A bord d’un pointu marseillais, Fanny et Anjelika proposent à de petits groupes d’habitants et de touristes de prélever du plancton dans la rade de Marseille. Une sortie loisirs et éducative sur le thème de la biodiversité marine qui mêle le plaisir d’une escapade vivifiante à la découverte curieuse de l’infiniment petit. 

« Oh ! Y a un bébé méduse, tout microscopique ! ». Quentin n’en croit pas ses yeux. A 9 ans, les yeux rivés sur un gros tube en verre rempli d’eau de mer, l’explorateur en herbe observe avec ravissement le liquide dans lequel flottent des micro-particules. C’est lui, au large du quartier de Malmousque, qui a été chargé de chronométrer avec le portable de son papa le temps d’immersion du filet de collecte du plancton. 15 minutes plus tard, retiré par Camille, autre passagère du jour, le contenu du récipient fixé au fond du filet était versé dans ce flacon-éprouvette, afin d’étudier la mini-pêche à l’œil et au microscope.

Séance introductive sur le plancton à bord du Capitaine Coco. Crédit Philippe Bourget (Photo de Une : Un peu d’eau de mer prélevée, une grande réserve de plancton ! Crédit Ph. B.)

Excursion éducative

C’est comme cela que ça se passe à bord du Capitaine Coco. Ce pointu marseillaise rénové avec passion par Fanny Havas, jeune entrepreneuse et capitaine du bateau, lui sert à proposer des excursions éducatives et des « expériences » en mer, pour des groupes de 8 personnes. Une forme d’écotourisme intelligent, « qui casse l’image apéro-bronzing des sorties habituellement proposées », justifie Fanny. Dîner à bord avec un chef local, apprentissage de la voile sur sa barque 100% marseillaise, histoires contées autour de la cité phocéenne, navigation jusqu’à la grotte Cosquer« toutes mes sorties sont à thèmes ».

Fanny Havas à la barre de son Capitaine Coco : cap au large ! Crédit Ph. B.

Une capitaine et une médiatrice scientifique

Sa rencontre avec Anjelika Solé, biologiste et médiatrice scientifique, lui a permis de concevoir des excursions sur la biodiversité marine et la découverte du plancton, objet de celle du jour. Hormis Quentin, Olivier, son papa, et Camille, se trouvent à bord Zoé et son fils Marek, 7 ans, foulard de corsaire sur la tête – « c’est son cadeau d’anniversaire ! », dit la maman, habitante de Marseille, passionnée par le « vivant ». Il y a aussi Marion, sœur ainée de Camille, toutes deux en séjour dans le Gard. Ainsi qu’Andréa et Sonita, en BTS Tourisme au lycée Bonneveine, à Marseille. Andréa a habité l’archipel du Frioul dans sa prime enfance – « j’adorais vivre sur l’île, je ne voulais pas aller à l’école ! » – et effectue un stage avec Fanny.

Avec Anjelika, on apprend d’abord à reconnaitre les oiseaux. Crédit Ph. B.

Chasse au plancton

Sous un chaud soleil printanier, après un quizz d’Anjelika sur le plancton, livre à l’appui, nous quittons le Vieux-Port. Explications sur l’histoire de Phocée, observation aux jumelles des goélands… « Les gabians surveillent leurs nids », explique Anjelika aux passagers. Au Vallon des Auffes, nous parlons posidonies et espèces envahissantes, comme la caulerpa taxifolia. Vient le moment de prélever le plancton, autour de l’île Degaby. Le petit Marek, pas peu fier, met le filet à l’eau, Olivier tient la barre… Chacun participe à l’opération de prélèvement, principe interactif de la sortie.

Retour à bord pour le filet au plancton, immergé près de l’île Degaby. Crédit Ph. B.

Objets Marins A Identifier…

Sur le chemin du retour, un peu bousculé par des vagues traitresses négociées par la skipper Fanny, Anjelika a sorti une valisette magique dans laquelle se trouvent des… OMAI, Objets Marins A Identifier. Chacun choisit l’un d’eux et doit deviner son origine. L’auteur de ces lignes attrape une touffe séchée de posidonie. Andréa pense avoir un coquillage nacré dans les mains, c’est une coquille d’ormeau. Zoé a récupéré un crâne de goéland. Il y a aussi des balanes, petits crabes agglomérés sur un caillou. Plus inquiétant, la valisette contient des filtres en plastique issus de stations d’épuration. Ainsi que des billes de plastique (larmes de sirènes) perdues en mer. Une matière première utilisée pour  fabriquer toutes sortes de matériaux synthétiques…

On trouve de tout en mer, du bon et du mois bon… Crédit Ph. B.

Copépodes, dinoflagellés, radiolaires…

Revenu au Vieux-Port, place à l’analyse au microscope. Le matériel est installé sur le pont, à l’arrière du Capitaine Coco. Deux à trois gouttes sont posées sur des lamelles de verre, placées l’une après l’autre sous la loupe. Un écran digital connecté permet de grossir l’image. Aux premières loges, Quentin et Marek identifient les micros organismes gélatineux. « Un copépode », s’écrit le premier, aidé par une feuille distribuée par Angelika, où sont dessinés différents planctons. « Là, un dinoflagellé ! », affirme Marek. « Ce qui me tient à cœur, c’est de rendre l’invisible visible », dit Angelika. Et il y a du monde dans le tube : des radiolaires, un bébé moule, un œuf de poisson… On parle zooplancton (animal) et phytoplancton (végétal). Beaucoup ont des formes graphiques exceptionnelles, révélées par le livre qui accompagne la sortie.

Quentin et Marek, (à d.), attentifs à décrypter les types de plancton. Crédit Ph. B.

Visée scientifique

Si le propos de la balade est ludico-éducatif, la démarche de Capitaine Coco est aussi scientifique. « Nous travaillons avec l’entreprise marseillaise Natural Solutions pour analyser des prélèvements de plancton et faire du recensement. L’objectif est d’en déduire des typologies selon les propriétés et la qualité de l’eau. Je développe aussi un planctonscope, microscope intelligent disponible en open source auprès de Plankton Planet », raconte Fanny. Cet organisme international à but non lucratif réunit des partenaires académiques et des citoyens pour évaluer, à partir du plancton, la santé des océans et prévoir à terme leur évolution.

Des formes magnifiques pour de si petits micro-organismes. Crédit Ph. B.

« Ludique et sympa »

Il est temps pour les marins d’un jour de se séparer. Camille, étudiante à Paris, est plutôt ravie. « C’est super intéressant parce que c’est assez ludique et on participe manuellement. Ils connaissent bien le sujet et il y a du bon matériel à bord. Ca permet aux enfants de s’intéresser. En plus, la sortie bateau au large de Marseille  est vraiment sympa », dit celle qui se destine à une carrière scientifique. N’est-ce pas là la définition même d’un tourisme écologique : joindre la connaissance de la nature au plaisir d’une après-midi au grand air ?

Pour en savoir plus

Capitaine Coco

06 32 40 70 63 (Fanny Havas)

capitainecoco.fr

Sortie : 45 €/ad. ; 25 €/enf.

Les Flâneuses de Marseille

flaneuses.marseille@gmail.com (Anjelika Solé)

Avec une autre biologiste écologue, elles transmettent et parlent de leur univers de prédilection, la mer pour l’une et les chauves-souris pour l’autre, dans leur ville de cœur, Marseille.