Solange et quelques amapiens

La crise sanitaire a révélé les faiblesses d’un système alimentaire et de production déconnecté des territoires. A l’inverse, les paysans locaux présents dans les AMAPs et sur les marchés ont été mis en lumière. Solange Follet, installée à Villelaure, dans le Luberon, en fait partie. Portrait.

Elle a le sourire franc et l’accueil chaleureux. Mais son temps est compté et les tâches s’enchaînent. Ce soir c’est distribution des paniers à l’AMAP Mara des Bois. Une cinquantaine de paniers à préparer et distribuer, avec quelques contraintes sanitaires évidemment. Qui n’empêchent pas le plaisir de la rencontre, des discussions, petits conseils, explications.

chez Solange, Bernard travaille pour l'AMAP

C’est aujourd’hui au tour de Bernard, amapien, de participer à la préparation des paniers – ©J.B.

Les Amapiens donnent un coup de main et avant de partir avec leur cabas plein de beaux légumes d’hiver, ne sont pas avares de compliments pour « leur paysanne ».

« Toujours souriante, dynamique, beaucoup de courage et toujours de nouvelles idées, passionnée et tenace », égrène Bernard, entre deux pesées de carottes et d’oignons.

Les AMAP pour credo

Anne amapienne apprécie Solange la maraîchère

Pour rien au monde Anne, ancienne amapienne, ne renoncerait à venir chercher son panier de légumes hebdomadaire à la Grande Bastide – ©J.B.

Anne vient de Pertuis, mais ne ferait défaut à Solange pour rien au monde. Même si elle a connu l’AMAP « du temps de Pierre », le père de la maraîchère. « On s’est posé des questions, on a senti qu’il fallait des réajustements, une adaptation, on a été indulgents… Solange, elle est super, à l’écoute et les légumes sont toujours aussi beaux et de bonne qualité. Et puis l’AMAP est un système chaleureux ! » conclut cette amapienne convaincue.

Solange aussi est une femme de convictions. Le travail en bio, là pas question de transiger… Et puis l’humain d’abord, dans les champs, les serres, avec les clients, les collègues, les visiteurs… Le travail solidaire, l’engagement dans les réseaux : CIVAM, Confédération Paysanne, AMAP de Provence, Wwoofing… L’envie d’un monde plus équitable…

Retour aux sources

6 ans qu’elle a repris la Grande Bastide, la ferme transmise par ses parents. Eux-mêmes ingénieur et artiste plasticienne l’ont créé et l’adolescente d’alors n’a pas trop aimé tout de suite. « C’était le cauchemar, l’isolement… Mes parents travaillaient beaucoup, et puis à l’époque, dire que ses parents étaient « paysans », ça marquait mal ! ».

Solange Follet, maraîchère à Villelaure - ©la Grande Bastide

Solange Follet la maraîchère passe du temps dans ses serres à Villelaure (84)

Solange fait des études artistiques, voyage, travaille avec les Paysans sans terre au Brésil, s’installe en Argentine, danse, chante et découvre le réseau Via Campesina. Puis participe à la création d’une Université à la campagne. Formation d’agriculture, mais aussi présence culturelle, une radio, des débats…

L’idée de s’installer là-bas la prend … Et puis l’attachement à la famille, mais aussi à la terre d’ici est plus fort. Retour à Villelaure en 2012. « On est dans le couloir magique de la Durance, dans un cadre beau et généreux et au carrefour de plusieurs départements, entre Aix et Pertuis. Il y a aussi une grande vie culturelle ici. »

Transmission, oui mais…

En 2015, elle reprend la ferme, accompagnée pendant quelques mois par son père qui prend ensuite sa retraite, comme sa mère. « La transmission, c’est une aventure », explique-t-elle dans un éclat de rire. Et ça ne se fait pas du jour au lendemain.

Solange travaille dur

Légumes de plein-champ et sous serres réclament beaucoup de travail physique – ©J.B.

« Pour moi, c’est une aventure collective, avec les parents, les salariés, les woofers, les modes de commercialisation… C’est un défi de faire 60 paniers d’un coup ! C’est comme monter sur une scène… Tu n’es pas terrorisée, mais tu as une peur constructive ! »

Penser local et collectif

Car la ferme c’est 27 hectares, quand Solange peut en travailler 7 ou 8. Alors petit à petit, elle trouve des solutions, avec Benoît Layron, le boulanger qui devient paysan sur 18 ha et Patricia Lenne qui s’installe pépiniériste de plantes maraîchères.

Pas encore satisfaite, Solange accueille Barbara sur un espace-test en maraîchage. Elle pourrait reprendre une AMAP. Et puis elle reçoit des stagiaires, fière qu’ils s’installent après leur passage : « la transmission, dit-elle, c’est pas juste à un moment, c’est permanent ».

Maraîchère, l’artiste

Nantie d’un BP REA (Brevet Professionnel Responsable d’Entreprise Agricole), formation généraliste d’un an seulement, elle se trouve un peu « courte » en gestion, commercialisation et agronomie. « Je veux accomplir des rêves d’enfant, mais je dois m’en donner les moyens » précise Solange qui soupèse ses qualités et ses manques.

Solange Follet et les amapiens

Distribution de paniers dans les rires et la bonne humeur à la Grande Bastide – ©J.B.

Côté atouts, elle a la force, le rythme, l’amour du travail, la dextérité pour manier les caisses et les tracteurs. Et la connaissance des légumes, des conditions de plantation, le sens des saisons …

Un combat quotidien

Mais la vraie limite au maraîchage, c’est la main d’œuvre ! Aucune aide de ce côté ne vient de l’Europe, et ça, Solange, ça la met un peu en colère, à l’heure où la future PAC est en pleine négociation à Bruxelles. Alors elle participe au Collectif pour une autre PAC qui lance des propositions en faveur du maraîchage.

Même s’il est très physique et pas très rentable, Solange aime son métier. Surtout comme elle le conçoit, dans l’ouverture et l’accueil. Visites, et manifestations culturelles nombreuses.

Mardi prochain, ce sera le Marché de Noël à la ferme… avec des horaires modifiés pour cause de couvre-feu.

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Pour aller plus loin

La campagne Portraits de paysan.ne.s

En 2020, la COVID a largement remis en cause  notre organisation économique, sociale et écologique. Et notamment la question de l’agriculture et de l’alimentation. 5 organisations (CIVAM, Terre de Liens, la Confédération paysanne, la FADEAR et Accueil Paysan) ont choisi ce moment pour mettre en avant des paysans et dresser leur portrait, à travers leur travail quotidien. Solange Follet en fait partie, tout comme Nicolas Verzotti, qui pratique l’agroforesterie au Thor (84). Voir ici son portrait par Bleu Tomate).

La campagne (#PourNosPaysans)  invite à la mobilisation citoyenne sur les réseaux sociaux. Elle s’adresse aussi aux parlementaires. Afin qu’ils adoptent des mesures de soutien en faveur de ces paysans qui tracent leur sillon local dans le respect de l’environnement et proposent une alimentation saine.

Les 5 organisations en appellent aussi aux collectivités locales. Beaucoup ont pris des initiatives pour soutenir les circuits courts et les paysans locaux, dans le contexte sanitaire difficile. Les Projets Alimentaires Territoriaux sont un autre levier. Ces projets doivent être généralisés et soutenus financièrement.

Ces portraits montrent un autre modèle que l’agro-industrie, une agriculture durable, résiliente, solidaire, autonome et porteuse d’emplois.

Pour voir ces portraits, on peut cliquer ici.