prévisions pour le futur montrent que ce débit va continuer à diminuer et la production d’électricité aussi », confirme David Cattelin, responsable Réseaux et Partenaires chez Solarhona. Cette filiale à 100% de la CNR, constituée en mai 2022, doit donc participer à l’atteinte d’un objectif clair : compenser la baisse de production hydroélectrique par de l’électricité solaire – la CNR investit aussi dans l’éolien. « Nous visons 1 000 MWc [Mégawatts-crête] à l’horizon 2030, soit l’équivalent d’entre 500 et 1 000 projets photovoltaïques », synthétise Laurence Borie-Bancel, présidente du directoire de la CNR. Pour décrypter, cela correspond à plus de 6 millions de m² de panneaux solaires à installer…

Grands projets pour CNR, « petits » pour Solarhona

La CNR et sa Direction des Energies Nouvelles (DEN) s’occupe des grands projets, soit les centrales au sol de plus de 4 ha et celles sur des plans d’eau artificiels de plus de 6 ha. Solarhona est en charge du « petit » maillage régional. « Il s’agit de centrales d’environ 3 à 5 ha mais aussi de la couverture de bâtiments existants, entrepôts logistiques et techniques, hangars agricoles… Nous y intégrons également la construction d’ombrières sur des parkings de stationnement », précise David Cattelin.

Panneaux photovoltaïques sur un toit ©shutterstock

Centrales à Bollène, Avignon, Caderousse

La « zone de chalandise » court sur toute la vallée du Rhône, du lac Léman aux Saintes-Maries-de-la-Mer. Elle s’étend sur une bande de 5 à 10 km de part et d’autre du fleuve mais peut ponctuellement aller plus loin. Côté grands équipements, la CNR dispose déjà de 49 centrales photovoltaïques. En Région Sud, elles sont toutes situées dans le Vaucluse. « Nous avons deux centrales au sol à Bollène et une à Avignon, dans la zone de la Courtine. Elles produisent entre 3,5 et 5 MWc chacune. La plus importante se trouve à Caderousse, c’est une centrale qui a une capacité de 14 MWc », indique Sarah Felix-Faure, chef de projet à la DNE de la CNR. Un autre projet majeur est en cours à Mondragon (Vaucluse).

Un modèle destiné aux collectivités locales

Le modèle économique des « petites unités » est globalement le suivant : Solarhona recherche des clients souhaitant valoriser des emplacements avec des panneaux photovoltaïques, leur verse un loyer pour cela et revend l’électricité solaire produite. « Le but est de développer ce modèle auprès des EPCI [Etablissements Publics de Coopération Intercommunale] de la vallée du Rhône. Par la création de sociétés de production photovoltaïque, ces collectivités locales, financées notamment par des caisses régionales du Crédit Agricole, vont pouvoir être les acteurs de leur propre politique énergétique », explique David Cattelin.

Sarah Felix-Faure, chef de projet à la DNE de la CNR, s’occupe des projets majeurs photovoltaïques. Crédit PB.

Des maires engagés… d’autres opportunistes

Et elles semblent nombreuses à vouloir s’y mettre. « Il y a des maires engagés [dans la transition énergétique, ndlr] et consciencieux, d’autres qui font leur révolution écologique et d’autres encore qui n’y vont que dans un souci électoraliste », constate, lucide, le responsable. Se pose aussi le problème du diagnostic. « Certaines collectivités veulent faire du solaire mais elles sont souvent mal accompagnées dans leur audit. Il est important qu’elles effectuent un diagnostic précis avec des bureaux d’études spécialisés pour savoir si leurs bâtiments communaux sont aptes ou non à recevoir des panneaux solaires ».

Projets à Meyreuil, Grans, Arles…

Reste que des projets émergent, pour lesquels Solarhona répond dans le cadre d’Appels à Manifestations d’Intérêt (AMI)… où elle affronte d’autres acteurs aguerris du solaire, Engie, Tenergie, EDF Renouvelables… « Nous nous sommes positionnés sur des projets d’ombrières solaires pour des parkings à Meyreuil [13], Grans [13], Bollène [84]. Il existe aussi un projet important d’équipement de bâtiments en panneaux solaires au port d’Arles ». Dans un marché très concurrentiel, et à coups de petites unités, il faudra beaucoup d’énergie… humaine à Solarhona pour contribuer à atteindre les 6 millions de m² de panneaux en 2030.